Acculé par une rue de plus en plus intransigeante, englué dans ses échecs répétés, le chef de l’État par intérim ne dispose d’aucune carte à jouer avec l’expiration du délai de son intérim.
Le pouvoir d’Abdelkader Bensalah est de plus en plus isolé. Sa solitude s’affirme et le rétrécissement de sa marge de manœuvre se confirme davantage. La mission première pour laquelle Bensalah était désigné le 9 avril dernier comme chef de l’État pour un intérim de 90 jours, à savoir l’organisation d’une élection présidentielle, semble définitivement inexécutable. Depuis sa désignation, Abdelkader Bensalah n’a fait qu’accumuler les échecs. Des revers qui risquent encore de se répéter, tant la feuille de route du régime ne cadre aucunement avec les aspirations d’une rue qui ne compte surtout pas lâcher du lest. Dans son dernier discours à la nation, le 4 juillet, le chef de l’État par intérim a appelé, pour la énième fois, à un dialogue, à l’issue duquel une présidentielle serait tenue.
Le ton plutôt conciliateur de Bensalah n’a pas suffi à amorcer le dialogue tant attendu par les tenants du pouvoir. Le ratage de la rencontre d’une partie de l’opposition organisée samedi dernier est annonciateur de l’échec du dialogue que prône le pouvoir, donc de sa feuille de route. La déception née de cette rencontre, conjuguée à la décision d’une autre partie de l’opposition, à savoir les signataires du pacte pour une véritable alternative démocratique, de bouder la conférence, mettent le pouvoir dos au mur. Tout cela confirme la mauvaise posture dans laquelle se retrouve le pouvoir. Une situation inconfortable qui, pour le moment, n’annonce aucune évolution positive, compte tenu, d’un côté, de l’entêtement du pouvoir à maintenir envers et contre tout sa feuille de route. Et, de l’autre, la constance de la mobilisation citoyenne contre ce même pouvoir, dont le départ est plus qu’exigé. Toutefois, face à cette situation complexe, que fera désormais le pouvoir ? Pris entre le marteau de la pression populaire et l’enclume de ses propres échecs, l’on devinera difficilement quelles seront les prochaines manœuvres auxquelles il va recourir pour “sauver la face”.
D’aucuns estiment que, désorienté qu’il est, le pouvoir cédera, à dessein, sur certaines demandes de la rue, afin de s’assurer une marge de manœuvre. Va-t-il libérer les détenus d’opinion, tel qu’exigé par la rue ? Va-t-il se séparer du gouvernement Bedoui, comme le revendiquent les Algériens depuis plusieurs mois ? À l’aune des développements récents sur la scène politique faits, principalement, de revers et d’échecs cuisants pour le pouvoir de Bensalah, la logique voudrait que, sans ces “concessions”, un énième coup de force pourrait survenir. En l’absence de véritables signes d’apaisement et d’une volonté de mener un réel dialogue, on peut s’attendre désormais à un passage en force du pouvoir pour appliquer sa feuille de route. Il ne restera désormais, dans ce cas de figure, aux tenants du pouvoir, que de convoquer le corps électoral, de tenir même, à tout hasard, une présidentielle et d’imposer un “président” même rejeté par la rue.
Dans le cas de cette éventualité, qui n’est surtout pas à écarter, les manœuvres commenceront à voir le jour pour amener une partie de la classe politique à adhérer au “processus”. Étant le dernier recours à un pouvoir dépourvu de toute légitimité, le coup de force ne sera pas une innovation, mais un exercice bien connu.
Mohamed Mouloudj