En brandissant le spectre de l’ingérence, que les Algériens rejettent au demeurant, comme ils l’ont exprimé dès le début du mouvement, le gouvernement contient difficilement sa crainte que sa gestion des affaires dans cette séquence historique ne passe sous la loupe de l’opinion internationale.
Cela peut se décliner comme un signe de panique : alors que le Parlement européen ne s’est pas encore exprimé sur la situation en Algérie, voilà que le gouvernement et les candidats à la présidentielle poussent des cris d’orfraie, dénonçant, à l’unisson, des velléités d’ingérence.
“Il est admis dans l’esprit de l’Union européenne (UE) ainsi que de tous nos partenaires étrangers que l’Algérie s’attache au principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, tout comme elle n’admet pas, en tant qu’institution et peuple, à ce qu’il puisse avoir une interférence dans ses affaires intérieures”, a déclaré à l’APS le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, ministre de la Culture par intérim, Hassen Rabehi.
“Je souhaite, tout d’abord, relever le fait que les relations de l’Algérie avec l’UE sont des relations stratégiques et très importantes qui couvrent tous les secteurs d’activité. L’UE et l’Algérie sont conscientes de ce caractère stratégique et ne permettraient pas à qui que ce soit de remettre en cause cette qualification stratégique par de simples parlementaires qui se caractérisent par une myopie et qui ne mesurent pas l’importance de ces relations”, a-t-il ajouté.
Cette réaction, a priori, intervient concomitamment à la bronca des candidats qui, faute de convaincre les électeurs sur l’intérêt du scrutin, semblent trouver dans cette question de prétendue “ingérence” un motif à faire diversion sur une campagne virant à la mascarade et dans l’espoir de susciter l’adhésion de la population à une échéance qu’elle rejette.
Mais ce que le représentant du gouvernement feint d’évoquer, c’est que l’auteur de l’initiative à un débat au Parlement européen, en l’occurrence Raphaël Glucksmann, invoque lui-même des “résistances” et des “lobbies” hostiles, au nom d’intérêts, notamment des grandes compagnies énergétiques, à toute résolution sur l’Algérie. Peut-on parler dans ce cas d’espèce d’ingérence ?
En brandissant le spectre de l’ingérence, que les Algériens rejettent au demeurant, comme ils l’ont exprimé dès le début du mouvement, le gouvernement, dont la marque de fabrique est le repli sur soi, contient difficilement sa crainte que sa gestion des affaires dans cette séquence historique ne passe sous la loupe de l’opinion internationale.
Soumis à une terrible pression par un mouvement qui ne montre pas de signes d’essoufflement, décidé plus que jamais à faire avorter l’élection, le pouvoir, tétanisé sans doute à l’idée d’essuyer un troisième échec, semble redouter une pression internationale même si celle-ci, jusque-là, ne s’exprime pas ouvertement. Excepté le Canada, aucun pays étranger ne s’est hasardé à commenter l’actualité algérienne.
À telle enseigne que des observateurs ont vu dans le silence de ces pays une caution au pouvoir d’Alger. Dans un entretien accordé au journal La Provence, le chef de la diplomatie française, dont le pays est le plus ciblé, de manière implicite, lorsqu’il s’agit d’évoquer l’ingérence, a parlé de “transition” et de la nécessité d’un “dialogue démocratique”. Et le ballet des diplomates étrangers chez certains candidats procéderait probablement d’une quête d’une meilleure visibilité en perspective de futures positions.
Karim Kebir