L’occupation de l’espace public par la femme surtout lorsqu’il s’agit de « conquérir » certains secteurs faussement réputés « masculins » tend à devenir une réalité avérée à Tizi-Ouzou où Hamidani Djouher (44 ans) continue de s’affirmer comme peintre en bâtiment.
Rencontrée en plein chantier chez l’habitant au lieu-dit Djebla, dans la localité de Tamda, à une dizaine de km à l’Est de Tizi-Ouzou, Djouher, casquette, combinaison tachée de peinture et pinceaux à la main, s’empresse à présenter ce qu’elle appelle son « milieu naturel ».
« Il n’y a nul autre endroit où je me sens moi-même que sur un chantier, c’est mon milieu naturel » confie-t-elle, présentant ses deux jeunes stagiaires, Rezki et Sadek.
Issue d’une famille modeste, du village Sikh Oumeddour, dans la commune de Tizi-Ouzou, elle s’est découvert une passion du dessin dès sa prime enfance. » C’est un don, j’étais la seule artiste de la famille et à l’école, je ne faisais que dessiner pendant les cours », raconte-t-elle.
Après une scolarité « forcée » jusqu’au collège, elle s’inscrit à des cours de dessin à la maison de la Culture Mouloud Mammeri avec l’objectif d’intégrer l’école des beaux arts d’Azzazga, avant de se retrouver, sur conseils d’une « inconnue », au CFPA de Boukhalfa.
« Une dame que je ne connaissait pas alors, par la suite devenue une amie, et qui avait vu mes œuvres réalisées en formation exposées à la maison de la Culture, m’avait conseillée et accompagnée au CFPA de Boukhelfa et c’est de là que tout est parti », raconte-t-elle.
Inscrite en stage de peinture bâtiment, elle s’était retrouvée, avec une autre fille de Ouaguenoune, les deux seules stagiaires femmes de toute la section. « Une situation qui ne nous a pas découragé à aller de l’avant », se souvient-elle, aidées, faut-il le reconnaitre, par son professeur, Aboud Hocine.
Diplôme en poche, ce même professeur l’aida encore à convaincre sa famille, qui montrait une certaine réticence à la laisser travailler sur des chantiers.
Aujourd’hui, après 19 ans d’exercice en solo ou en équipe, Djouher affirme n’avoir jamais rencontré de problèmes sur les chantiers ou senti une différence quelconque du fait de son statut de femme. Chose qui l’encouragea, en 2003, à tenter de monter sa propre « affaire » en s’appuyant sur les mécanismes d’aide à l’emploi, fraîchement mis en place.
Encouragé par un ami entrepreneur et orientée vers l’ANSEJ, elle ne tarda pas à désenchanter : une « mésaventure » avec une banque publique qui avait refusé de lui accorder un crédit, finit par l’en dissuader. « Tu n’iras pas loin, fillette, m’avait sèchement lâché le directeur de cette banque », regrette-t-elle.
Découragée mais pas vaincue, elle renouvelle sa tentative en 2010, mais cette fois-ci auprès de l’ANGEM. « J’étais encore avec le souvenir de ma première expérience et n’avait pas grand espoir, mais, vite, mes craintes se sont vite dissipées à l’accueil qui m’a été réservé » au niveau de cette agence de l’emplpoi, raconte-t-elle.
« Au bout de 3 mois, j’ai eu tout le matériel dont j’avais besoin pour un total de 400 000 DA et cela m’a permis de réaliser certains grands chantiers publics en dehors même de la wilaya de Tizi-Ouzou, à Alger et Boumerdès notamment », indique-t-elle.
A la tête d’une petite entreprise, elle emploie souvent « un à deux travailleurs », souvent des stagiaires qu’elle dit former au métier, déplorant à ce propos, « un manque flagrant de main-d’œuvre qualifiée dans ce créneau de peinture bâtiment ».
Pour Djouher, le travail, c’est tout simplement la libération. Son crédo, poursuit-elle, « la volonté, le sérieux et la rigueur ». « Je n’ai pas voulu étendre mon entreprise par choix et je ne suis pas très regardante pour l’aspect financier, même si c’est vital et essentiel, mais, ma satisfaction première demeure le travail bien fait » poursuit-elle.
Cela, l’empêche parfois de prendre de « grosses commandes » qu’elle ne peux honorer, mais, assure-t-elle, « un travail bien fait est la meilleur satisfaction et le moyen le plus efficace de se faire connaitre ! ».
Autre idée, du reste, répandue que Djouher veut balayer : croire qu’une femme qui exerce un tel métier le fait forcément sous le poids d’une contrainte sociale ou économique. Histoire de dire qu’elle exerce son métier par vocation et non pas par contrainte.