La liste comprend des réactifs nécessaires pour le dépistage de certaines pathologies comme la maladie de Lyme ou l’hépatite A.
La situation n’est guère reluisante dans les hôpitaux qui font face à une pénurie inédite de médicaments courants disponibles habituellement. Presque tous les dispositifs médicaux sont également touchés par la pénurie : seringues, compresses, sondes urinaires et digestives, tubes d’analyse, cathéter, baguettes d’analyse d’urines. Sur la liste qui est loin d’être exhaustive, figurent même des réactifs nécessaires pour dépister certaines pathologies dont la maladie de Lyme ou l’hépatite A.
Pour mieux illustrer la situation, le professeur Farid Haddoum, chef du service néphrologie du CHU Mustapha-Pacha, se réfère à la situation de son propre service, ouvert en 2015, mais sans atteindre les objectifs qu’il s’est fixés. “Nous avons réussi, certes, à développer de nombreuses activités de soins, d’enseignement et de recherche, des techniques innovantes, en quelques années, mais cela reste insuffisant”, estime-t-il, relevant la carence notamment en générateurs d’hémodialyse et en infirmiers spécialisés.
“Je reçois 8 à 10 demandes de dialyse d’urgence par jour.
Nous ne pouvons pas toutes les assurer, car nous ne disposons que de cinq appareils de dialyse pour les malades chroniques et un pour les urgences en plus de deux appareils de secours en cas de panne. Nous ne pouvons prendre en charge que 6 urgences par jour et les soins pour 40 malades chroniques. Nous avons aussi développé la dialyse prétoriale. 50 insuffisants rénaux recourent à ce procédé de soin.”
Dans le même service, les ruptures de stock sont légion. En témoigne la pharmacienne du service qui a alerté le professeur, en notre présence, de l’épuisement du stock de seringues 5 et 10 ml, de perfuseurs, de champs stériles, de tenues de bloc, d’échographes couleur pour pose de cathéter, de draps jetables surtout utilisés pour les urgences et de cathéters à long terme nécessaire pour la dialyse.
“Il faut alerter les autorités sur la situation des malades dans nos hôpitaux qui est affreuse”, plaide-t-elle. Pour Farid Haddoum, la tension perceptible particulièrement depuis quelques mois dans les hôpitaux est la conséquence “des difficultés macroéconomiques” mais aussi à “une mauvaise gouvernance”. Les professionnels recourent au système de la débrouille pour pallier une défaillance chronique en matière d’approvisionnement des différents services en médicaments, matériel et dispositifs médicaux essentiels pour leur fonctionnement.
À la Pharmacie centrale du CHU Mustapha-Pacha, on confirme qu’effectivement les bons de commande des différents services ne sont que partiellement honorés. Souvent dans l’urgence, d’autres établissements hospitaliers sont sollicités pour un dépannage contre une décharge.
200 médicaments en rupture de stock
“En situation de crise, il faut intensifier le système organisationnel pour pallier des situations imprévues. Pour le fonctionnement de mon service, j’agis par anticipation et je privilégie la communication directe. Il faut prendre les devants, appeler le pharmacien de l’hôpital pour expliquer ses besoins au lieu de faire ses commandes par écrit seulement, prendre attache s’il le faut avec le DG de la Pharmacie centrale, sensibiliser le fournisseur.
Je fais du relationnel, mon credo dans la gestion de mon service. C’est pour cette raison que je ne manque généralement de rien”, explique le professeur Zidouni, chef du service de pneumologie du CHU Issad-Hassani de Beni Messous et ancien directeur général de l’Institut national de santé publique de 2000 à 2004, pour qui, gérer une situation de pénurie est devenu une routine.
Le professeur Zidouni insiste “sur la concertation entre partenaires concernés par une problématique commune. Il faut avoir plusieurs propositions de solutions devant une situation donnée”. Et de préciser : “Ce qui ne veut pas dire que je donne un quitus à la gestion administrative des pouvoirs publics. Je sais toutefois qu’il existe des difficultés budgétaires qui ne permettent pas de répondre à tous les besoins des structures hospitalières, notamment en thérapies innovantes qui sont très coûteuses. Voilà comment j’arrive à joindre les deux bouts car nous ne sommes pas dans une situation d’aisance.
Notre seul souci est d’améliorer la qualité et la continuité des soins face à des situations qui nécessitent un certain seuil d’adaptation pour surmonter les écueils.” 200 médicaments sont en rupture actuellement sur le marché national. Cette indisponibilité qui dure depuis des mois a touché aussi les traitements des cancers. Le professeur Kamel Bouzid, chef du service oncologie médicale au Centre Pierre-et-Marie-Curie accuse le ministère de la Santé qui n’a pas veillé à ce que les programmes d’importation soient lancés dans les temps.
Prévus habituellement au premier trimestre de l’année, ils n’ont été effectués que début juillet. “J’ai expliqué à ceux qui avaient des cancers qu’ils pouvaient se procurer le traitement au Maroc ou en Turquie”, précise le professeur Bouzid. D’autres malades atteints de pathologies lourdes ou en quête d’un rendez-vous pour une greffe d’organes apprennent dans la douleur que, faute de moyens, nous ne pouvons rien entreprendre de pertinent pour eux. Ils sont restés sur le carreau.
La transplantation rénale, pratiquée au CHU Mustapha-Pacha, est à l’arrêt depuis la fin 2017. La raison ? Le laboratoire HLA (histocompatibilité entre donneurs et receveurs d’organes) n’a pas reçu de réactifs depuis plus de deux ans. L’activité de la greffe est gelée aussi à cause d’un manque d’anesthésistes réanimateurs et d’obstacles bureaucratiques.
Nissa Hammadi