Sonatrach est confrontée à de sérieux problèmes en matière de production. En l’espèce, les chiffres que vient de publier l’Office national des statistiques (ONS) sont sans appel. Cet organisme rapporte en effet que le secteur des hydrocarbures a enregistré une croissance négative de -7,7% au premier trimestre 2019, contre -2,4% durant la même période de l’année passée. Il s’agit d’une baisse marquée. Cela reflète une problématique générale dans laquelle se débat ce secteur. Comment expliquer un tel recul ? Pour Ali Kefaïfi, expert pétrolier, il est nécessaire de s’attaquer aux “facteurs structurels” qui sont à l’origine de cette baisse et de “revoir la façon” avec laquelle le système de production fonctionne.
Bien sûr, dit-il, les facteurs “conjoncturels” ont leur importance dans le contexte d’aujourd’hui, mais ces facteurs ne sont pas les seuls qui agissent sur la courbe de la production. Ali Kefaïfi estime qu’avec des gisements et des plateformes de production vieillissants, il est “difficile de faire redémarrer” le secteur pétrolier qui, du reste, évolue de manière lente, depuis plusieurs années. L’expert rappelle, en se référant à des indications établies par l’ONS, qu’à l’exception de la liquéfaction du gaz naturel qui marque un rebond de 9,7%, après des baisses consécutives observées aux quatre trimestres de l’année précédente, les deux autres activités, à savoir la production du pétrole brut et du gaz naturel et le raffinage du pétrole brut, accusent des baisses respectives de 1% et de 16,4%.
Ali Kefaïfi relève que l’analyse des statistiques montre des “variations cycliques” d’une année à l’autre pour “cacher” en fait “l’effondrement” de la production et faire croire que la courbe “remonte”. De son point de vue, le secteur des hydrocarbures, pourvoyeur des ressources fiscales et des devises, “s’effondre durablement”, avec des chiffres négatifs qui donnent matière à réflexion : 3,4 % en 2017/2016 ; 3,6 % en 2018/2017… Ainsi, la situation que connaît aujourd’hui ce secteur n’est pas seulement liée à la chute des cours du pétrole et au manque d’investissements, comme certains tentent de le laisser entendre. Elle est également en rapport avec l’organisation du groupe Sonatrach, la gestion de sa ressource humaine et la législation qui régit le secteur pétrolier.
Qui plus est, les hydrocarbures n’évoluent pas dans un environnement sain et orienté vers la stabilité. L’expert parle d’absence de “prévisions” et d’une stratégie diversifiée qui combine différentes sources d’informations. Il note ainsi que les statistiques y sont “totalement biaisées”. Et de rappeler cette déclaration peu circonstanciée de Chakib Khelil, alors ministre de l’Énergie : “Les exportations algériennes seront de 54 milliards de dollars pendant 50 ans.” Ali Kefaïfi n’apprécie, par ailleurs, pas les statistiques telles qu’elles sont établies et diffusées par l’ONS, soulignant qu’elles portent sur “l’activité”, distinguant les secteurs juridiques (secteurs public puis privé), “négligeant la productivité, la trésorerie, la rentabilité et les équipements, obsolètes depuis des décennies”.
Youcef Salami