Permission de rêver !

Permission de rêver !

par Moncef Wafi

Permission de rêver !
On ne se lasse jamais de la citation de Umberto Eco sur les réseaux sociaux qui «ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui, avant, ne parlaient qu’au bar, après un verre de vin et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite alors qu’aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel. C’est l’invasion des imbéciles».

La tendance médiocre de Facebook se perpétue et s’accentue avec le temps mais il a cette particularité d’être le premier parti de l’opposition dans les pays soumis à une dictature déguisée. L’Algérie n’échappe pas à cette règle et n’a aucune raison de le faire puisque tous les ingrédients d’une république bananière sont réunis pour faire du pays une simple caricature d’une véritable république démocratique. Et comme dans tous les Etats policiers, la liberté d’expression est souvent bafouée, rarement respectée et les avis contraires sont persécutés et jetés derrière les barreaux. De ce fait, le dernier espace de liberté reste ces réseaux sociaux, Facebook en l’occurrence pour la majorité des Algériens, qui ont investi ce carré pour se l’approprier malgré tous les dérapages, contrôlés ou pas, qu’on y rencontre. Pourtant, et comme dans un réflexe pavlovien, le régime au pouvoir a essayé de museler ce monde virtuel en érigeant des barrages numériques pour le quadriller sévèrement. A la veille des manifestations populaires du 22 février dernier, les Algériens croisaient de nouveau le ciseau électronique qui interrompait ou ralentissait le débit d’Internet pour empêcher la voix contestataire de se répandre. Les Algériens n’ont plus besoin d’être encartés dans un parti traditionnel pour répondre à un appel pour manifester pacifiquement et éviter ainsi, en aval, une récupération partisane comme cela a été le cas, à plusieurs reprises. La vigilance étant plus que jamais de mise, la tentation de noyauter le mouvement populaire est grande, comme le sont aussi les manœuvres de mise sous tutelle et de provocation pour discréditer un engagement pour le changement.

Ces derniers jours de la contestation, relayés sur les réseaux sociaux, ont démontré que le peuple, infantilisé à l’extrême par un discours politique tutélaire et paternaliste, est capable de se structurer, d’être à l’avant-garde d’une révolution pacifique qui pourra faire évoluer la situation du pays. Pour peu que soient respectées les règles du jeu démocratique et le droit des Algériens à manifester, dixit la Constitution, l’espoir est permis de voir, enfin, pointer l’aube après la nuit de tous les viols.