Hakim Ould Mohamed
Même s’il est difficile, à l’heure actuelle, d’évaluer l’impact des décisions de justice à l’encontre d’hommes d’affaires sur l’économie du pays, on peut d’ores et déjà supposer que le contrecoup ne peut être que marginal. Primo, il faut se rendre à l’évidence que la contribution de certains groupes privés, dont les patrons sont cités dans des affaires de corruption, au Produit intérieur brut (PIB) est insignifiante.
Secundo, certains de ces groupes se nourrissaient essentiellement de la commande publique, laquelle a constitué pendant de longues années le principal moteur de croissance, avant que le retournement de situation sur le marché pétrolier, amorcé depuis l’été 2014, ne vienne remettre en cause les politiques d’investissement budgétaire et de création de croissance et d’emploi par la commande publique. L’activité du BTPH et des transports a connu une décélération depuis, compte tenu de la baisse des budgets d’équipement, essentiellement sur les deux années 2016 et 2017. Il est tout de même difficile d’estimer la contribution exacte de certains groupes spécialisés dans les travaux publics et les transports au PIB national, compte tenu de l’absence d’indicateurs fiables sur la part des bénéfices réinvestis, sur la création de richesses et d’emplois ainsi que sur leur apport à la fiscalité ordinaire et au budget du Trésor public.
De ce fait, on ne pourra parler à l’avenir d’un impact considérable de ces affaires de justice sur la croissance et l’économie du pays. Il pourrait y avoir une décélération de la croissance durant le premier semestre de l’année, mais ce repli ne pourrait être en relation avec les difficultés que connaissent certains groupes, conséquemment à la mise sous mandat de dépôt de leurs patrons. Cette baisse de croissance serait à lier plutôt à une conjoncture financière difficile, née de la crise que connaît le marché pétrolier depuis juin 2014, mais aussi à un contexte politique peu propice aux affaires, alors que le climat des affaires était depuis toujours l’un des plus médiocres de la région MENA. En témoignent d’ailleurs les classements Doing Business de la Banque mondiale. Depuis le début de la révolution dite « du 22 février », nombre d’hommes d’affaires, dont les entreprises se taillaient la part du lion des marchés publics, défilent devant le Parquet. Ces affaires ont aussitôt soulevé des questions sur l’impact d’une éventuelle mise en faillite de ces groupes sur l’économie du pays. En vérité, au-delà d’une possible incidence sur le climat des affaires, dont les scores de l’Algérie étaient déjà des plus médiocres, l’évaluation de tout autre impact relève d’un exercice complexe étant donné que ces entreprises se nourrissent essentiellement des marchés publics, lesquels sont financés par l’argent de l’Etat.
Outre un éventuel contrecoup sur le climat des affaires, il y aurait un coût social que toutes ces affaires pourraient engendrer et qui se matérialiserait par des mises en faillite, des mises au chômage massives et des difficultés que connaîtraient des familles, alors que le pouvoir d’achat des Algériens ne cesse de s’éroder ces dernières années. Il va sans dire qu’en règle générale, toutes les crises politiques à travers le monde entraînent souvent des impacts économiques, quelquefois modérés, dans le cas où ces crises ne perdurent que quelques mois, alors que l’impact pourrait se révéler en revanche très ravageur si ces crises venaient à s’éterniser. D’où la nécessité de hâter une sortie de crise, indépendamment de cette lutte contre la corruption et l’argent mal acquis. L’idéal est, qu’à l’issue de cette période, on fasse table rase des pratiques managériales et économiques du passé au profit d’un système transparent, où tous les contribuables seraient logés à la même enseigne et où la justice devant l’impôt et la transparence en matière d’accès aux crédits et aux marchés publics serait la règle.