Le groupe mythique Raina Rai chantait dans les années 80 « Lfen w Rai Kharej men bel Abbès », en français « L’art et le raï sortent de Bel Abbès ». Cette affirmation, qui n’est pas totalement fausse concernant le Rai, déplait cependant à certains, en l’occurrence ceux qui soutiennent qu’Oran, la capitale de l’ouest, est sans conteste le berceau premier du ce style populaire qui a connu un succès mondial.
Concernant cet éternel questionnement sur lequel maintes experts se sont penchés, le talentueux artiste trompettiste Messaoud Bellemou, un des imminents piliers du Rai moderne, a tenté d’apporter sa vision des choses. C’est lors d’un entretien accordé à nos confrères d’El Watan, que Bellemou, qui a signé d’éternels chefs-d’œuvre musicaux, a voulu « démystifier » la question de l’origine du Rai.
Pour Bellemou, cette histoire est agaçante au plus haut point, plus encore, car il la trouve suspecte. Le trompettiste déclare notamment que « c’est de la mystification que j’accuse d’avoir nourri la prétention d’Oujda en ayant semé la confusion sur l’histoire du raï ». Pour Messaoud Bellemou donc, cette histoire d’origines, s’apparente à une tentative de récupération étrangère à l’Algérie.
Cependant, l’artiste précise que, pour lui, le Rai tire ses origines du « Trab », un style dans lequel Bellemou 75 ans, s’est grandement baigné pendant son enfance. Le trompettiste ajoute que le « Trab » appartient à toute l’Oranie. L’artiste septuagénaire évoque les chyoukh et Chikhat, et indique que ces artistes ancestraux « sont originaires en général des petites localités rurales et de la périphérie des villes ».
Alors ! Oran Ou Bel Abbès ?
Bellemou, malgré sa tentative d’éviter la question, s’est heurté à l’insistante curiosité de notre confrère d’El Watan. Bellemou s’insurge alors et déclare « cette rivalité porte sur quel raï ? Le raï moderne, puisqu’elle est le fait de groupes musicaux rivaux, entre chebs des deux villes ». L’artiste trouve donc cette querelle ridicule, et ajoute que ces chebs et ces groupes « n’étaient encore que des enfants lorsque le raï moderne était en gestation. Or, il se trouve que je suis un acteur central de cette dernière ».
Bellemou rappelle qu’il est derrière l’introduction de la trompette, l’instrument distinctif du raï moderne. « La trompette a été introduite par moi-même » a-t-il lancé, tout en précisant que son « souci premier n’était pas de moderniser la chanson Trab ». L’artiste revient alors sur sa carrière et explique qu’il baignait dans la musique occidentale et qu’il est pétri de Trab.
Influencé par Cheïkha El Wachma El Témouchentiya, l’alter-go de Rimitti, mais aussi par la « mamba, boléro, rumba, tcha tcha tcha, les valses », Bellemou avec sa trompette, » faisait concurrence (…) à la ghaïta en entonnant des airs latino-américains, ibériques ». Bellemou précise par ailleurs qu’il a « été connu non par le biais des médias, mais par ses prestations en live ».
En ce qui concerne la revendication marocaine qui vise à récupérer la chanson Rai, Bellemou s’est montré tranchant. « Que ceux qui l’avancent au Maroc viennent me jeter à la figure les vinyles enregistrés aux époques considérées » a-t-il confié. Pour l’artiste, la chanson paillarde s’est développée en Algérie comme au Maroc, « de notre côté de la frontière, en Oranie, c’est le raï. De l’autre, c’est la aïta ».