Planche à billets : Créer de la monnaie sans inflation, le défi de la Banque d’Algérie

Planche à billets : Créer de la monnaie sans inflation, le défi de la Banque d’Algérie
Écrit par Hakim Ould Mohamed

Comment continuer à vivre par l’apport de la planche à billets en cash sans provoquer de tensions inflationnistes susceptibles de remettre en cause les scénarios initialement conçus par l’Exécutif ? Telle est le défi auquel est confrontée la Banque centrale à l’heure où la quiétude observée depuis quelques mois sur le marché pétrolier risque d’être perturbée par les tensions géopolitiques et les conflits commerciaux auxquels s’adonnent les principales puissances de la planète.

Après les chiffres alarmants contenus dans les situations mensuelles de la Banque d’Algérie, levant le voile sur des tirages de monnaie culminant à 3 585 milliards de dinars d’octobre 2017 à fin mars 2018, des observateurs pensent que le rythme avec lequel évolue le volume de monnaie créée ne sera d’aucune conséquence sur l’inflation.

D’autant plus que les besoins de financement de l’actuel exercice, les niveaux des déficits et de la dette interne plaident pour une nette hausse du montant des tirages par le moyen de la planche à billets. La Banque centrale le sait très bien. Elle garde la main appuyée sur certains leviers avec lesquels elle compte stériliser les quantités de billets créés si celles-ci venaient à se transformer en facteur d’inflation. La reprise des liquidités et la hausse des réserves obligatoires des banques en sont parmi les leviers. Ils sont déjà actionnés aux fins de limiter le volume des liquidités en circulation dans le circuit bancaire.

Le défi de stabilisation du niveau de la masse monétaire n’est pas si facile à relever à moyen terme, d’autant plus que le gouvernement semble décidé à faire de la planche à billets un instrument de financement sur le court et le moyen termes, en attendant qu’une éclaircie pointe à l’horizon du marché pétrolier. Les économistes n’ont pas manqué de mettre en garde quant à un usage prolongé de la planche à billets. De l’avis des experts du Fonds monétaire international (FMI), le financement monétaire des déficits budgétaires pourrait certes offrir un répit à l’économie à court terme, mais également faire peser des risques considérables sur les perspectives économiques de l’Algérie. Dans le dernier rapport de l’institution de Bretton Woods sur l’Algérie, publié le 16 juillet dernier, les experts de Washington encouragent les autorités à se tenir prêtes à durcir la politique monétaire si des tensions inflationnistes se manifestent.

Ils déconseillent le financement monétaire du déficit, «mais si celui-ci se poursuit», ils soulignent «la nécessité de mettre en place des mesures de sauvegarde pour en atténuer l’impact négatif, dont des limites temporelles et quantitatives», lit-on dans le dernier rapport du FMI sur l’Algérie. Ses experts n’ont pas manqué de saluer l’engagement de la Banque centrale à stériliser, le cas échéant, les liquidités apportées par le financement monétaire. Ils savent que l’effort de stérilisation mené par la Banque d’Algérie est pour le moins vital, à même de contenir l’inflation à des niveaux soutenables. Tout l’enjeu est là.

Et l’institution de Mohamed Laksaci sait qu’elle doit impérativement réussir son exercice afin d’éviter au pays les conséquences néfastes de la planche à billets. Une chose est sûre, le financement non conventionnel n’a pas profité jusqu’ici à la croissance, qui est restée molle au premier trimestre de l’année en cours (1,3%) malgré les budgets qui lui ont été alloués cette année. Quoi qu’il en soit, la planche à billets ne doit pas être une fin en soi, mais doit s’accompagner de réformes budgétaires et économiques.

Le gouvernement est condamné à prendre des mesures d’assainissement des finances publiques, d’amélioration de l’efficience et de la gestion des dépenses publiques, de diversification des ressources de revenus, de réforme des subventions, d’amélioration du climat des affaires… La Banque centrale a fait savoir qu’il était de son devoir de lutter contre d’éventuelles tensions inflationnistes que pourrait provoquer la planche à billets, mais qu’il était néanmoins indispensable de mener des réformes budgétaires.