Ouyahia bouscule la léthargie politique

Ouyahia bouscule la léthargie politique

L’impression première à la fin de sa sortie médiatique est que Ouyahia s’est comporté tour à tour comme un porte-parole de la Présidence et comme un homme qui veut soigner son image politique.

Plébiscité comme nouveau secrétaire général du RND par intérim, Ahmed Ouyahia a saisi l’occasion de briser enfin ses obligations de réserve et de se laisser aller dans sa conférence de presse à commenter l’actualité nationale et surtout à donner ses points de vue sur des questions délicates ou sujets à polémiques. Ouyahia a voulu être surtout un homme politique tranchant, sûr et convaincant, n’hésitant nullement à faire valoir des analyses moins “populistes”.

Il fut pour ainsi dire beaucoup plus clair et homogène dans son discours, lorsqu’il a voulu mettre les points sur les i, notamment au sujets des rumeurs et des “bavardages” de salons, comme le fait de dire à sa place que Said Bouteflika n’a pas d’ambitions présidentielles, ou que les élections anticipées n’auraient pas lieu en Algérie et qu’il n ‘y aura ni présidentielles , ni législatives anticipées. « Bouteflika va diriger jusqu’à la fin de son mandat » a-t-il affirmé. L’homme fort du RND ira jusqu’à démentir que son retour n’est pas lié à un plan de succession concocté et planifié dans le sérail.

L’homme de la sale besogne assume ce statut, qui fait partie de sa propre conception de la vie politique, estimant “qu’il n’a aucune gêne à l’affirmer, d’avoir fait la sale besogne. Tout simplement parce qu’il fallait bien que quelqu’un la fasse.”

Des choix assumés qui le pousse à interpeller Louiza Hanoune “ à mesurer ses paroles”lorsqu’elle s’exprime au sujet de l’institution militaire, la rappelant que le président Bouteflika, qui est aussi chef suprême de l’ANP avait adressé un message au FLN à l’occasion de la tenue de son dixième congrès.

Rappelons que Hanoune avait estimé en réaction à la lettre de Gaid Salah, chef d’état-major et vice-ministre de la Défense, envoyé à Saidani, SG du FLN, qu’il s’agissait “d’un viol de la conscience des soldats de l’ANP” et que “l’institution militaire est divisée sur ce message”.

Dans la même foulée, Ouyahia a défendu le général Toufik, chef du DRS, département du renseignement et de la sécurité, le qualifiant de “frère et de compagnon”, rejetant les attaques qui veulent faire de ce service un “monstre”.

Une position qui tranche avec celle de Saidani du FLN, qui n’a pas cessé de cibler ce département depuis deux ans, comme aucune opposition politique ne l’a faite. “C’est grâce au DRS que l’Algérie a vaincu le terrorisme « a affirmé Ouyahia.

Dans le chapitre de ses soutiens, il ne manquera pas de le faire au FCE, le forum des chefs d’entreprises, critiquant notamment la polémique qui a surgi quand Ali Haddad, patron des patrons s’est impliqué dans la vie politique et économique, voire diplomatique du pays en recevant des diplomates étrangers, des ministres du gouvernement Sellal et en ouvrant des “bureaux de liaison économique et commerciale” dans plusieurs capitales.

“Nous avons un patronat capable de rencontrer des partenaires et d’attirer des investisseurs étrangers, dira-t-il, et on le critique, au lieu de critiquer ceux qui ramènent de la sale marchandise avec l’argent sale”, une allusion sans doute à des lobbies de l’importation que l’autre ministre Amara Benyounès veut contrecarrer par un arsenal juridique et des verrous douaniers et bancaire.

D’ailleurs, sur le plan économique, Ouyahia fut encore plus clair, lorsqu’il pense qu’il faudra se serrer encore la ceinture, si les prix du brut se maintiennent au niveau actuel pour une longue durée. Sans détailler ce plan de rigueur, il affirma que notre pays ne pourra pas se passer de l’exploitation des gisements de gaz de schiste, tout en accusant une puissance étrangère d’être derrière les remous qui ont survenus dans le sud du pays et qui veut “vendre son énergie nucléaire”. Sur le plan politique, Ouyahia a lancé un appel à trois partis pour reconstituer une nouvelle alliance présidentielle.

En plus du RND, il invita le FLN, le Taj et le MPA à créer cette alliance politique afin de soutenir le programme du président Bouteflika et surtout de faire face aux oppositions frontales qui se radicalisent de plus en plus, notamment chez la coordination nationale des libertés (CNLTD) et chez le pôle du changement que dirige Ali Benflis.

Pour Ouyahia, il existe deux concepts qu’il faut rejeter à tout prix, car ils comportent des risques majeurs, selon ses assertions. D’abord, la fameuse période de transition que réclame la CNLTD, qui se base sur deux points essentiels, création d’un organe autonome chargé des élections et des présidentielles anticipées pour un mandat limité ou transitoire.

La seconde est celle que prône le FFS, qui avait brandit depuis une année sa fameuse reconstruction du consensus national. Pour Ouyahia, les deux concepts ou les deux théories est un reniement de la volonté populaire, car il faudra se référer à la voix du peuple pour décider de son avenir.

Concernant la révision de la Constitution, dont il avait dirigé l’an passé les consultations, Ouyahia est resté évasif et énigmatique, ne laissant rien transparaître des intentions du pouvoir.