Oran : La ville ne sait plus où cacher ses malades mentaux

Oran : La ville ne sait plus où cacher ses malades mentaux

Dans le cadre de la préparation de la saison estivale, une large campagne de récupération des malades mentaux a été lancée par la direction de l’action sociale de la wilaya d’Oran.

Le but de cette opération est de maîtriser le nombre important de ces malades errant dans les rues, notamment durant la période des grandes chaleurs où ils deviennent de plus en plus agités.

La majorité devient agressive, d’où source de danger pour les piétons. Cette opération sera renforcée par une enquête pour l’identification des personnes récupérées, concernant surtout leurs origines, puisque la majorité vient d’autres wilayas. Les étrangers à la wilaya d’Oran seront transférés vers les hôpitaux psychiatriques de leur localité d’origine et ce, dans le but d’alléger la pression subie par l’hôpital d’Oran qui connaît depuis plusieurs années une forte surcharge.

Ceci a obligé souvent les responsables de cette structure, à placer ensemble les malades, malgré leur différence de pathologie et degrés d’affection. Certes, il s’agit d’une bonne initiative de la part des responsables mais la question qui se pose avec insistance pourquoi procède-t-on à ce genre de campagne occasionnellement ?

Tout le monde est témoin qu’un mois avant la tenue de la GNL16, à titre d’exemple, Oran a été vidée de ses SDF, des malades Mentaux et de mendiants. Juste après l’achèvement des travaux de ce sommet, la ville a replongé dans la même situation qu’avant sinon même pire.

Interrogé, la majorité des responsables ont déclaré que les causes sont ce manque flagrant de places au niveau des structures d’accueil et de soins, et le refus d’hospitalisation au centre de psychiatrie de Sidi Chahmi par la plupart des malades et enfin la surcharge de la seule infrastructure à Oran.

Un phénomène absent occasionnellement et présent à la longueur de l’année

Mais l’évasion des malades, le manque d’infrastructure et la pression ne semblent pas des points soulevés lors de différentes événements comme les visites présidentielles par exemple.

Donc, l’état qui peut, conjoncturellement, maitriser la situation, peut faire l’effort de maintenir cette dynamique à longueur d’année. Par ailleurs, l’OMS fait état de plus de 150.000 malades mentaux en Algérie.

Les structures pour les soins existent mais en nombre très largement insuffisant et la prise en charge doit être réévaluée. En tous les cas il est bon d’en parler car les maladies mentales sont des pathologies comme les autres seulement les blessures de l’âme demandent plus de moyen car elles ne sont pas toujours décelables et diagnostiquées.

Ainsi en Algérie 30 à 40% des cas de suicide sont dus aux dépressions nerveuses. Etre à l’écoute de chacun et de toutes les formes de souffrance peut aider ceux qui peuvent en avoir besoin, d’autant plus que l’Algérie a vécu une décennie toute en douleur et des blessures restent encore à cautériser.

Alors c’est bien de parler des maladies mentales sans tabou ni gène car personne ne peut se dire qu’il en est à l’abri comme de toutes les maladies et douleurs. D’autre part, quelque 30.000 malades mentaux sont soignés dans des hôpitaux universitaires, des centres spécialisés et dans les secteurs sanitaires. L’Organisation mondiale de la santé (OMS), souligne, toujours dans ce cadre, que ce nombre des malades mentaux en Algérie se concentre notamment dans les grandes villes.

Il est à noter que le ministère de la Santé a redynamisé le programme national de prise en charge de la santé mentale pour les 4 années 2006-2009 et l’ouverture de nouveaux centres de proximité et des services au niveau des secteurs sanitaires afin de rapprocher la santé des citoyens et de soulager les familles atteintes par cette maladie, tout en dotant les wilayas de Sidi Bel-Abbès, Mostaganem, Batna et la daïra de Sour El-Ghozlane de 444 lits, qui s’ajoutent à 4.722 autres existants au niveau national.

Le taux de 1,43 lit pour 10.000 habitants s’avère insuffisant au niveau national et le ministère prévoit au titre du programme national de doter les secteurs sanitaires de lits d’urgences pour alléger la pression sur les grands centres hospitaliers.

150.000 malades mentaux en Algérie

Concernant les médecins spécialistes, le pays compte 378 médecins spécialistes, soit 1,13 pour 100 mille habitants, et 2.128 infirmiers, soit 6,44 pour 100 mille habitants, estimant que ce chiffre ne couvre pas les besoins des populations dans cette spécialité et que le ministère a formé des médecins généralistes et des paramédicaux dans 108 centres intermédiaires à travers 48 wilayas pour la prise en charge des malades.

En ce qui concerne les malades mentaux qui errent dans les grandes villes, selon des spécialistes : «leur prise en charge demande la coordination des efforts des ministères de l’Intérieur, de la Solidarité nationale et de la Santé publique».

Le ministère de la Santé a élaboré une directive à caractère juridique portant sur la prise en charge des malades mentaux en situation de vagabondage, mais elle ne sera opérationnelle qu’après leur recensement par les communes.

Concernant les médicaments destinés à ces malades notamment les calmants, sont offerts gratuitement au niveau des hôpitaux. Le nouveau programme vise à réorganiser leur distribution et à les rendre disponibles dans l’ensemble des centres.

Selon les données pathologiques, le taux de suicide en Algérie est de 2 sur 100.000 habitants notamment chez les hommes d’un âge avancé, et ceux qui souffrent des problèmes de la solitude, de problèmes sociaux, de l’anxiété et de troubles de la personnalité. Pour les tentatives de suicide, ce phénomène dépasse de 15 fois les cas de suicide soit 34,1 sur 100.000 personnes chaque année notamment chez les adolescents.

Selon les mêmes spécialistes, «les personnes âgées et les adolescents sont les plus exposés aux dépressions et au suicide faute de soutien familial, d’écoute et de prise en charge». «76% des cas de suicide en Algérie sont enregistrés chez les adolescents dont les trois quarts chez les femmes et 6% chez ceux qui récidivent après une tentative», ajoutent-ils.

S. Berkeche