L’accès des plages de la côte chélifienne est payant, à l’exception de quelques plages situées à proximité des chefs-lieux de daïra. Les services sont pratiquement inexistants, n’en déplaise à certains fonctionnaires qui prétendent que tout baigne dans l’huile.
Une virée en cette fin de mois d’août, sur la côte ouest nous a édifiés sur les lacunes énormes qu’il faudrait songer à combler. Pour rejoindre la côte ouest à partir de la ville de Chlef, il faut supporter la conduite dangereuse des jeunes écervelés, accepter, malgré soi, la nonchalance des promeneurs «véhiculés», surfer entre les camions de gros tonnages et les tracteurs agricoles qui poussent l’outrecuidance jusqu’à occuper la moitié de la chaussée en créant une longue file de voitures derrière eux, faisant penser à un cortège funèbre, avaler plusieurs kilomètres de virage, traverser des agglomérations à moitié endormies et surtout s’armer de patience face aux embouteillages pour aboutir, enfin, à Oued Taghzoult, l’immense plage de galets qui sépare les communes d’El Marsa et Sidi Abderrahmane.
De là, il faut chercher un endroit moins exposé aux vents capricieux, notamment le redoutable vent d’Est qui la soufflette en permanence en se dirigeant vers El Guettar, Aïn Hamadi, El Marsa, El Dechria ou Dechria, sinon à l’est où les chances de dénicher un coin tranquille s’amenuisent du fait de la forte fréquentation que connait cette partie de la côte. Nous avons jeté notre dévolu sur la plage El Guettar 2, proche d’Aïn Hamadi où la baignade est plus tranquille, nous a-t-on assuré. A quelques centaines de mètres du gros village sans vocation aucune, nous empruntons une piste poussiéreuse à l’entrée de laquelle un jeune homme, paré d’un gilet fluorescent, nous tend un ticket : «C’est 50 DA, tonton.» Qui a dit que l’accès aux plages était gratuit ? Un second «agent» de sécurité nous fait garer entre deux véhicules dont l’une immatriculée en Belgique,, juste à côté de la piste menant à la plage. Plages pour familles, criques pour hommes.
Kader, 14 ans et sa petite sœur Leila, qui étaient en compagnie de leur mère, nous font savoir, au moment où nous déballions notre parasol entre deux tentes, que le coin était réservé uniquement aux familles. Il nous fallait donc trouver, Youcef et moi, un carré pour «hommes» et c’est tout naturellement qu’on nous dirige vers une crique où nous nous retrouvons parmi des dizaines d’adolescents venus de Chettia et Ouled Fares. Leur occupation favorite : plonger à partir de deux pitons rocheux qui se font face pour épater la galerie mais aussi pour se prouver que l’on n’est pas des poules mouillées. C’était une véritable noria de plongeurs. La force de la jeunesse leur fait tenter des acrobaties incroyables. Il y a certains qui se précipitent du haut du rocher en sautant les pieds joints pour faire la «bombe» et d’autres qui tentent le saut de l’ange ou qui se jettent n’importe comment, l’essentiel était de plonger afin d’inhiber la peur du vide, nous disent-ils. Les lieux ne sont pas très propres. Nous remarquons des sachets remplis de détritus qui trainent sur le sol et quantité de bouteilles de plastique vides. Les estivants ne se gênent aucunement pour jeter les restes de repas et leur emballage dans la nature. Par contre, les jeunes qui louent les tentes –en fait des abris de fortune faits de piquets métalliques recouverts d’un morceau de toile à rayures rouges et blanches- , expliquent qu’ils font le ménage deux fois par jour.
Les détritus ramassés sont brûlés un peu plus loin, dans un talweg dissimulé des regards. On a rencontré aussi un pêcheur occasionnel qui semble trouver son bonheur. Il fait effectuer des virées de quelques kilomètres en mer à raison de 400 DA par rotation. L’embarcation ne désemplit pas. Et c’est ainsi que du matin au soir, le petit moteur de la barque ne cesse de ronfler, au grand bonheur des occupants. Il y a un hic toutefois : l’embarcation ne comporte ni gilets ni bouée de sauvetage. Les «plaisanciers» savent-ils qu’ils courent un gros risque ? Que font les surveillants de plage que nous avons à peine aperçus dans leur hors-bord pneumatique faisant le va-et-vient entre plusieurs plages ? Au retour, nous nous heurtons à un problème de taille : s’extirper de la circulation qui commence à devenir très lente en raison du départ presque simultané de nombreux estivants. D’Aïn Hamadi à Taghzoult, nous avons mis une bonne demi-heure. Nous bifurquons sur Talassa, préférant rejoindre Chlef par Abou El Hassan plutôt qu’en passant par la nationale 11 qui, nous affirme-t-on, est saturée depuis Sidi Abderrahmane. Nous avons eu quand même à affronter l’hystérie des conducteurs sur la RN 19. Pressés de rentrer chez eux, ils font fi de toutes les règles de sécurité au risque de provoquer de mortels accidents. C’est ainsi que se passe une journée de plage dans la région du centre ouest.