La dépénalisation du délit de presse dans le projet de révision de la Constitution est saluée comme étant une avancée sans précédent par les professionnels. Selon l’article 41 de la mouture de la Loi fondamentale du pays, le journaliste pourra, enfin, exercer son métier sans ressentir une épée de Damoclès au-dessus de sa tête.
Au niveau des rédactions de la presse nationale, tous secteurs confondus, l’heure est à la satisfaction. « On n’est pas au stade de l’euphorie, mais nous devons reconnaître quand même qu’il s’agit d’une avancée extraordinaire.
Personnellement je suis satisfait », indique un responsable de rubrique d’un quotidien du secteur public. Abondant dans le même sens, une consœur de la radio se dit « soulagée » par cette mesure « visant à laisser le journaliste travailler tranquillement », mais n’omet pas de rappeler qu’au niveau de son média, « le professionnalisme a de tout temps prévalu sur d’autres considérations ». « Je ne me sens pas ligotée.
Mes responsables me laissent faire mon travail sans contraintes, tout en obéissant bien entendu à l’esprit du service public et du secteur public », ajoute cette journaliste versée dans la rubrique des « Grands reportages ». Du côté de la presse indépendante, la satisfaction est plus prononcée. Cela d’autant que ces médias ont la propension d’être les plus « concernés » par l’article 41 ter.
Un responsable de la rubrique « Régions » d’un quotidien arabophone souligne le fait que ce sont les correspondants qui souffrent le plus de « délits de presse ». « Il n’est plus possible de pondre un entrefilet faisant état d’une route défoncée, ou d’une impasse non éclairée sans que le maire du coin aille tout de go nous attaquer en justice.
Nous avons beaucoup d’affaires en justice à l’intérieur du pays. J’espère que cela va cesser », poursuit notre interlocuteur, avouant cependant que la formation fait énormément défaut dans la corporation. Dans ce chapitre, les professionnels sont en effet unanimes à reconnaître une « certaine déliquescence » dans le métier, soulignant que l’ancienne génération de journalistes, du moins celle venue au métier au lendemain des réformes post-88, « était plus encline à l’éthique et à la déontologie de la profession ».
« Le niveau était élevé, le journaliste débutant ne rechignait pas d’être ‘’grondé’’ par son red-chef, et toute rédaction faisait office d’une véritable école de journalisme. Voilà ce que l’on a perdu aujourd’hui », estime un directeur de publication d’un quotidien francophone, tenant à rappeler que son stage pratique d’étudiant en journalisme a été assuré par un quotidien d’un « professionnalisme incontesté ».
Notre interlocuteur tient à souligner qu’un journaliste « bien formé » est nécessairement un professionnel dont le souci majeur est d’obéir à l’éthique et à la déontologie. A l’instar de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel, il sera institué prochainement une autorité devant veiller sur les « normes » de la presse écrite.
Commentant l’article 41 visant à dépénaliser le délit de presse (ndlr : le journaliste n’ira pas en prison à cause de ses écrits), le ministre de la Communication, Hamid Grine, a estimé qu’il s’agit d’« une avancée extraordinaire » pour la liberté d’expression.
Le ministre n’a pas manqué cependant de déplorer que cette « avancée » n’a pas donné lieu à un débat et à un traitement à la hauteur de l’enjeu alors que l’exigence a été porté des années durant autant par la corporation que par les citoyens. « Je n’ai pas vu de gros titres, ni de focalisation sur le sujet », a-t-il relevé.