Pour une politique de change en appui de l’ajustement macroéconomique et de la croissance en Algérie

Pour une politique de change en appui de l’ajustement macroéconomique et de la croissance en Algérie

Le taux de change joue un rôle essentiel dans le commerce mondial, les investissements, la stabilité économique et la croissance dans une économie mondiale fortement interconnectée.

Tout d’abord rappelons que le taux de change permet de déterminer le prix des biens entre les pays, ce qui affecte directement les exportations et les importations. A ce titre, une monnaie faible rend les exportations plus compétitives, mais augmente le coût des importations, ce qui peut entraîner de l’inflation.

À l’inverse, une monnaie forte peut réduire l’inflation, mais rendre les exportations moins attractives. En second lieu, le taux de change lié à la politique monétaire et les banques centrales l’utilisent pour gérer l’économie.

En effet, si une monnaie se déprécie, elles peuvent ajuster les taux d’intérêt à la hausse pour limiter l’inflation. À l’inverse, elles peuvent abaisser les taux d’intérêt pour stimuler la croissance économique. Elles ont aussi la possibilité d’intervenir directement sur le marché des changes pour influencer le taux de change.

En troisième lieu, notons que le taux de change impacte fortement les flux d’investissement. Un taux stable attire les investisseurs étrangers, tandis que la volatilité peut les décourager. En matière sectorielle, le taux de change influence le secteur du tourisme : si une monnaie faible peut attirer davantage de touristes étrangers, a contrario une monnaie forte peut inciter les citoyens du pays à voyager à l’étranger.

Enfin, un taux de change instable favorise la hausse du coût de la dette publique, surtout si elle est libellée en devises étrangères. In fine, une bonne gestion du taux de change -instrument clé d’ajustement dans le contexte d’une économie mondiale intégrée qui augmente l’interdépendance entre les pays et leurs activités économiques – favorise la stabilité macroéconomique tout en permettant de maintenir une économie compétitive et de maîtriser l’inflation. 

Dans le cas de l’Algérie, le taux de change du dinar algérien (DA) est surévalué du fait de certains distorsions et contraintes structurelles ce qui implique des réponses techniques et stratégiques pour le conduire vers sa valeur d’équilibre afin de renforcer la croissance et l’emploi et faciliter l’ajustement de l’économie. Discutons de ces points. 

Le cadre conceptuel relatif au taux de change

Retenons ce qui suit :     

Le taux de change, unité de valeur externe d’une monnaie:

Chaque pays émet en général une monnaie à travers laquelle sont exprimés les prix des biens et des services qu’il produit ou importe (citons, entre autres, le dollar États-Unis, le yen japonais, l’euro des pays de la zone euro, la livre sterling du Royaume Uni et le dinar algérien).

En tant que prix, il est normalement déterminé sur le marché des changes par l’interaction des ménages, des entreprises et des institutions financières qui achètent et vendent des devises étrangères pour effectuer des paiements internationaux. Deux manières de définir un taux de change nominal :

  • comme le prix de la devise nationale par rapport à une devise étrangère ; et
  • comme le prix d’une devise étrangère par rapport à la devise nationale. En outre, afin de déterminer le taux de change entre deux devises autres que le dollar américain, la monnaie de cotation de la plupart des échanges, les experts calculent un taux de change croisé.

Il suffit d’abord de prendre comme base le taux de change bilatéral de chaque pays par rapport au dollar américain. Ensuite pour obtenir par exemple le taux de change (croisé) euro/yen, il suffit de diviser le taux de change dollar/yen par le taux de change dollar Etats-Unis/Euro.

Le taux de change nominal au comptant et à terme

Un taux de change au comptant est un taux coté pour dénouer des transactions dans l’immédiat (la mesure la plus souvent utilisée). A contrario, un taux de change à terme fait référence à des contrats signés au présent mais soldés en devises à une date future prédéterminée (30, 60 ou 90 jours) et à un taux à terme convenu au moment de la conclusion du contrat. De telles opérations offrent des points de repère sur les mouvements futurs des taux de change.

Le taux de change nominal et le taux de change réel entre deux partenaires commerciaux :

(1) Un taux de change nominal (TCN) : bilatéral reflète la valeur relative de la monnaie locale vis-à-vis de la monnaie d’un partenaire commercial.

(2) Un taux de change réel (TCR) : est une mesure du prix relatif (ou du coût) des biens et services d’un pays par rapport à celui d’un autre (lorsque les deux sont exprimés dans la même monnaie). Les variations du TCR traduisent les variations du coût relatif des différents paniers de production nationaux (ce qui peut entraîner des variations de la demande de ces paniers).

Une appréciation du TCR se produit lorsque les biens nationaux deviennent plus chers par rapport aux biens étrangers, ce qui augmente le pouvoir d’achat de la monnaie nationale à l’étranger.

En revanche, les producteurs nationaux auront ainsi des difficultés à exporter leurs biens alors que les producteurs étrangers pourront écouler plus facilement leurs biens sur le marché intérieur. Le TCR est donc une mesure importante de la compétitivité internationale d’un pays.

Le taux de change nominal et le taux de change réel entre un pays et tous ses autres partenaires :

(1) Un taux de change effectif nominal (TCEN) : Vu la multiplicité de ces derniers, la question se pose d’évaluer la solidité globale (ou faiblesse globale) de la valeur relative de la monnaie vis-à-vis de celles émises par tous les partenaires commerciaux d’un pays donné.

Ainsi, il est calculé un TCEN qui est un indice (non un prix relatif) de la valeur nominale au cours d’une période donnée d’une monnaie vis-à-vis de celles de tous les partenaires commerciaux. Cet indice doit prendre en considération la part de chacun de ces partenaires dans les échanges extérieurs du pays.

(2) Un taux de change effectif réel (TCER): De façon similaire, le TCER mesure la valeur de la monnaie d’un pays par rapport à un panier de devises des principaux partenaires commerciaux, ajustée pour l’inflation.

Un REER plus élevé signifie que les biens et services d’un pays deviennent plus chers par rapport à ceux de ses partenaires commerciaux, ce qui entraîne souvent une perte de compétitivité sur les marchés internationaux.

Les arrangements institutionnels encadrant la détermination d’un taux de change et sa gestion :

les concepts clés à retenir sont :   

Le régime de change :

l’ensemble des actions, mécanismes et institutions associés à la détermination de la valeur et de la gestion du taux de change sont regroupés sous le concept de régime de change. Il n’existe pas de régime de change unique qui soit optimal pour tous les pays en toutes circonstances.

Chaque pays choisit son régime (du fixe au flottant en passant par des régimes intermédiaires comme celui en place en Algérie). L’objectif est de faciliter la détermination d’un taux de change adéquat, ce qui implique :

  • (1) l’adaptation du régime de change à la structure économique du pays et à ses objectifs.
  • (2) la mise en place de politiques crédibles et conformes aux choix du pays dans le contexte d’une ouverture économique et d’une diversification des sources de croissance.

Le choix d’un régime de change qui répond à ces considérations favorisera, entre autres, les échanges extérieurs, la croissance économique et la création d’emplois et permettra d’amortir les chocs extérieurs. 

La diversité des régimes de change :  

Si certains gouvernements laissent les forces du marché déterminer la valeur du taux de change, a contrario d’autres mettent en place des politiques spécifiques pour maintenir un certain niveau ou une trajectoire du taux de change de leur monnaie (achats ou ventes de devises de la part des autorités monétaires sur le marché des changes, ajustement des taux d’intérêt directeurs, etc.) ce qui d’une part rend les actifs financiers libellés en monnaie nationale plus ou moins attractifs par rapport aux actifs étrangers et d’autre part modifie la demande de monnaie nationale.

Le FMI distingue les régimes suivants en fonction de leur degré de flexibilité et de l’existence d’engagements formels ou informels sur les trajectoires du taux de change :

  • (1) recours à une monnaie nationale distincte (dollarisation) : ce faisant, le pays renonce complètement à sa politique monétaire et dépend donc de la politique monétaire de la FED.
  • (2) caisses d’émission : La monnaie nationale est strictement liée à une monnaie étrangère, limitant l’indépendance de la politique monétaire. De ce fait, l’émission de chaque unité de monnaie nationale doit être adossée à une unité de monnaie étrangère retenue comme référence.
  • (3) parités fixes : la monnaie est ancrée à une autre monnaie ou un panier de devises, avec une fluctuation minimale autorisée.
  • (4) taux de change fixes avec bandes : la monnaie fluctue dans une bande plus large, permettant plus de discrétion en matière de politique de change.
  • (5) taux de change glissants : le taux fixe est ajusté périodiquement, limitant mais n’éliminant pas la flexibilité de la politique.
  • (6) bandes glissantes : la monnaie évolue dans une bande qui peut s’élargir avec le temps, offrant plus de flexibilité.
  • (7) flottement dirigé : le taux de change est déterminé par le marché, la banque centrale intervenant si nécessaire, permettant une grande indépendance de la politique monétaire.

Les objectifs de la politique de change : 

En fonction des circonstances économiques, des priorités politiques et du régime de change du pays, la politique de change peut cibler une grande partie ou certains des objectifs ci-dessous : 

Objectif de stabilisation :

  • (i) renforcer la stabilité du taux de change afin de réduire l’incertitude et promouvoir la stabilité économique ;
  • (ii) assurer la stabilité des prix : ce qui implique de contrôler l’inflation (à travers l’ajustement des coûts salariaux si ces derniers sont flexibles) ou en gérant le taux de change pour contenir les effets des chocs sur les prix à l’importation ;
  • (iii) maintenir la viabilité de la balance des paiements ce qui revient à atteindre une position durable de la balance des paiements pour assurer la liquidité internationale.

Objectifs macroéconomiques et macro financiers :

  • (1) préserver la compétitivité externe de l’economie : ce qui implique de maintenir un taux de change compétitif pour appuyer les secteurs d’activité nationale et booster les exportations ;
  • (2) soutenir la croissance économique : en fixant un taux de change qui favorise l’investissement et le commerce international ; et
  • (3) préserver la stabilité financière : en surveillant et en gérant les risques liés aux opérations de changes. 

Objectifs externes :

  • (i) gestion proactive des réserves internationales: à travers le maintien d’un niveau adéquat permettant de répondre aux obligations internationales du pays et de faire face aux chocs économiques ;
  • (ii) solidifier la balance commerciale : en améliorant sa structure à travers un taux de change en mesure de promouvoir les exportations et réduire les importations ; et
  • (iii) renforcer l’attractivité du pays  ce qui nécessite d’encourager l’investissement direct étranger au moyen d’un taux de change stable et compétitif.

Objectifs structurels :

visant essentiellement à renforcer l’indépendance de la politique monétaire : ce qui implique de donner les moyens à la banque centrale de mettre en œuvre une politique monétaire indépendante en appui des objectifs économiques nationaux. Une politique budgétaire viable faciliterait la mission de la banque centrale.  

In fine, le choix d’une politique de change est complexe dans la mesure où les autorités doivent trouver un équilibre entre des contraintes à court terme (stabilisation financière, adaptation aux chocs externes) et des défis à long terme (développement économique, social et environnemental). Dans ce contexte, il est important de comprendre les effets défavorables des politiques de dépréciation systématique des taux de change sur la pauvreté, la productivité des travailleurs et le changement climatique. De plus, les politiques de change qui déclenchent une forte volatilité peuvent avoir un effet négatif sur la croissance. En dernière analyse, il est capital d’opter pour des politiques de change les mieux adaptées à la structure économique ainsi qu’aux défis économiques, sociaux et environnementaux du pays. Et surtout de les gérer avec prudence. 

Les impacts d’une gestion inefficiente du taux de change : 

prennent la forme d’une faible croissance, d’un recul de la compétitivité et de la fragilisation de la stabilité financière du pays. Les sources d’une gestion inefficace sont à rechercher au niveau de trois vecteurs : 

L’instabilité des marchés des changes :

liée à des facteurs macroéconomiques (inflation, variation des taux d’intérêt, faible croissance économique), géostratégiques (évènements politiques internes, régionaux et internationaux) et psychologiques (variation des sentiments des investisseurs).

Cette instabilité entraine alors une hausse des coûts des importations, des prix à la consommation et entretient l’incertitude pour les entreprises et les investisseurs.
Le taux de change joue un rôle essentiel dans le commerce mondial, les investissements, la stabilité économique et la croissance dans une économie mondiale fortement interconnectée.

Tout d’abord rappelons que le taux de change permet de déterminer le prix des biens entre les pays, ce qui affecte directement les exportations et les importations. A ce titre, une monnaie faible rend les exportations plus compétitives, mais augmente le coût des importations, ce qui peut entraîner de l’inflation.

À l’inverse, une monnaie forte peut réduire l’inflation, mais rendre les exportations moins attractives. En second lieu, le taux de change lié à la politique monétaire et les banques centrales l’utilisent pour gérer l’économie.

En effet, si une monnaie se déprécie, elles peuvent ajuster les taux d’intérêt à la hausse pour limiter l’inflation. À l’inverse, elles peuvent abaisser les taux d’intérêt pour stimuler la croissance économique. Elles ont aussi la possibilité d’intervenir directement sur le marché des changes pour influencer le taux de change.

En troisième lieu, notons que le taux de change impacte fortement les flux d’investissement. Un taux stable attire les investisseurs étrangers, tandis que la volatilité peut les décourager. En matière sectorielle, le taux de change influence le secteur du tourisme : si une monnaie faible peut attirer davantage de touristes étrangers, a contrario une monnaie forte peut inciter les citoyens du pays à voyager à l’étranger.

Enfin, un taux de change instable favorise la hausse du coût de la dette publique, surtout si elle est libellée en devises étrangères. In fine, une bonne gestion du taux de change -instrument clé d’ajustement dans le contexte d’une économie mondiale intégrée qui augmente l’interdépendance entre les pays et leurs activités économiques – favorise la stabilité macroéconomique tout en permettant de maintenir une économie compétitive et de maîtriser l’inflation.

Dans le cas de l’Algérie, le taux de change du dinar algérien (DA) est surévalué du fait de certains distorsions et contraintes structurelles ce qui implique des réponses techniques et stratégiques pour le conduire vers sa valeur d’équilibre afin de renforcer la croissance et l’emploi et faciliter l’ajustement de l’économie. Discutons de ces points.

Le cadre conceptuel relatif au taux de change

Retenons ce qui suit :  

Le taux de change, unité de valeur externe d’une monnaie:

Chaque pays émet en général une monnaie à travers laquelle sont exprimés les prix des biens et des services qu’il produit ou importe (citons, entre autres, le dollar États-Unis, le yen japonais, l’euro des pays de la zone euro, la livre sterling du Royaume Uni et le dinar algérien).

En tant que prix, il est normalement déterminé sur le marché des changes par l’interaction des ménages, des entreprises et des institutions financières qui achètent et vendent des devises étrangères pour effectuer des paiements internationaux. Deux manières de définir un taux de change nominal :

  • comme le prix de la devise nationale par rapport à une devise étrangère ; et
  • comme le prix d’une devise étrangère par rapport à la devise nationale. En outre, afin de déterminer le taux de change entre deux devises autres que le dollar américain, la monnaie de cotation de la plupart des échanges, les experts calculent un taux de change croisé.

Il suffit d’abord de prendre comme base le taux de change bilatéral de chaque pays par rapport au dollar américain. Ensuite pour obtenir par exemple le taux de change (croisé) euro/yen, il suffit de diviser le taux de change dollar/yen par le taux de change dollar Etats-Unis/Euro.

Le taux de change nominal au comptant et à terme

Un taux de change au comptant est un taux coté pour dénouer des transactions dans l’immédiat (la mesure la plus souvent utilisée). A contrario, un taux de change à terme fait référence à des contrats signés au présent mais soldés en devises à une date future prédéterminée (30, 60 ou 90 jours) et à un taux à terme convenu au moment de la conclusion du contrat. De telles opérations offrent des points de repère sur les mouvements futurs des taux de change.

Le taux de change nominal et le taux de change réel entre deux partenaires commerciaux :

(1) Un taux de change nominal (TCN) : bilatéral reflète la valeur relative de la monnaie locale vis-à-vis de la monnaie d’un partenaire commercial.

(2) Un taux de change réel (TCR) : est une mesure du prix relatif (ou du coût) des biens et services d’un pays par rapport à celui d’un autre (lorsque les deux sont exprimés dans la même monnaie). Les variations du TCR traduisent les variations du coût relatif des différents paniers de production nationaux (ce qui peut entraîner des variations de la demande de ces paniers).

Une appréciation du TCR se produit lorsque les biens nationaux deviennent plus chers par rapport aux biens étrangers, ce qui augmente le pouvoir d’achat de la monnaie nationale à l’étranger.

En revanche, les producteurs nationaux auront ainsi des difficultés à exporter leurs biens alors que les producteurs étrangers pourront écouler plus facilement leurs biens sur le marché intérieur. Le TCR est donc une mesure importante de la compétitivité internationale d’un pays.

Le taux de change nominal et le taux de change réel entre un pays et tous ses autres partenaires :

(1) Un taux de change effectif nominal (TCEN) : Vu la multiplicité de ces derniers, la question se pose d’évaluer la solidité globale (ou faiblesse globale) de la valeur relative de la monnaie vis-à-vis de celles émises par tous les partenaires commerciaux d’un pays donné.

Ainsi, il est calculé un TCEN qui est un indice (non un prix relatif) de la valeur nominale au cours d’une période donnée d’une monnaie vis-à-vis de celles de tous les partenaires commerciaux. Cet indice doit prendre en considération la part de chacun de ces partenaires dans les échanges extérieurs du pays.

(2) Un taux de change effectif réel (TCER): De façon similaire, le TCER mesure la valeur de la monnaie d’un pays par rapport à un panier de devises des principaux partenaires commerciaux, ajustée pour l’inflation.

Un REER plus élevé signifie que les biens et services d’un pays deviennent plus chers par rapport à ceux de ses partenaires commerciaux, ce qui entraîne souvent une perte de compétitivité sur les marchés internationaux.

Les arrangements institutionnels encadrant la détermination d’un taux de change et sa gestion :

les concepts clés à retenir sont :   

Le régime de change :

l’ensemble des actions, mécanismes et institutions associés à la détermination de la valeur et de la gestion du taux de change sont regroupés sous le concept de régime de change. Il n’existe pas de régime de change unique qui soit optimal pour tous les pays en toutes circonstances.

Chaque pays choisit son régime (du fixe au flottant en passant par des régimes intermédiaires comme celui en place en Algérie). L’objectif est de faciliter la détermination d’un taux de change adéquat, ce qui implique :

  • (1) l’adaptation du régime de change à la structure économique du pays et à ses objectifs.
  • (2) la mise en place de politiques crédibles et conformes aux choix du pays dans le contexte d’une ouverture économique et d’une diversification des sources de croissance.

Le choix d’un régime de change qui répond à ces considérations favorisera, entre autres, les échanges extérieurs, la croissance économique et la création d’emplois et permettra d’amortir les chocs extérieurs.

La diversité des régimes de change :

Si certains gouvernements laissent les forces du marché déterminer la valeur du taux de change, a contrario d’autres mettent en place des politiques spécifiques pour maintenir un certain niveau ou une trajectoire du taux de change de leur monnaie (achats ou ventes de devises de la part des autorités monétaires sur le marché des changes, ajustement des taux d’intérêt directeurs, etc.) ce qui d’une part rend les actifs financiers libellés en monnaie nationale plus ou moins attractifs par rapport aux actifs étrangers et d’autre part modifie la demande de monnaie nationale.

Le FMI distingue les régimes suivants en fonction de leur degré de flexibilité et de l’existence d’engagements formels ou informels sur les trajectoires du taux de change :

  • (1) recours à une monnaie nationale distincte (dollarisation) : ce faisant, le pays renonce complètement à sa politique monétaire et dépend donc de la politique monétaire de la FED.
  • (2) caisses d’émission : La monnaie nationale est strictement liée à une monnaie étrangère, limitant l’indépendance de la politique monétaire. De ce fait, l’émission de chaque unité de monnaie nationale doit être adossée à une unité de monnaie étrangère retenue comme référence.
  • (3) parités fixes : la monnaie est ancrée à une autre monnaie ou un panier de devises, avec une fluctuation minimale autorisée.
  • (4) taux de change fixes avec bandes : la monnaie fluctue dans une bande plus large, permettant plus de discrétion en matière de politique de change.
  • (5) taux de change glissants : le taux fixe est ajusté périodiquement, limitant mais n’éliminant pas la flexibilité de la politique.
  • (6) bandes glissantes : la monnaie évolue dans une bande qui peut s’élargir avec le temps, offrant plus de flexibilité.
  • (7) flottement dirigé : le taux de change est déterminé par le marché, la banque centrale intervenant si nécessaire, permettant une grande indépendance de la politique monétaire.

Les objectifs de la politique de change : 

En fonction des circonstances économiques, des priorités politiques et du régime de change du pays, la politique de change peut cibler une grande partie ou certains des objectifs ci-dessous :

Objectif de stabilisation :

  • (i) renforcer la stabilité du taux de change afin de réduire l’incertitude et promouvoir la stabilité économique ;
  • (ii) assurer la stabilité des prix : ce qui implique de contrôler l’inflation (à travers l’ajustement des coûts salariaux si ces derniers sont flexibles) ou en gérant le taux de change pour contenir les effets des chocs sur les prix à l’importation ;
  • (iii) maintenir la viabilité de la balance des paiements ce qui revient à atteindre une position durable de la balance des paiements pour assurer la liquidité internationale.

Objectifs macroéconomiques et macro financiers :

  • (1) préserver la compétitivité externe de l’economie : ce qui implique de maintenir un taux de change compétitif pour appuyer les secteurs d’activité nationale et booster les exportations ;
  • (2) soutenir la croissance économique : en fixant un taux de change qui favorise l’investissement et le commerce international ; et
  • (3) préserver la stabilité financière : en surveillant et en gérant les risques liés aux opérations de changes.

Objectifs externes :

  • (i) gestion proactive des réserves internationales: à travers le maintien d’un niveau adéquat permettant de répondre aux obligations internationales du pays et de faire face aux chocs économiques ;
  • (ii) solidifier la balance commerciale : en améliorant sa structure à travers un taux de change en mesure de promouvoir les exportations et réduire les importations ; et
  • (iii) renforcer l’attractivité du pays  ce qui nécessite d’encourager l’investissement direct étranger au moyen d’un taux de change stable et compétitif.

Objectifs structurels :

visant essentiellement à renforcer l’indépendance de la politique monétaire : ce qui implique de donner les moyens à la banque centrale de mettre en œuvre une politique monétaire indépendante en appui des objectifs économiques nationaux. Une politique budgétaire viable faciliterait la mission de la banque centrale.  

In fine, le choix d’une politique de change est complexe dans la mesure où les autorités doivent trouver un équilibre entre des contraintes à court terme (stabilisation financière, adaptation aux chocs externes) et des défis à long terme (développement économique, social et environnemental). Dans ce contexte, il est important de comprendre les effets défavorables des politiques de dépréciation systématique des taux de change sur la pauvreté, la productivité des travailleurs et le changement climatique. De plus, les politiques de change qui déclenchent une forte volatilité peuvent avoir un effet négatif sur la croissance. En dernière analyse, il est capital d’opter pour des politiques de change les mieux adaptées à la structure économique ainsi qu’aux défis économiques, sociaux et environnementaux du pays. Et surtout de les gérer avec prudence.

Les impacts d’une gestion inefficiente du taux de change : 

prennent la forme d’une faible croissance, d’un recul de la compétitivité et de la fragilisation de la stabilité financière du pays. Les sources d’une gestion inefficace sont à rechercher au niveau de trois vecteurs : 

L’instabilité des marchés des changes :

liée à des facteurs macroéconomiques (inflation, variation des taux d’intérêt, faible croissance économique), géostratégiques (évènements politiques internes, régionaux et internationaux) et psychologiques (variation des sentiments des investisseurs).

Cette instabilité entraine alors une hausse des coûts des importations, des prix à la consommation et entretient l’incertitude pour les entreprises et les investisseurs.

Les gouvernements peuvent alors s’appuyer sur des politiques budgétaires et/ou monétaires pour stabiliser les taux de change, tandis que les entreprises peuvent mettre en place des stratégies de couvertures contre les risques ou la diversification de leurs portefeuilles pour gérer la volatilité.

Les déséquilibres structurels qui fragmentent le marché des changes en deux compartiments

Un fort écart de taux de change entre le marché parallèle et le taux officiel est souvent perçu comme un indicateur d’une monnaie surévaluée et d’un désalignement du taux de change réel.

La question se pose quant à la crédibilité du taux sur le marché parallèle. Bien que le niveau du taux de change parallèle soit le reflet de certaines distorsions économiques, il ne constitue pas un indicateur fiable du désalignement du taux de change réel.

Cet écart peut être affecté par plusieurs facteurs non liés au taux de change d’équilibre réel, y compris des transactions d’ordre criminel. De ce fait, il ne doit pas être considéré comme un indicateur définitif du désalignement de la monnaie.

La domination du pétrole dans l’économie et la complexité du lien entre le prix du pétrole et le taux de change. La monnaie de facturation des transactions pétrolières est le dollar américain. De ce fait, ces économies font face à un double impact :

(1) les fluctuations du taux de change du dollar par rapport aux autres devises influencent directement le prix du pétrole pour les pays utilisant d’autres monnaies.

En effet, en cas d’appréciation du dollar, le pétrole devient plus cher pour ces pays, même si le prix du pétrole en dollars reste stable. Pour les pays exportateurs de pétrole, une hausse du dollar se traduit par une augmentation des revenus en monnaie locale.

A contrario, une dépréciation du dollar réduit les revenus issus des exportations de pétrole en termes de monnaies locales, affectant ainsi l’économie de ces pays.

Pour les pays importateurs de pétrole, une dépréciation de leur monnaie par rapport au dollar entraînera une hausse du coût du pétrole et déclenchera des tensions inflationnistes au niveau des multiples secteurs d’activité utilisant cet input :

(2) les variations des prix du pétrole peuvent aussi influencer les taux de change.

Une hausse des prix du pétrole peut accroitre les recettes en devises des pays producteurs. En revanche, une baisse des prix du pétrole peut affaiblir leur monnaie. Au niveau des pays consommateurs, une hausse des prix du pétrole peut affaiblir la monnaie en raison de l’augmentation des coûts d’importation.

En somme, les prix du pétrole et les taux de change sont interconnectés, et les variations de l’une de ces deux variables peuvent avoir un impact considérable sur l’économie, tant pour les pays producteurs que pour les pays consommateurs.

Les politiques de change et monétaire sont deux facettes d’une même politique publique. Précisons cela : 

Les déterminants du taux de change : Essentiellement deux :

  • (1) les échanges de biens et services qui influencent le niveau de taux de change d’un pays à travers :
  • (i) un excédent de la balance des transactions courantes qui entraine l’appréciation du taux de change puisque les entrées de devises sont supérieures aux sorties ; et/ou
  • (ii) a contrario un déficit de la balance des transactions qui génère une baisse du taux de change puisque les sorties sont plus importantes que les entrées ; et
  • (2) les différentiels de taux d’inflation et de taux d’intérêt qui contribuent à renchérir ou réduire les prix des importations et des exportations et influencer les entrées et sorties de devises.

Régime de change et politique monétaire : La politique monétaire d’un pays entretient une relation étroite avec son régime de change. Les taux d’intérêt d’un pays affectent la valeur de sa monnaie, de sorte que les pays dont le taux de change est fixe seront moins à même de mener une politique monétaire indépendante que ceux qui ont un taux de change flexible.

Un régime de change entièrement souple rend d’autant plus efficace le ciblage de l’inflation et permet à une economie de s’ajuster par le biais du taux de change. Autrement, l’ajustement macroéconomique va reposer uniquement sur les seules politiques budgétaire et structurelle (qui prennent du temps à produire des effets).

Taux de change et inflation : La parité de pouvoir d’achat (PPA) est un concept clé permettant d’évaluer l’évolution du taux de change en relation avec l’inflation. Essentiellement : (1) la PPA considère que le taux de change nominal entre deux devises reflète les pouvoirs d’achat relatifs de chacune d’entre elles ; et (2) un panier national de biens de consommation similaire au panier étranger de biens de consommation implique qu’une unité de la monnaie nationale a le même pouvoir d’achat dans le pays et à l’étranger.

Une variation du pouvoir d’achat d’une monnaie d’un pays à l’autre par rapport à la PPA reflète donc essentiellement des prix différents pour des biens similaires au niveau des différents pays (même après conversion dans la même monnaie) ainsi que des différences de préférences entre les consommateurs d’un pays à l’autre (ce qui peut conduire à des paniers de consommation différents).

A terme, la PPA a tendance à se maintenir vu les forces économiques qui tendent à gommer les différences de pouvoir d’achat des monnaies entre les différents pays. Une relation importante pour ce qui est des trajectoires de l’inflation et du taux de change à moyen et long terme.

Algérie : pour un renforcement de la politique de change au service de la diversification des exportations du pays (et non comme levier de lutte contre l’inflation)

La politique de change est affaiblie par une série de contraintes structurelles, notamment : 

Un régime de change rigide et affaibli par des distorsions multiples.

Cette rigidité se retrouve au niveau de :

(1) la détermination de la valeur externe du dinar algérien :  intervient au niveau d’un marché interbancaire de devises institué par le règlement numéro 95-08 du 23 décembre 1995. Les banques et les établissements financiers participent à toutes les opérations de change au comptant et à terme entre la monnaie nationale et les devises étrangères librement convertibles, injectant une dose limitée d’interaction entre l’offre et de la demande.

La BA reste la source principale de l’offre de devises sur le marché officiel (vu sa qualité d’acheteur exclusif des recettes d’exportations des hydrocarbures ;

(2) de la non mise en place de la convertibilité du DA au niveau du compte courant contrainte sans raisons : dans le cadre du programme de réformes appuyé par le FMI, l’Algérie avait accepté, à partir du 15 septembre 1997, d’adopter :

(i) la convertibilité du DA ;

(ii) l’ouverture de bureaux de change. Toutefois, les autorités avaient demandé et à juste titre à l’époque une dérogation pour limiter les accès aux devises pour les ménages en raison des faibles réserves de change du pays en 1998 ($8 milliards).

Toutefois, même après avoir accumulé des niveaux de devises considérables, l’exclusion des ménages du marché officiel des devises a été maintenue sans justification et l’ouverture des bureaux de change n’a pas eu lieu.

Un marché informel des devises étrangères en pleine l’expansion : cette dernière a été favorisée au fil des ans par des restrictions (contrôles de change dans les années 1960 et 1970) et des chocs dont le choc pétrolier de 1986 et la crise des changes de 1993.

Les réformes structurelles (1995-1998) et la forte hausse des prix du pétrole dès 2000 ont contribué à assouplir les contraintes du marché et réduire l’écart entre les taux de change officiel et parallèle.

De nouveau, le marché informel a été relancé par le choc pétrolier de 2014 et de nouvelles restrictions avant de se retrouver à l’arrêt au cours de la pandémie.

La réouverture de l’économie et des frontières à la mi-2021, combinée à des décisions économiques mal conçues, des politiques macroéconomiques incohérentes et une gouvernance inefficace sont autant de facteurs qui ont de nouveau insufflé une forte dynamique au marché parallèle.

Un ciblage confus de la politique de change : officiellement, cette dernière vise à maintenir la compétitivité extérieure de l’économie en ciblant le taux de change effectif réel (TCER). Chaque année, la BA détermine un niveau cible de TCER et intervient sur le marché pour aligner les mouvements de change nominaux bilatéraux avec l’objectif retenu (sans pouvoir contenir les pressions inflationnistes).

Dans la réalité et depuis quelques années, la BA poursuit une politique d’appréciation du DA pour réduire les pressions inflationnistes et accélérer la croissance à court terme. Ainsi la cotation du dollar par rapport au dinar algérien se situait à $137, 2214 à fin 2022, $134, 2735 à fin 2023 et $135,6577 à fin 2024. Une telle option n’est pas adaptée pour trois raisons :

  • (1) premièrement, nonobstant les distorsions de l’économie algérienne, l’appréciation du DA pourrait déclencher des effets indésirables, y compris la hausse du coût des exportations hors pétrole (non compensée par un accroissement des produits non échangeables), la baisse des prix des importations, la chute des recettes fiscales pétrolières, l’augmentation des dépenses publiques en devises et une détérioration de la compétitivité extérieure ;
  • (2) deuxièmement, les moteurs de l’inflation sont à court terme, la masse monétaire et les prix des biens importés et à long terme, la masse monétaire et le PIB réel non pétrolier; et
  • (3) la croissance économique peut bénéficier d’un taux de change approprié si il est accompagné par des politiques macroéconomiques et structurelles crédibles.

Des leviers de gestion monétaire et de change inopérants :

(1) un cadre de politique monétaire contraint par les faiblesses de la gestion de la liquidité et du canal de transmission du taux directeur sur les banques commerciales ainsi que le manque de profondeur financière. Ces trois facteurs bloquent la conduite d’une politique monétaire basée sur les prix et l’ancrage des anticipations d’inflation.

(2) une dominance budgétaire. 

Une diversification en panne (avec un score de classement international très faible de 0,45) :

La structure de production actuelle est dominée par des services à très faible valeur ajoutée (43,4%), suivies des industries extractives (20,7%), de la construction (12,6 %), de l’agriculture et de la pêche (11,2%) et du manufacturier (10,8%).

Une balance des paiements structurellement vulnérable :

en raison (à fin août 2024) de la prépondérance des exportations de pétrole (83,1%) et d’une structure des importations comprenant ¼ de biens alimentaires, ¼ de demi-produits et ¼ de biens d’équipements industriels.

Ajoutons l’absence d’une mobilisation de l’épargne étrangère, qui force le pays à ne compter que sur ses seules réserves internationales de change pour financer son compte courant (et/ou ajuster administrativement le niveau des importations au risque d’endommager l’activité économique).

Un manque de flexibilité et une ouverture économique limitée:

notamment depuis le choc pétrolier de 2014 qui a vu la remise en place de barrières non tarifaires (certificat d’origine, certificats de conformité et de qualité d’un tiers indépendant, relevés de notes rédigées en arabe et indiquant clairement l’origine des produits), de restrictions commerciales (interdiction temporaire de 851 produits annoncée le 1er janvier 2018) et de barrières tarifaires (adoption de multiples tarifs entre 30 et 200% sur plus de 1000 produits). En parallèle, le processus d’insertion internationale reste aujourd’hui incertain et non rentable avec :

(i) un accord d’association avec l’Union Européenne (AAUE) défavorable à l’Algérie (manque à gagner cumulé d’environ $10 milliards entre 2005-2023 en termes de recettes budgétaires) ;

(ii) un processus d’adhésion à l’OMC totalement en panne; et

(iii) des accords préférentiels (AAUE, Grande Zone Arabe de Libre Echange ZALE et Tunisie) qui coûtent au contribuable algérien environ $110 millions du fait des exonérations de droits de douane et de TVA à l’importation.

Un secteur financier réprimé et découplé par rapport au système financier international :

illustrée par un stock d’investissements directs étrangers (IDE) qui est passé, selon le FMI, de $19 milliards en 2018 à $24 milliards en 2023, soit une progression d’a peine $5 milliards en 6 ans (soit une moyenne annuelle de $800 millions). Ces IDE sont concentrés essentiellement dans le secteur des hydrocarbures.

Une perte de compétitivité entre 2015 et 2024 :

Selon les données du FMI, le taux de change effectif réel (REER) a augmenté de 13 % entre 2015 et fin novembre 2024, suggérant une perte de compétitivité prix sur le marché mondial en raison de l’appréciation de la monnaie du pays en termes réels et un taux d’inflation plus élevé que celui des partenaires commerciaux.

Ipso facto, cela rend les exportations du pays plus chères et moins attractives, tandis que les importations deviennent moins chères, ce qui est défavorable pour les producteurs locaux et au secteur des exportations.

Le coût macroéconomique du taux de change surévalué

Ce dernier pèse sur les coûts de production et les prix intérieurs, ce qui, sur le long terme, cause une perte de croissance d’environ 1 % en moyenne, une accélération de l’inflation de 2 %, une baisse des exportations de 1,5 % et une hausse du chômage. Notons en outre, une épargne nationale en déclin et un affaiblissement des capacités de financement de l’économie.

Propositions de feuille de route pour conduire le taux de change vers sa valeur d’équilibre afin de renforcer la croissance et l’emploi et faciliter l’ajustement de l’économie.

Il est donc important que le DA retrouve sa valeur d’équilibre (une valeur réelle correspondant à un objectif de solde courant compatible avec un niveau de production potentielle non inflationniste).

Loin d’être une opération technique, elle implique au contraire un train de mesures à moyen et long terme cohérentes, dont une réduction du déficit budgétaire global (pour ramener la demande publique à un niveau soutenable), des réformes structurelles en appui d’une diversification de l’économie et des exportations et une plus grande flexibilité du taux de change pour faciliter l’ajustement de l’économie.

Cette flexibilité impliquerait un processus de dépréciation progressive (une appréciation du DA est à écarter car elle ne serait pas cohérente avec une trajectoire de restauration de la viabilité du secteur extérieur et déclenchera une chaine d’effets non désirables pour l’économie du pays. La feuille de route serait la suivante :

  • Un plan stratégique ciblant une diversification économique. Cette dernière vise à mettre en place un modèle de production reposant sur une variété de secteurs d’activité afin d’améliorer les perspectives de croissance à long terme et la création d’emplois. Ce nouveau modelé devra, en outre, tenir compte des défis climatiques et des changements importants au niveau de l’emploi. La mise en place de ce modèle implique des politiques macroéconomiques crédibles, des institutions gouvernementales efficaces, un environnement des affaires et un climat d’investissement favorables et des réformes favorisant l’ouverture commerciale, la diversification des exportations et l’élimination à terme de la dualité des marches de change.
  1. Un volet macroéconomique : pour soutenir la compétitivité extérieure et éviter les fluctuations du taux de change réel et la surévaluation réelle, le mix comprendra : (i) un assainissement budgétaire progressif et soutenu (mesures pour augmenter les recettes, rationaliser les dépenses et diversifier les sources de financement budgétaire) ; (ii) une politique monétaire ciblant la réduction des tensions inflationnistes, dans un contexte du renforcement de l’indépendance de la BA et de la supervision bancaire, de la mise en œuvre d’un cadre de gestion de crise et de l’amélioration de la gouvernance des banques publiques ; et (iii) une plus grande flexibilité du taux de change pour soutenir les efforts de stabilisation, ce qui devra impliquer le maintien par la BA de sa politique de ciblage du taux de change effectif réel en ligne avec son niveau d’équilibre ; et la poursuite de la dépréciation nominale du dinar de façon progressive pour corriger la surévaluation tout en contenant les pressions inflationnistes à court terme.
  1. Un volet ouverture commerciale : implique : (i) l’élimination des restrictions et barrières tarifaires et non tarifaires pour engranger des gains de productivité et faciliter la diversification ; (ii) une discussion avec l’UE pour réaménager l’AAUE (après avoir adopté une stratégie de baisse progressive des barrières tarifaires et non tarifaires) ; (iii) la mise en place d’incitations à l’investissement plus neutres pour encourager la diversification des exportations ; (iv) l’accélération des discussions pour une adhésion à l’OMC ; et (5) des mesures diverses pour attire des IDE.
  1. Un volet intégration au système financier international : pour mobiliser les ressources nécessaires à la transformation de l’économie algérienne
  1. Un volet diversification des exportations : passe par : (i) le renforcement de la qualité du capital humain ; (ii) l’ouverture commerciale pour s’exposer à la concurrence et acquérir un savoir-faire ; (iii) l’amélioration de  la qualité des institutions ; (iv) la disponibilité d’infrastructures de qualité (transports, téléphonie et pénétration internet ); (v) se préparer à ouvrir le compte de capital à terme pour mobiliser l’épargne étrangère ; (vi) le développement du secteur financier ; et (vii) la mise en place d’instruments directs et indirects d’intervention pour renforcer la compétitivité des entreprises à l’exportation et placer l’économie du pays sur le marché mondial.
  1. Un volet unification des marchés de change : La réussite d’une transition vers un taux de change unique et flexible implique une approche progressive pour : (1) mettre en place un environnement macroéconomique favorable à cette réforme ; (2) procéder à des ajustements des différents taux de change au fil du temps pour permettre aux marchés de s’adapter sans provoquer de chocs. Ceci passe par l’établissement d’une fourchette de taux de change qui se resserrera progressivement, dans un cadre de faible inflation stable, soutenue par une politique monétaire alternative et une réduction de la domination fiscale ; et (3) conduire une transformation profonde de l’économie algérienne devant fonctionner selon les forces du marché. Ces trois axes devront être intégrées dans une stratégie globale à moyen terme (horizon 2030 au plus tard) qui soit s’articuler autour des éléments suivants :
  • L’expression d’une volonté politique claire et forte de mettre un terme au double marché sur le moyen terme, ce qui implique des décisions difficiles, y compris la dévaluation du dinar de façon progressive et une banque centrale conduisant de façon indépendante la politique de change et la politique monétaire.
  • La mise en place d’une politique de communication transparente et pro active pour expliquer aux acteurs économiques les changements et les avantages macroéconomiques d’un système unifié et l’importance d’une transition en douceur. En même temps, une telle communication permettra de renforcer la confiance du public, réduire la spéculation et assurer une transition réussie. Pour sa part, la banque centrale devra communiquer à travers diverses plateformes avec un public aussi large que possible sur les changements de politique.
  • L’arrêt du déclin du dinar algérien et sa stabilisation : implique un ajustement progressif de la politique monétaire afin d’aligner les taux de change officiel et parallèle ; un renforcement des réserves de change pour soutenir le dinar ; et un renforcement de la réglementation sur les transactions de devises pour limiter la spéculation (des mesures déjà mises en place et à développer). En parallèle, une amélioration des chaînes d’approvisionnement permettrait d’assurer la disponibilité des biens essentiels et réduire les pressions sur le marché parallèle ; et le développement d’une infrastructure technologique favorisera la transparence des opérations de change et limiter le recours au marché parallèle.
  • La création d’une capacité institutionnelle pour se doter des outils indispensables à une politique monétaire crédible : ceci permettra de renforcer une gestion efficace de la liquidité et créer des compétences en matière de modélisation et de prévision. Combinés à un système financier stable, ces outils sont de nature à favoriser la mise en œuvre et la transmission de la politique monétaire, soutenir le passage à un ancrage nominal alternatif et renforcer la crédibilité de l’objectif du maintien d’une faible inflation.
  • L’établissement d’un cadre de politique monétaire crédible et transparent. Indispensable pour une transition réussie vers un taux de change unique et plus flexible. Le ciblage de l’inflation, avec son accent sur la stabilité des prix et son objectif à moyen terme, est l’ancrage le plus adapté pour assurer cette transition. De plus, une politique monétaire efficace (guidée par les sept principes proposés par le FMI dans une note de 2015) permettra une gestion prudente des taux d’intérêt, un suivi constant des indicateurs macroéconomiques et une réactivité face aux chocs économiques internes et externes. En disposant d’une telle politique monétaire et en planifiant soigneusement chaque étape de la transition, l’Algérie pourra mieux contrôler l’inflation, atténuer la volatilité économique, favoriser une croissance saine et renforcer la résilience de l’économie.
  • Des mesures-clés en appui de l’unification du taux de change et de son calibrage au cours de la transition. Elles incluent notamment : (1) une dévaluation de la monnaie (une étape clé à haut risque), c’est-à-dire un ajustement de la valeur nominale de la monnaie afin de réaligner les taux de change avec les fondamentaux du marché, une condition pour une transition plus fluide ; et (2) un ajustement des taux d’intérêt pour influencer les flux de capitaux et les niveaux d’investissement domestique, mesure devant contribuer à stabiliser l’économie durant cette période de transition.
  • Une politique budgétaire viable pour faciliter le succès de la transition vers une plus grande flexibilité du taux de change. Une telle politique doit contenir la demande publique et les importations pour contribuer à un équilibre externe, réduire les pressions potentielles sur le marché des changes et permettre une transition plus fluide vers une plus grande flexibilité du taux de change. Cette discipline budgétaire (budget en équilibre ou faible déficit soutenable accompagné de règles budgétaires) est cruciale également pour créer des marges de manœuvre permettant d’augmenter les dépenses sociales et évoluer vers un taux de change plus flexible.
  • Un compte courant équilibré, des réserves de change adéquates et l’absence de désalignement significatif du taux de change peuvent favoriser une transition ordonnée. Ces trois facteurs ouvrent la voie à : (1)  une position du compte courant qui peut être soutenue par des flux de capitaux à des conditions compatibles avec les perspectives de croissance de l’économie sans recourir à des restrictions sur les échanges et les paiements, de sorte que le niveau des réserves internationales soit adéquat et relativement stable ; et (2) la réduction de pressions en faveur d’une dépréciation du taux de change et la promotion d’un système de vente de devises à des prix concurrentiels (favorisant l’interaction de forces du marché). Un atout en faveur d’un taux de change unique et flexible.
  • Des politiques structurelles (décrites ci-dessus au niveau des points 2, 3, 4 et 5) et institutionnelles pour créer un écosystème économique appuyant un taux de change unique et flexible. Du côté des réformes institutionnelles, la mise en place d’un taux de change unique implique un renforcement des capacités des régulateurs en faveur d’une surveillance financière et des mécanismes de suivi et d’évaluation pour ajuster les politiques en fonction des retours d’expérience.
  • Anticiper et atténuer les perturbations économiques potentielles pendant la transition. Cela peut impliquer de gérer : (1) l’inflation, car un taux de change unifié conduit souvent à des ajustements de prix qui peuvent provoquer de l’inflation. De ce fait, la mise en œuvre de politiques monétaires axées sur le contrôle de l’inflation peut aider à stabiliser les prix ; (2) un creusement du déficit de la balance commerciale (chute des exportations suite à un ajustement significatif du taux de change) ; (3) des pressions sur les réserves de change si les agents économiques qui anticipent une dépréciation se ruent sur les banques pour convertir en devises leurs avoirs en monnaie locale ; (4) la prévention d’une fuite des capitaux à travers un renforcement temporaire des contrôles des capitaux jusqu’au rétablissement de la confiance du marché ; et (5) l’atténuation des effets négatifs des fluctuations de prix associées à l’unification de la monnaie par la mise en place de subventions ou de programmes sociaux adéquats.

Les gouvernements peuvent alors s’appuyer sur des politiques budgétaires et/ou monétaires pour stabiliser les taux de change, tandis que les entreprises peuvent mettre en place des stratégies de couvertures contre les risques ou la diversification de leurs portefeuilles pour gérer la volatilité.

Les déséquilibres structurels qui fragmentent le marché des changes en deux compartiments

Un fort écart de taux de change entre le marché parallèle et le taux officiel est souvent perçu comme un indicateur d’une monnaie surévaluée et d’un désalignement du taux de change réel.

La question se pose quant à la crédibilité du taux sur le marché parallèle. Bien que le niveau du taux de change parallèle soit le reflet de certaines distorsions économiques, il ne constitue pas un indicateur fiable du désalignement du taux de change réel.

Cet écart peut être affecté par plusieurs facteurs non liés au taux de change d’équilibre réel, y compris des transactions d’ordre criminel. De ce fait, il ne doit pas être considéré comme un indicateur définitif du désalignement de la monnaie. 

La domination du pétrole dans l’économie et la complexité du lien entre le prix du pétrole et le taux de change. La monnaie de facturation des transactions pétrolières est le dollar américain. De ce fait, ces économies font face à un double impact :

(1) les fluctuations du taux de change du dollar par rapport aux autres devises influencent directement le prix du pétrole pour les pays utilisant d’autres monnaies.

En effet, en cas d’appréciation du dollar, le pétrole devient plus cher pour ces pays, même si le prix du pétrole en dollars reste stable. Pour les pays exportateurs de pétrole, une hausse du dollar se traduit par une augmentation des revenus en monnaie locale.

A contrario, une dépréciation du dollar réduit les revenus issus des exportations de pétrole en termes de monnaies locales, affectant ainsi l’économie de ces pays.

Pour les pays importateurs de pétrole, une dépréciation de leur monnaie par rapport au dollar entraînera une hausse du coût du pétrole et déclenchera des tensions inflationnistes au niveau des multiples secteurs d’activité utilisant cet input :

(2) les variations des prix du pétrole peuvent aussi influencer les taux de change.

Une hausse des prix du pétrole peut accroitre les recettes en devises des pays producteurs. En revanche, une baisse des prix du pétrole peut affaiblir leur monnaie. Au niveau des pays consommateurs, une hausse des prix du pétrole peut affaiblir la monnaie en raison de l’augmentation des coûts d’importation.

En somme, les prix du pétrole et les taux de change sont interconnectés, et les variations de l’une de ces deux variables peuvent avoir un impact considérable sur l’économie, tant pour les pays producteurs que pour les pays consommateurs.

Les politiques de change et monétaire sont deux facettes d’une même politique publique. Précisons cela : 

Les déterminants du taux de change : Essentiellement deux :

  • (1) les échanges de biens et services qui influencent le niveau de taux de change d’un pays à travers :
  • (i) un excédent de la balance des transactions courantes qui entraine l’appréciation du taux de change puisque les entrées de devises sont supérieures aux sorties ; et/ou
  • (ii) a contrario un déficit de la balance des transactions qui génère une baisse du taux de change puisque les sorties sont plus importantes que les entrées ; et
  • (2) les différentiels de taux d’inflation et de taux d’intérêt qui contribuent à renchérir ou réduire les prix des importations et des exportations et influencer les entrées et sorties de devises.

Régime de change et politique monétaire : La politique monétaire d’un pays entretient une relation étroite avec son régime de change. Les taux d’intérêt d’un pays affectent la valeur de sa monnaie, de sorte que les pays dont le taux de change est fixe seront moins à même de mener une politique monétaire indépendante que ceux qui ont un taux de change flexible.

Un régime de change entièrement souple rend d’autant plus efficace le ciblage de l’inflation et permet à une economie de s’ajuster par le biais du taux de change. Autrement, l’ajustement macroéconomique va reposer uniquement sur les seules politiques budgétaire et structurelle (qui prennent du temps à produire des effets). 

Taux de change et inflation : La parité de pouvoir d’achat (PPA) est un concept clé permettant d’évaluer l’évolution du taux de change en relation avec l’inflation. Essentiellement : (1) la PPA considère que le taux de change nominal entre deux devises reflète les pouvoirs d’achat relatifs de chacune d’entre elles ; et (2) un panier national de biens de consommation similaire au panier étranger de biens de consommation implique qu’une unité de la monnaie nationale a le même pouvoir d’achat dans le pays et à l’étranger.

Une variation du pouvoir d’achat d’une monnaie d’un pays à l’autre par rapport à la PPA reflète donc essentiellement des prix différents pour des biens similaires au niveau des différents pays (même après conversion dans la même monnaie) ainsi que des différences de préférences entre les consommateurs d’un pays à l’autre (ce qui peut conduire à des paniers de consommation différents).

A terme, la PPA a tendance à se maintenir vu les forces économiques qui tendent à gommer les différences de pouvoir d’achat des monnaies entre les différents pays. Une relation importante pour ce qui est des trajectoires de l’inflation et du taux de change à moyen et long terme

Algérie : pour un renforcement de la politique de change au service de la diversification des exportations du pays (et non comme levier de lutte contre l’inflation)

La politique de change est affaiblie par une série de contraintes structurelles, notamment : 

Un régime de change rigide et affaibli par des distorsions multiples.

Cette rigidité se retrouve au niveau de :

(1) la détermination de la valeur externe du dinar algérien :  intervient au niveau d’un marché interbancaire de devises institué par le règlement numéro 95-08 du 23 décembre 1995. Les banques et les établissements financiers participent à toutes les opérations de change au comptant et à terme entre la monnaie nationale et les devises étrangères librement convertibles, injectant une dose limitée d’interaction entre l’offre et de la demande.

La BA reste la source principale de l’offre de devises sur le marché officiel (vu sa qualité d’acheteur exclusif des recettes d’exportations des hydrocarbures ;

(2) de la non mise en place de la convertibilité du DA au niveau du compte courant contrainte sans raisons : dans le cadre du programme de réformes appuyé par le FMI, l’Algérie avait accepté, à partir du 15 septembre 1997, d’adopter :

(i) la convertibilité du DA ;

(ii) l’ouverture de bureaux de change. Toutefois, les autorités avaient demandé et à juste titre à l’époque une dérogation pour limiter les accès aux devises pour les ménages en raison des faibles réserves de change du pays en 1998 ($8 milliards).

Toutefois, même après avoir accumulé des niveaux de devises considérables, l’exclusion des ménages du marché officiel des devises a été maintenue sans justification et l’ouverture des bureaux de change n’a pas eu lieu. 

Un marché informel des devises étrangères en pleine l’expansion : cette dernière a été favorisée au fil des ans par des restrictions (contrôles de change dans les années 1960 et 1970) et des chocs dont le choc pétrolier de 1986 et la crise des changes de 1993.

Les réformes structurelles (1995-1998) et la forte hausse des prix du pétrole dès 2000 ont contribué à assouplir les contraintes du marché et réduire l’écart entre les taux de change officiel et parallèle.

De nouveau, le marché informel a été relancé par le choc pétrolier de 2014 et de nouvelles restrictions avant de se retrouver à l’arrêt au cours de la pandémie.

La réouverture de l’économie et des frontières à la mi-2021, combinée à des décisions économiques mal conçues, des politiques macroéconomiques incohérentes et une gouvernance inefficace sont autant de facteurs qui ont de nouveau insufflé une forte dynamique au marché parallèle.

Un ciblage confus de la politique de change : officiellement, cette dernière vise à maintenir la compétitivité extérieure de l’économie en ciblant le taux de change effectif réel (TCER). Chaque année, la BA détermine un niveau cible de TCER et intervient sur le marché pour aligner les mouvements de change nominaux bilatéraux avec l’objectif retenu (sans pouvoir contenir les pressions inflationnistes).

Dans la réalité et depuis quelques années, la BA poursuit une politique d’appréciation du DA pour réduire les pressions inflationnistes et accélérer la croissance à court terme. Ainsi la cotation du dollar par rapport au dinar algérien se situait à $137, 2214 à fin 2022, $134, 2735 à fin 2023 et $135,6577 à fin 2024. Une telle option n’est pas adaptée pour trois raisons :

  • (1) premièrement, nonobstant les distorsions de l’économie algérienne, l’appréciation du DA pourrait déclencher des effets indésirables, y compris la hausse du coût des exportations hors pétrole (non compensée par un accroissement des produits non échangeables), la baisse des prix des importations, la chute des recettes fiscales pétrolières, l’augmentation des dépenses publiques en devises et une détérioration de la compétitivité extérieure ;
  • (2) deuxièmement, les moteurs de l’inflation sont à court terme, la masse monétaire et les prix des biens importés et à long terme, la masse monétaire et le PIB réel non pétrolier; et
  • (3) la croissance économique peut bénéficier d’un taux de change approprié si il est accompagné par des politiques macroéconomiques et structurelles crédibles. 

Des leviers de gestion monétaire et de change inopérants :

(1) un cadre de politique monétaire contraint par les faiblesses de la gestion de la liquidité et du canal de transmission du taux directeur sur les banques commerciales ainsi que le manque de profondeur financière. Ces trois facteurs bloquent la conduite d’une politique monétaire basée sur les prix et l’ancrage des anticipations d’inflation.

(2) une dominance budgétaire. 

Une diversification en panne (avec un score de classement international très faible de 0,45) :

La structure de production actuelle est dominée par des services à très faible valeur ajoutée (43,4%), suivies des industries extractives (20,7%), de la construction (12,6 %), de l’agriculture et de la pêche (11,2%) et du manufacturier (10,8%).  

Une balance des paiements structurellement vulnérable :

en raison (à fin août 2024) de la prépondérance des exportations de pétrole (83,1%) et d’une structure des importations comprenant ¼ de biens alimentaires, ¼ de demi-produits et ¼ de biens d’équipements industriels.

Ajoutons l’absence d’une mobilisation de l’épargne étrangère, qui force le pays à ne compter que sur ses seules réserves internationales de change pour financer son compte courant (et/ou ajuster administrativement le niveau des importations au risque d’endommager l’activité économique). 

Un manque de flexibilité et une ouverture économique limitée:

notamment depuis le choc pétrolier de 2014 qui a vu la remise en place de barrières non tarifaires (certificat d’origine, certificats de conformité et de qualité d’un tiers indépendant, relevés de notes rédigées en arabe et indiquant clairement l’origine des produits), de restrictions commerciales (interdiction temporaire de 851 produits annoncée le 1er janvier 2018) et de barrières tarifaires (adoption de multiples tarifs entre 30 et 200% sur plus de 1000 produits). En parallèle, le processus d’insertion internationale reste aujourd’hui incertain et non rentable avec :

(i) un accord d’association avec l’Union Européenne (AAUE) défavorable à l’Algérie (manque à gagner cumulé d’environ $10 milliards entre 2005-2023 en termes de recettes budgétaires) ;

(ii) un processus d’adhésion à l’OMC totalement en panne; et

(iii) des accords préférentiels (AAUE, Grande Zone Arabe de Libre Echange ZALE et Tunisie) qui coûtent au contribuable algérien environ $110 millions du fait des exonérations de droits de douane et de TVA à l’importation. 

Un secteur financier réprimé et découplé par rapport au système financier international :

illustrée par un stock d’investissements directs étrangers (IDE) qui est passé, selon le FMI, de $19 milliards en 2018 à $24 milliards en 2023, soit une progression d’a peine $5 milliards en 6 ans (soit une moyenne annuelle de $800 millions). Ces IDE sont concentrés essentiellement dans le secteur des hydrocarbures. 

Une perte de compétitivité entre 2015 et 2024 :

Selon les données du FMI, le taux de change effectif réel (REER) a augmenté de 13 % entre 2015 et fin novembre 2024, suggérant une perte de compétitivité prix sur le marché mondial en raison de l’appréciation de la monnaie du pays en termes réels et un taux d’inflation plus élevé que celui des partenaires commerciaux.

Ipso facto, cela rend les exportations du pays plus chères et moins attractives, tandis que les importations deviennent moins chères, ce qui est défavorable pour les producteurs locaux et au secteur des exportations. 

Le coût macroéconomique du taux de change surévalué

Ce dernier pèse sur les coûts de production et les prix intérieurs, ce qui, sur le long terme, cause une perte de croissance d’environ 1 % en moyenne, une accélération de l’inflation de 2 %, une baisse des exportations de 1,5 % et une hausse du chômage. Notons en outre, une épargne nationale en déclin et un affaiblissement des capacités de financement de l’économie. 

Propositions de feuille de route pour conduire le taux de change vers sa valeur d’équilibre afin de renforcer la croissance et l’emploi et faciliter l’ajustement de l’économie.

Il est donc important que le DA retrouve sa valeur d’équilibre (une valeur réelle correspondant à un objectif de solde courant compatible avec un niveau de production potentielle non inflationniste).

Loin d’être une opération technique, elle implique au contraire un train de mesures à moyen et long terme cohérentes, dont une réduction du déficit budgétaire global (pour ramener la demande publique à un niveau soutenable), des réformes structurelles en appui d’une diversification de l’économie et des exportations et une plus grande flexibilité du taux de change pour faciliter l’ajustement de l’économie.

Cette flexibilité impliquerait un processus de dépréciation progressive (une appréciation du DA est à écarter car elle ne serait pas cohérente avec une trajectoire de restauration de la viabilité du secteur extérieur et déclenchera une chaine d’effets non désirables pour l’économie du pays. La feuille de route serait la suivante : 

  • Un plan stratégique ciblant une diversification économique. Cette dernière vise à mettre en place un modèle de production reposant sur une variété de secteurs d’activité afin d’améliorer les perspectives de croissance à long terme et la création d’emplois. Ce nouveau modelé devra, en outre, tenir compte des défis climatiques et des changements importants au niveau de l’emploi. La mise en place de ce modèle implique des politiques macroéconomiques crédibles, des institutions gouvernementales efficaces, un environnement des affaires et un climat d’investissement favorables et des réformes favorisant l’ouverture commerciale, la diversification des exportations et l’élimination à terme de la dualité des marches de change. 
  1. Un volet macroéconomique : pour soutenir la compétitivité extérieure et éviter les fluctuations du taux de change réel et la surévaluation réelle, le mix comprendra : (i) un assainissement budgétaire progressif et soutenu (mesures pour augmenter les recettes, rationaliser les dépenses et diversifier les sources de financement budgétaire) ; (ii) une politique monétaire ciblant la réduction des tensions inflationnistes, dans un contexte du renforcement de l’indépendance de la BA et de la supervision bancaire, de la mise en œuvre d’un cadre de gestion de crise et de l’amélioration de la gouvernance des banques publiques ; et (iii) une plus grande flexibilité du taux de change pour soutenir les efforts de stabilisation, ce qui devra impliquer le maintien par la BA de sa politique de ciblage du taux de change effectif réel en ligne avec son niveau d’équilibre ; et la poursuite de la dépréciation nominale du dinar de façon progressive pour corriger la surévaluation tout en contenant les pressions inflationnistes à court terme.
  1. Un volet ouverture commerciale : implique : (i) l’élimination des restrictions et barrières tarifaires et non tarifaires pour engranger des gains de productivité et faciliter la diversification ; (ii) une discussion avec l’UE pour réaménager l’AAUE (après avoir adopté une stratégie de baisse progressive des barrières tarifaires et non tarifaires) ; (iii) la mise en place d’incitations à l’investissement plus neutres pour encourager la diversification des exportations ; (iv) l’accélération des discussions pour une adhésion à l’OMC ; et (5) des mesures diverses pour attire des IDE. 
  1. Un volet intégration au système financier international : pour mobiliser les ressources nécessaires à la transformation de l’économie algérienne
  1. Un volet diversification des exportations : passe par : (i) le renforcement de la qualité du capital humain ; (ii) l’ouverture commerciale pour s’exposer à la concurrence et acquérir un savoir-faire ; (iii) l’amélioration de  la qualité des institutions ; (iv) la disponibilité d’infrastructures de qualité (transports, téléphonie et pénétration internet ); (v) se préparer à ouvrir le compte de capital à terme pour mobiliser l’épargne étrangère ; (vi) le développement du secteur financier ; et (vii) la mise en place d’instruments directs et indirects d’intervention pour renforcer la compétitivité des entreprises à l’exportation et placer l’économie du pays sur le marché mondial. 
  1. Un volet unification des marchés de change : La réussite d’une transition vers un taux de change unique et flexible implique une approche progressive pour : (1) mettre en place un environnement macroéconomique favorable à cette réforme ; (2) procéder à des ajustements des différents taux de change au fil du temps pour permettre aux marchés de s’adapter sans provoquer de chocs. Ceci passe par l’établissement d’une fourchette de taux de change qui se resserrera progressivement, dans un cadre de faible inflation stable, soutenue par une politique monétaire alternative et une réduction de la domination fiscale ; et (3) conduire une transformation profonde de l’économie algérienne devant fonctionner selon les forces du marché. Ces trois axes devront être intégrées dans une stratégie globale à moyen terme (horizon 2030 au plus tard) qui soit s’articuler autour des éléments suivants :   
  • L’expression d’une volonté politique claire et forte de mettre un terme au double marché sur le moyen terme, ce qui implique des décisions difficiles, y compris la dévaluation du dinar de façon progressive et une banque centrale conduisant de façon indépendante la politique de change et la politique monétaire. 
  • La mise en place d’une politique de communication transparente et pro active pour expliquer aux acteurs économiques les changements et les avantages macroéconomiques d’un système unifié et l’importance d’une transition en douceur. En même temps, une telle communication permettra de renforcer la confiance du public, réduire la spéculation et assurer une transition réussie. Pour sa part, la banque centrale devra communiquer à travers diverses plateformes avec un public aussi large que possible sur les changements de politique. 
  • L’arrêt du déclin du dinar algérien et sa stabilisation : implique un ajustement progressif de la politique monétaire afin d’aligner les taux de change officiel et parallèle ; un renforcement des réserves de change pour soutenir le dinar ; et un renforcement de la réglementation sur les transactions de devises pour limiter la spéculation (des mesures déjà mises en place et à développer). En parallèle, une amélioration des chaînes d’approvisionnement permettrait d’assurer la disponibilité des biens essentiels et réduire les pressions sur le marché parallèle ; et le développement d’une infrastructure technologique favorisera la transparence des opérations de change et limiter le recours au marché parallèle.
  • La création d’une capacité institutionnelle pour se doter des outils indispensables à une politique monétaire crédible : ceci permettra de renforcer une gestion efficace de la liquidité et créer des compétences en matière de modélisation et de prévision. Combinés à un système financier stable, ces outils sont de nature à favoriser la mise en œuvre et la transmission de la politique monétaire, soutenir le passage à un ancrage nominal alternatif et renforcer la crédibilité de l’objectif du maintien d’une faible inflation.  
  • L’établissement d’un cadre de politique monétaire crédible et transparent. Indispensable pour une transition réussie vers un taux de change unique et plus flexible. Le ciblage de l’inflation, avec son accent sur la stabilité des prix et son objectif à moyen terme, est l’ancrage le plus adapté pour assurer cette transition. De plus, une politique monétaire efficace (guidée par les sept principes proposés par le FMI dans une note de 2015) permettra une gestion prudente des taux d’intérêt, un suivi constant des indicateurs macroéconomiques et une réactivité face aux chocs économiques internes et externes. En disposant d’une telle politique monétaire et en planifiant soigneusement chaque étape de la transition, l’Algérie pourra mieux contrôler l’inflation, atténuer la volatilité économique, favoriser une croissance saine et renforcer la résilience de l’économie. 
  • Des mesures-clés en appui de l’unification du taux de change et de son calibrage au cours de la transition. Elles incluent notamment : (1) une dévaluation de la monnaie (une étape clé à haut risque), c’est-à-dire un ajustement de la valeur nominale de la monnaie afin de réaligner les taux de change avec les fondamentaux du marché, une condition pour une transition plus fluide ; et (2) un ajustement des taux d’intérêt pour influencer les flux de capitaux et les niveaux d’investissement domestique, mesure devant contribuer à stabiliser l’économie durant cette période de transition. 
  • Une politique budgétaire viable pour faciliter le succès de la transition vers une plus grande flexibilité du taux de change. Une telle politique doit contenir la demande publique et les importations pour contribuer à un équilibre externe, réduire les pressions potentielles sur le marché des changes et permettre une transition plus fluide vers une plus grande flexibilité du taux de change. Cette discipline budgétaire (budget en équilibre ou faible déficit soutenable accompagné de règles budgétaires) est cruciale également pour créer des marges de manœuvre permettant d’augmenter les dépenses sociales et évoluer vers un taux de change plus flexible.
  • Un compte courant équilibré, des réserves de change adéquates et l’absence de désalignement significatif du taux de change peuvent favoriser une transition ordonnée. Ces trois facteurs ouvrent la voie à : (1)  une position du compte courant qui peut être soutenue par des flux de capitaux à des conditions compatibles avec les perspectives de croissance de l’économie sans recourir à des restrictions sur les échanges et les paiements, de sorte que le niveau des réserves internationales soit adéquat et relativement stable ; et (2) la réduction de pressions en faveur d’une dépréciation du taux de change et la promotion d’un système de vente de devises à des prix concurrentiels (favorisant l’interaction de forces du marché). Un atout en faveur d’un taux de change unique et flexible. 
  • Des politiques structurelles (décrites ci-dessus au niveau des points 2, 3, 4 et 5) et institutionnelles pour créer un écosystème économique appuyant un taux de change unique et flexible. Du côté des réformes institutionnelles, la mise en place d’un taux de change unique implique un renforcement des capacités des régulateurs en faveur d’une surveillance financière et des mécanismes de suivi et d’évaluation pour ajuster les politiques en fonction des retours d’expérience.
  • Anticiper et atténuer les perturbations économiques potentielles pendant la transition. Cela peut impliquer de gérer : (1) l’inflation, car un taux de change unifié conduit souvent à des ajustements de prix qui peuvent provoquer de l’inflation. De ce fait, la mise en œuvre de politiques monétaires axées sur le contrôle de l’inflation peut aider à stabiliser les prix ; (2) un creusement du déficit de la balance commerciale (chute des exportations suite à un ajustement significatif du taux de change) ; (3) des pressions sur les réserves de change si les agents économiques qui anticipent une dépréciation se ruent sur les banques pour convertir en devises leurs avoirs en monnaie locale ; (4) la prévention d’une fuite des capitaux à travers un renforcement temporaire des contrôles des capitaux jusqu’au rétablissement de la confiance du marché ; et (5) l’atténuation des effets négatifs des fluctuations de prix associées à l’unification de la monnaie par la mise en place de subventions ou de programmes sociaux adéquats.

Par Dr Abdelrahmi BESSAHA 
Expert international en macroéconomie et finance