A Tipasa, une wilaya côtière très prisée par les estivants qui étaient plus de 5 millions à fouler son sol, l’été a été pourri par la canicule, d’un côté, mais aussi le squat quasi général des plages, l’absence de plans de circulation, d’où des embouteillages énormes, le manque d’hygiène, une flambée des prix et des moustiques présents partout.
M. Bedoui, ministre de l’Intérieur, dont les instructions ont été données en début de saison estivale – promettant que des têtes tomberaient si elles n’étaient pas respectées -, devrait avoir fort à faire dans la wilaya. En effet, les 41 plages ouvertes à la baignade n’ont pas respecté les consignes avec un diktat généralisé des bandes de jeunes dans tous les espaces. «Et dire que nous y avions cru naïvement», dira, non sans frustration, un confrère.
Des Algériens, vivant en Europe, ont pris le risque de venir au bled pour se ressourcer et se détendre grâce à la formule de réservation par Internet AIRBNB (Air Bed and Breakfast). Ils sont repartis illico presto en annulant leur séjour, bien que payé d’avance. Ecœurés par le manque d’hygiène, la promiscuité sur les plages squattées par des désœuvrés imposant des tarifs excessifs de 1000 DA une tente et 2 500 DA une table, un parasol et quatre chaises, sans oublier les moustiques voraces, le manque de loisirs, en dehors de la bronzette, qui n’était pas possible faute de place.
L’absence totale d’activités de loisirs, en dehors de la baignade sur des plages où il était impossible de mettre une serviette par terre pour s’allonger, vu que tous les espaces étaient occupés par des tables et chaises en plastique devenues la grande mode de l’été imposée à tous, même aux personnes âgées qui étaient perchées toute la journée, a ajouté à l’ambiance morose.
Assauts de moustiques, l’hygiène derniers soucis pour nos élus Les piqûres de moustique ont été l’autre catastrophe pour des milliers d’estivants qui se sont interrogés sur les élus locaux qui se cachaient derrière les activités officielles, ainsi que les responsables de la santé, des bureaux communaux et de daïra et d’hygiène dans cette galère que vivent les citoyens. Ces derniers doivent doubler d‘ingéniosité pour faire face aux moustiques ou recourir à des méthodes dangereuses aussi bien pour la santé, pour l’environnement et l’économie familiale en utilisant des produits chimiques divers.
L’hygiène publique était le dernier souci des édiles et des responsables alors que ce dossier a toujours été au menu des sessions des conseils de wilaya élargies aux P/APC.
Les différents walis avaient rappelé qu’ils seraient intransigeants sur les résultats attendus qui ont été très décevants en plus de subir la canicule.
Les instructions des chefs de l’exécutif ont pourtant été claires, à savoir que les P/APC doivent engager les opérations de traitement des points d’eau afin d’empêcher le développement des moustiques, devenus un véritable fléau pour les habitants, qui en souffrent toute l’année, pas seulement en été.
Les élus, selon les instructions, ont été appelés à prendre au sérieux cette opération qui doit débuter au printemps, en traitant les points d’eaux usées, les oueds et autres lieux de prolifération des moustiques, au lieu de dépenser de l’argent inutilement, une fois les foyers d’infestation installés, et d’empoisonner la vie des habitants en procédant à des épandages de produits chimiques toxiques qui coûtent cher à la collectivité.
Les élus, qui ont fait part de leurs doléances et de leurs besoins avant le lancement de la saison estivale, ont obtenu des soutiens surtout pour les communes démunies à travers une subvention des pouvoirs publics et rappelé que les 28 communes sont concernées par la question de l’hygiène, pas seulement celles des zones côtières.
Le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales a accordé une subvention de 180 milliards de dinars à la wilaya pour la saison estivale. De plus, 12 communes de la wilaya de Tipasa ont bénéficié de 4 camions bennes-tasseuses, 10 tracteurs avec remorques ainsi que de 7 cribleuses et de 10 cabines sahariennes afin de répondre aux doléances des élus, qui ont souvent expliqué le manque d’hygiène par la faiblesse des moyens et qui doivent désormais veiller à l’hygiène publique, qui doit être pérenne et surtout l’affaire de tous.
Aucun plan de circulation : la loi de la jungle a régné
Concernant la circulation durant les deux mois d’été, la loi de la jungle a régné avec des automobilistes arrogants, des services de sécurité très conciliants pour ne pas dire indifférents tant la tâche était ardue.
Les résidents de la wilaya ont eu toutes les peines du monde à se mouvoir pour accomplir leurs activités quotidiennes. Il fallait s’armer de patience pour se déplacer ou trouver une place pour garer son véhicule pour quelques achats et surtout être conciliants pour ne pas gâcher sa journée avec des bagarres. L’Epic Tipasa Propreté, qui est en train de s’installer petit à petit, puisqu’elle a commencé au chef-lieu de wilaya avant de s’étendre aux 28 communes, a fait de son mieux. Mais elle a péché par manque d’organisation de ces équipes qui étaient plus concentrées sur certains points que d’autres. Faute d’organisation, le résultat n’est pas encore probant et encore moins visible.
Squat général des plages
Le squat des plages a eu et aura de beaux jours devant lui face au laxisme des responsables locaux et la résistance des jeunes qui veulent imposer leur loi sur les plages comme dans les villes au niveau des parkings sauvages. Les autorités ont été totalement impuissantes face aux jeunes squatteurs des plages qui n’ont eu aucune concession puisque interdite par la loi.
Seuls les établissements hôteliers relevant du groupe public HTT (hôtellerie, tourisme et thermalisme), situés sur la côte, sont bénéficiaires d’un droit d’exploitation temporaire.
Ce qui n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd, étant donné que les espaces jouxtant les complexes ont été loués à des privés sur la base de convention, comme la Corne d’or et le complexe Matarès. L’option permet, également, la «sous-traitance», puisque ces mêmes établissements ayant droit de concession confient à des particuliers qui se chargent des services offerts à la clientèle : animation, sécurité et propreté des lieux, selon un contrat commercial. Le ticket d’accès à ces plages est de 2 000 DA en moyenne. La formule, en tout cas, a peu de succès à Tipasa puisque les plages louées n’ont pas du tout fait le plein, contrairement aux autres où il était difficile de trouver un espace libre.
Alors la sentence de juin dernier du ministre de l’Intérieur Noureddine Bedoui, relative à «l’accès aux plages autorisées à la baignade est libre et gratuit », a fait long feu.
Le squat de la plage de Matarès n’a pas été sans créer de problèmes.
Cinq personnes ont été interpellées suite à une bagarre opposant deux bandes de jeunes de Tipasa et de Hadjout sur un tronçon de plage situé entre le complexe touristique de Matarès et la plage du Chenoua, qu’ils ont occupé illégalement avec leurs tentes, chaises et tables à louer depuis le début de la saison estivale. Ces bandes de jeunes, qui ont accaparé une partie de la longue plage, en installant plus de 200 tentes, faisant fi des instructions des pouvoirs publics – qui ne cessaient de rappeler que l’accès à la plage est gratuit et interdisant l’occupation et la location des lieux -, se sont opposées violement durant la journée, avant de revenir avec des renforts et armés de couteaux et de sabres dans la soirée créant un mouvement de panique.
Les éléments de la Gendarmerie nationale ont dû intervenir énergiquement pour mettre fin à la bagarre. Ils ont interpellé plusieurs personnes considérées comme étant les meneurs.
Les indus occupants de la plage qui se sont installés depuis l’ouverture de la saison estivale sont revenus sur les lieux, le lendemain matin. Ils ont occupé à nouveau les plages, obligeant de nombreuses familles à débourser 1 000 DA pour la location d’une tente, et s’occupant eux-mêmes de la sécurité et de l’hygiène des lieux.
Rencontrés sur la plage au lendemain de la bataille rangée, les squatteurs se targuent d’avoir défendu leur territoire et confient à Reporters qu’ils sont installés, eux, depuis le début de l’été sur cette plage. Les gendarmes, expliqueront-ils, sont venus les voir au début de leur installation pour leur signifier que leur activité était illégale, mais ils ne les ont plus embêtés. Ces derniers sont certains qu’ils ont réussi à sensibiliser les représentants de la loi sur leur situation et que «ces jobs d’été» leur permettent de gagner leur vie honnêtement.
Plus de 200 tentes sont plantées sur une partie de la plage qui jouxte le Centre de regroupement familial de l’armée dans une promiscuité incroyable sans que cela ne semble gêner quiconque. Ces espaces sont gérés par des dizaines de jeunes, venus des régions limitrophes, qui ont imposé leur diktat face au laxisme des services de sécurité et des responsables de la wilaya qui semblent s’accommoder de la situation pour ne pas faire des vagues.
Seule la plage de Matarès a échappé à ces jeunes squatteurs étant donné qu’une partie de celle-ci a été concédée par les responsables de l’EGTT à deux privés qui font payer par famille entre 1 200 et 2 500 DA la place avec parasol, une table et quatre chaises, tandis qu’une partie est réservée aux résidents des hôtels du complexe.
Au niveau de la plage Kouali, le même scénario est observé. Des jeunes ont pris en charge la plage en installant près de 300 tentes qu’ils louaient à des familles dans une promiscuité insupportable pour gagner le maximum d’argent.
Des jeunes autoproclamés responsables de la plage nous ont confié qu’ils louent seulement aux familles et que les couples sont interdits allant même jusqu’à préciser que ce sont les familles elles-mêmes qui veillent à refuser toutes celles portant un maillot ou autre tenue «indécente».
Flambée des prix et non-respect des tailles marchandes des poissons
Sur le plan commercial, c’était la flambée des prix. Et ce qui a le plus choqué certains estivants est la présence de dizaines de jeunes revendeurs à la sauvette de poissons qui ne respectaient ni les règles d’hygiène minimales et encore moins la taille marchande de ces derniers puisque pêchés pendant la période de repos biologique, de mai à octobre pour permettre la reproduction de la ressource. Le poisson était vendu sur tous les étals à des prix exorbitants, entre 500 et 700 DA le kilo, contrairement à d’autres wilayas.
L’autre point qui a soulevé l’ire de nombreux citoyens, soucieux de protéger la ressource halieutique, mais pas seulement de s’empiffrer, est la vente de poissons «bébés» présents partout et devant l’indifférence générale des pouvoirs publics. Chacun sait que ce non-respect du repos biologique représente une menace directe, puisque les poissons des différentes espèces sont empêchés d’atteindre la maturité nécessaire propice à la reproduction. En particulier la sardine, qui serait une espèce en voie de disparition.
Le pire, nous dira une amie, écœurée par la vente de sardines de très petite taille, c’est que tout le monde le sait et ferme les yeux. Le président du Comité national des marins pêcheurs et des poissonniers (CNMPP) avait tiré la sonnette d’alarme et dénoncé«des professionnels sans scrupule, qui pêchent sans respect des normes requises ni des calendriers de repos biologique».
Cette profusion de poissons sur des étals de fortune à même les trottoirs de la wilaya et sans aucun respect des normes (pas d’utilisation de glace) découle des pêcheurs qui mettent à profit le déficit de contrôle des services concernés. Aussi, selon le président du CNMPP, les prix des poissons vendus ont-ils baissé en raison de leur petite taille, parfois d’à peine 5 cm, les pêcheurs se rabattant sur des spécimens jeunes vu l’amoindrissement général des poissons dans les eaux côtières.
Pourtant, selon les responsables du secteur au niveau local, la loi a durci les sanctions. Une peine d’emprisonnement de 5 ans est prévue à l’encontre des marins pêcheurs pris en flagrant délit de pêche durant cette période. Mais qui va les arrêter ? Ajoutez à ce triste tableau, la pêche à la dynamite pratiquée tout au long du littoral allant de Bou Haroun (Tipasa) à Ghazaouet (Tlemcen), les filets dérivants, dont ceux à quatre bras interdits à la pêche, les filets invisibles et ceux interdits en fonction de la taille de leurs mailles qui sont, hélas, largement utilisés en dépit de la loi.
Scooters, bateaux et autres engins ont circulé dans l’impunité totale en pleine zone de baignade
Les consignes concernant l’interdiction de la présence des scooters de mer, bateaux et autres engins à moteurs dans la zone de baignade ont été allègrement ignorées mettant en danger la vie des baigneurs. Les exemples les plus flagrants sont ceux du complexe la Corne d’or, qui a pourtant installé des balises délimitant la zone de baignade, et celui de Matarès. Les scooters et bateaux étaient tous les jours présents alors que les gendarmes sont installés à proximité pour assurer la sécurité des vacanciers.
Il fallait jouer au chat et à la souris pour traquer ces contrevenants. Les gardes-côtes sont allés jusqu’à dire aux estivants qui les ont interpellés sur les dangers qu’ils vivent quotidiennement mais qu’il fallait les attraper en flagrant délit pour les confondre, sinon il est difficile de leur parler sans preuve.
Au complexe touristique la Corne d’or, malgré la présence de la gendarmerie et des agents de surveillance de la Protection civile, ces derniers ont occupé les lieux dans l’impunité totale donnant de grandes frayeurs aux baigneurs.
Excédés par ce comportement, des estivants ont pris leur mal en patience et tu leur colère faute de recours.
Balades en mer non réglementées et dangereuses
Autre phénomène nouveau en train de s’imposer dans les mœurs locales, avec son lot de danger et de non-respect des règles et normes en vigueur, est celui des balades en mer.
Au port de Tipasa, plusieurs barques et même un grand chalutier, aménagé en bateau de plaisance sans mesures de sécurité, comme la disponibilité de gilets de sauvetage, étaient, chaque jour, en rade dans l’attente d’amateurs de balades qui sont nombreux et ignorent les dangers. Une balade en mer d’une demi-heure coûte 1 000 DA par adulte, nous explique un jeune préposé à leur organisation, qui vont du Chenoua vers le complexe la Corne d’or.
De nombreux jeunes ont investi ce créneau et se sont installés au port de Tipasa pour lancer cette activité touristique, créée de toutes pièces, puisqu’elle n’est pas encore réglementée.
Les balades de plaisance en bateau Alger-Cherchell et la Madrague-Cherchell, lancées en 2016 à coups de pub et de slogans médiatiques par les responsables du ministère des Transports, n’ont pas fait long feu mais ont donné des idées à ces jeunes avides de créer des activités rentables sans disposer du savoir-faire nécessaire.
L’échec de l’expérience lancée par le ministère des Transports est dû, entre autres, à la précipitation qui a marqué son lancement mais aussi à des problèmes rencontrés, dont l’accès à ces ports, qui n’avaient été ni préparés ni aménagés pour l’accueil des passagers sans danger et des risques d’accident constatés dans la zone rocheuse. Alors, les jeunes ont pris la relève défiant toutes les lois et mesures de sécurité minimales.
L’annonce de la mise en service de bateaux-restaurants, une autre formule alléchante pour les wilayas côtières, n’a, elle non plus, pas fait long feu alors que beaucoup avaient applaudi à cette initiative qui offrait un autre créneau au développement du tourisme.
Lors de l’inauguration du bateau-resto de la Madrague faite en grande pompe, le ministre des Travaux publics et des Transports, Abdelghani Zaâlane, avait indiqué «qu’il y avait beaucoup de demandes sur ce créneau et 11 investisseurs privés se sont vu accorder des autorisations pour l’exploitation de restaurants fixes et mobiles». Tout en sommant ces investisseurs privés, détenteurs de licences d’exploitation de cette activité, à donner « le bon exemple en matière de respect des normes de sécurité maritimes et d’hygiène dans leurs prestations ».