Le ministre de la Communication a insisté, hier à l’APN, sur la volonté de l’État de mieux contrôler l’ouverture de l’audiovisuel qu’il ne l’a fait avec la presse écrite. Il a, en outre, imposé à la commission parlementaire le retrait d’un amendement autorisant la création de chaînes généralistes.
Lors de la présentation, hier devant les députés, du projet de loi sur l’activité audiovisuelle, le ministre de la Communication, Abdelkader Messahel, s’est montré concis et précis. En vingt minutes, il a survolé les gros chapitres du projet de texte. L’essentiel ne résidait visiblement pas dans l’explication des 107 articles du projet, mais de transmettre clairement les messages de l’État en matière d’ouverture du champ audiovisuel à l’investissement privé.
Sans détour, M. Messahel a affirmé que l’initiative entreprise par le gouvernement s’inspire “d’une expérience de plus de vingt ans de la presse écrite privée, et ce, avec ses côtés positifs et négatifs (…). Nous avons mesuré les risques de dérives, dans notre pays et ailleurs, desquels nous devons nous prémunir”. Il a justifié ainsi les conditions assez restrictives auxquelles sont soumises les personnes physiques ou morales, qui prétendront à la création de prestations audiovisuelles sur financement privé.
Sans trop s’attarder, il a évoqué la polémique qui entoure l’article 7, lequel impose aux opérateurs privés la création de chaînes de télévision strictement thématiques. Le membre du gouvernement a relevé, à ce propos, une erreur de transcription dudit article de l’arabe vers le français : “Le texte en arabe, qui est très clair et explicite, note bien qu’une chaîne thématique se décline en une chaîne à un seul thème ou à plusieurs thèmes. Il est bien signifié qu’elle peut être une chaîne à programme unique ou multiple.” Devant les parlementaires, plutôt sceptiques sur la question, il a soutenu que son département proposera “au moment opportun des amendements pour clarifier le concept thématique”.
La déclaration du ministre apparaît, à première vue, biscornue, dès lors qu’il revient aux députés d’apporter des changements au projet de loi, qu’ils débattent en plénière depuis hier. Certains élus, dont le groupe parlementaire de l’Alliance de l’Algérie verte, ont dénoncé la propension du membre du gouvernement à interférer dans le travail de la commission de la culture, de la communication et du tourisme sur le projet de loi sur l’audiovisuel. Il aurait, en effet, imposé le retrait d’un amendement qui permettait aux opérateurs privés de créer des chaînes de télévision généralistes. “C’est un grave précédent dans l’entrave des missions de l’institution législative et un empiètement sur ses prérogatives constitutionnelles”, se sont insurgés les députés de l’AAV.
Ils ont estimé, par ailleurs, que le projet de texte, tel que décliné, dénote des appréhensions du gouvernement “et peut-être de son manque de sérieux dans l’ouverture du champ audiovisuel au privé”. D’autant que de leur avis, empêcher le privé du droit d’investir dans des chaînes généralistes, tout en le permettant aux entreprises et organises publics, est une discrimination inconstitutionnelle. Hormis les islamistes potentiellement offensifs, force est de constater que le projet de loi sur l’audiovisuel ne semble pas susciter un grand intérêt. L’hémicycle du palais Zighout-Youcef était hier quasiment vide.
À peine une soixantaine d’élus se sont inscrits pour intervenir dans le débat général. Peu de propositions d’amendements sont attendues. Pourtant, la commission parlementaire a introduit quelques changements significatifs dans le projet de texte. Elle a ajouté deux critères d’inéligibilité à l’investissement dans le secteur audiovisuel, en le rendant prohibé aux personnes privées de leurs droits civiques et à celles poursuivies par la justice.
Dans l’article 48, les membres de cette instance ont inclus dans le cahier des charges l’absolu respect des références religieuses et nationalistes. Toute personne physique ou morale est habilitée à dénoncer, auprès de l’Autorité de régulation, les dépassements et les défaillances commises par les exploitants des services audiovisuels. La commission de l’APN a, a contrario, proposé de porter la durée de validité de l’agrément à 12 ans au lieu de 10 pour les chaînes de télévision et de 6 ans au lieu de 5 pour les stations de radio privées. Elle a majoré la part de l’actionnaire principal de 30 à 40%.
Aujourd’hui dans l’après-midi, le ministre de la Communication répondra aux préoccupations des députés. Ces derniers procèderont au vote sur le projet de loi sur l’audiovisuel, le 20 janvier prochain.
S H