La pollution à Pékin a encore atteint des sommets en ce mois d’octobre. Si la population est relativement habituée à l’épais smog qui s’abat régulièrement sur la capitale, il en va autrement des touristes et des célébrités qui en font pour la première fois l’expérience.
La municipalité a lancé cette semaine un «programme de réponse d’urgence». Tout en minimisant une situation pourtant très inquiétante.
La chanteuse de jazz new-yorkaise Patti Austin a ainsi dû annuler la série de concerts qu’elle devait donner en Chine vendredi. A peine débarquée de l’avion dans la capitale chinoise que la star du r and b a en effet dû être hospitalisée pour «infection respiratoire». «C’est sidérant», s’est exclamé de son côté le joueur de tennis suédois Robert Lindstedt, également de passage dans la capitale pour participer au China Open. «J’ai la tête qui tourne dès que je me lève le matin…hier je ne pouvais pas récupérer entre les matches. Je suis resté essoufflé pendant une heure entière. Lorsque je me mouche, ça laisse des traces noires… Etre à Pékin, c’est décidément mauvais pour la santé», a-t-il déclaré à la presse.
Début octobre, Pékin accueillait dans sa banlieue le Tournoi international de golf professionnel féminin. Pour la première fois sans doute dans l’histoire du golf, une partie des sportifs, telle l’Allemande Sandra Gal, ont concouru sur le green brumeux le visage recouvert d’un masque chirurgical protecteur.
Un «programme de réponse d’urgence» au problème de la pollution a été décrété cette semaine par la municipalité. Un système de circulation alternée sera enclenché au-delà d’un certain seuil de nocivité de l’air, les usines devront réduire ou arrêter leur production et… les barbecues et les pétards seront proscrits. L’une des sources principales de la pollution à Pékin, géographiquement situé dans une cuvette, provient des centrales électriques à charbon qui alimentent la capitale depuis les provinces voisines, notamment la Mongolie extérieure. Pour restreindre leurs émissions, des «primes monétaires» seront désormais offertes par Pékin à ces gouvernements locaux, si tant est qu’ils obtiennent des résultats.
Les autorités chinoises, qui il y a moins de deux ans encore faisaient tout pour occulter la dégradation de l’environnement en Chine et ses conséquences sur la santé, publient depuis peu des indices de pollution. Cette évolution s’est faite sous la pression populaire, qui s’est manifestée sur internet au travers des microblogs. Mais d’aucuns notent que les indices officiels de la capitale restent systématiquement inférieurs à celui, sans doute plus proche de la réalité, publié par l’ambassade des Etats-Unis à Pékin. Ces derniers jours, cet indice américain oscillait entre «très mauvais pour la santé» et «dangereux». Un mouvement «vert» clandestin commence à se constituer dans le pays, où des manifestations réunissant des dizaines de milliers de personnes ont éclaté ces dernières années dans plusieurs villes de province pour demander l’annulation de projets industriels polluants.
Craignant que la population de Pékin n’en vienne elle aussi à blâmer la politique gouvernementale de primauté à la croissance économique, les autorités tentent, parfois de manière cocasse, de se dégager de leurs responsabilités. Un officiel de la capitale a assuré la semaine dernière que le fait de faire la cuisine avec une poêle à frire «contribue en bonne partie» à l’émission de micro-particules ultra-polluantes (dite PM 2,5). Confrontée à un déluge de sarcasmes sur les forums internet, la municipalité s’est platement excusée peu après. Ce qui n’a pas empêché de son côté, vendredi soir, le journal télévisé national de présenter les rares producteurs de charbon de bois des environs de Pékin comme de grands pollueurs, à grand renfort de caméras cachées interrogeant subrepticement de pauvres paysans présumés coupables devant leurs fours à bois fumants.