Parlons management ! : La personnalité des dirigeants Une puissante source de création de valeur

Parlons management ! : La personnalité des dirigeants  Une puissante source de création de valeur

Ni un flair aiguisé du sens des affaires ni les meilleurs business plans ne sont automatiquement synonymes de performance pour l’entreprise. Ce sont les qualités de leadership des dirigeants qui font le succès durable.

Dans le monde de l’entreprise, la rentabilité est souvent mesurée par le retour sur investissement ou le retour sur capital, popularisés par les termes anglo-saxons ROI (Return On Investment) et ROA (Return On Assets). Dans un livre qui vient juste de paraître – Return on Character : The Real Reason Leaders and Their Companies Win (1) –, Fred Kiel propose une nouvelle métrique : le Return On Character ou “ROC” qu’on pourrait traduire par “retour sur personnalité”. Fred Kiel, ancien entrepreneur lui-même puis fondateur du cabinet conseil KRW, a conduit de 2006 à 2013 une vaste enquête aux USA qui a touché 84 PDG (et 8600 de leurs collaborateurs) pour mesurer l’influence de la personnalité de ces patrons sur les résultats financiers de leur entreprise. Les résultats auxquels l’enquête a abouti révèlent une forte corrélation entre les traits de personnalité des dirigeants et les performances financières de leur entreprise. Pour cela, Fred Kiel a identifié quatre traits de personnalité qui ont une influence directe sur la performance : intégrité, imputabilité et sens des responsabilités, compassion et capacité à pardonner. Sans surprise, ces valeurs universelles correspondent exactement aux qualités cardinales des grands leaders. À partir de ces valeurs, Fred Kiel a dressé une échelle de personnalité où, à un bout, on trouve les patrons dits “psychotiques” – ainsi dénomme-t-il les patrons centrés sur eux-mêmes et peu sensibles aux autres – et, à l’autre bout, les patrons dits “virtuoses” qui incarnent le mieux ces qualités. Lorsqu’il compare les performances financières des entreprises dirigées par les uns et les autres, il constate que les “virtuoses” ont réalisé un retour sur capital moyen (ROA) de 9,35%, alors que les “psychotiques” atteignent à peine un ROA de 1,93% ! La démonstration est dès lors faite : un leadership authentique, lorsqu’il est déployé dans l’entreprise par ses dirigeants, est créateur net de valeur ; alors que les dirigeants centrés sur eux-mêmes risquent, à terme, de détruire de la valeur. On trouvera une excellente synthèse de la recherche de F. Kiel dans le talkshow TEDx (2) qu’il a donné en 2013. Les leçons tirées de cette recherche concernent au premier chef les patrons ; mais on peut les généraliser à tous les niveaux de management.

Dans les entreprises algériennes, elles interpellent encore plus leurs dirigeants. Et cela, parce que ce leadership authentique est rarement présent chez nos dirigeants. Souvent marqués par une culture bureaucratique, beaucoup d’entre eux se situeraient davantage dans la partie basse de l’échelle de personnalité dressée par Fred Kiel : trop centrés sur eux-mêmes, manquant d’humilité, admettant difficilement leurs erreurs, apportant peu de soutien à leurs collaborateurs…  Mais la bonne nouvelle c’est que l’on peut modifier son comportement managérial et développer ses qualités de leadership. Fred Kiel y croit fortement et y consacre même toute la troisième partie de son livre. Modifier son comportement managérial suppose que l’on fasse preuve de lucidité et que l’on soit aidé pour changer ; notamment par la formation et le mentoring. Mais il y faut surtout la volonté, car il s’agit d’accepter de sortir de sa zone de confort et se défaire de ses habitudes négatives. Il n’est du reste pas fortuit que la “virtuosité” prônée par Fred Kiel corresponde exactement au fameux “niveau 5” décrit par Jim Collins dans son best-seller Good to Great (3) où ce stade de leadership est dépeint comme “un mélange paradoxal de volonté féroce et d’humilité personnelle”. L’importance pour nos dirigeants de développer leurs aptitudes de leadership est d’autant plus aiguë qu’ils doivent être les principaux agents du changement pour transformer le style de management classique qui handicape lourdement leurs organisations. Car ils doivent incarner eux-mêmes le changement attendu. Et cela, ils le feront par l’exemplarité dans leur comportement managérial. Comment, en effet, pourraient-ils exiger de leurs collaborateurs qu’ils changent si eux-mêmes continuent à gérer leur entreprise à la manière d’un adjudant ? Au contraire, ils devraient s’efforcer à être les premiers à montrer un comportement managérial de type “virtuose”. C’est là, comme nous le démontre Fred Kiel, non pas une intention humaniste mais une nécessité économique vitale pour l’entreprise puisque ce type de leadership conditionne directement ses performances.