Encore une fois l’Opep a décidé de ne rien décider du fait de l’intransigeance des monarchies du Golfe conduites de main de fer par l’Arabie saoudite. Pour l’Histoire, l’Opep. a été créée à Baghdad, en 1960, elle compte 12 Etats membres : Algérie, Angola, Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Équateur, Iran, Irak, Koweït, Libye, Nigeria, Qatar, Venezuela. En 2007, ces pays représentaient 78% des réserves mondiales estimées de pétrole, 45% de la production de pétrole brut et 18% de la production de gaz naturel. Encore et comme depuis longtemps ce pays dicte la norme.
Nous évoquons avec une nostalgie peut-être déplacée l’époque où deux ministres de l’Opep, Zaki Yamani le ministre du roi Faycal et Belaïd Abdesselam ministre de Boumediene allaient de capitale en capitale expliquer la position de l’Opep pour un juste prix du pétrole. 1985 retournement du marché, la même Arabie saoudite se battant pour ses parts de marché, en ruinant au passage des petits pays du fait d’un dumping saoudien. Ce pays trouva sur sa route un producteur hors Opep et non des moindres Margareth Thatcher. Ce fut le pot de terre contre le pot de fer. Dans cette affaire l’Algérie perdit plus de 18 milliards de dollars entre 1986 et 1990. L’Opep s’est fait déposséder de son marker crude l’Arabian Light. De fait, le Brent a détrôné définitivement l’Arabian Light et l’Opep en est à attendre les statistiques de l’AIE (Agence qui défend les intérêts des pays occidentaux) pour se donner l’illusion d’un cap. Les statuts de l’Opep donnent mission, en théorie, à l’organisation pour harmoniser et coordonner les politiques pétrolières de ses Etats membres ; garantir un équilibre des marchés pétroliers par un prix de vente « juste et stable ».
Dans la pratique rien de tout cela : ce n’est pas un membre, une voix mais un baril, une voix. De ce fait, ceux qui misent sur les prix sont constamment en désaccord avec ceux qui misent sur le volume. A titre d’exemple, l’Algérie produit dix fois moins que l’Arabie saoudite et les potentats du Golfe produisent plus de la moitié des 31,7 millions de barils/jour. Avec le temps la politique a pris le pas sur l’économique. L’Opep réunit des intérêts trop divergents (les intérêts de l’Algérie, de l’Indonésie ou du Nigeria, pays aux besoins de développement pressants, sont différents de ceux de l’Arabie saoudite ou des Émirats). Il faut y ajouter des rivalités internes (Irak-Iran, Arabie saoudite-Iran, etc.) pour fonctionner comme un véritable cartel.
Quelle est la situation actuelle ?
Une offre largement excédentaire, un dollar plus fort que jamais, une demande déclinante et un baril de Brent autour de 43 dollars, L’Arabie saoudite aimerait limiter la production des pays entrants sur le marché comme l’Irak et l’Iran. « Nous n’acceptons aucune discussion sur l’augmentation de la production de l’Iran après la levée des sanctions », a déclaré le ministre iranien du Pétrole, Bijan Zangeneh. « C’est notre droit et personne ne peut s’y opposer. » Il semblerait qu’aujourd’hui leur priorité est de ralentir la production des nouveaux arrivants comme l’Iran et l’Irak. Pour cela, Riyadh pourrait chercher à obtenir la collaboration de producteurs hors Opep comme la Russie, Dans les colonnes d’El Watan, Noureddine Aït Laoussine, l’ex-ministre de l’Energie a ainsi qualifié cette réunion de celle de la« dernière chance ». Pour l’ancien ministre algérien « un redressement rapide des cours ne peut provenir que d’une réduction de l’ordre de 2 millions de barils/jour (mbj) de la production actuelle de l’Opep et donc au retour au plafond officiel de l’Organisation de 30 mbj ». « En cas de nouvel échec, l’Opep devra alors définir et justifier son nouveau rôle et courir le risque de perdre sa pertinence et sa disparition à terme » avertit-il en conclusion. »
La cacophonie était totale avant la réunion du jeudi. Chacun voulant dès le départ annoncer la couleur. « Lors d’une réunion ministérielle informelle tenue jeudi, le ministre saoudien du Pétrole, Ali al Naïmi, a dit que le royaume « ne propose pas une réduction d’un million de bpj », selon une source rapportant les propos d’un des ministres.(…) La Russie et l’Irak ont rapidement réagi en disant qu’ils n’avaient aucun projet de réduction de leur production et l’Iran a signalé qu’il se réservait la possibilité de relever fortement la sienne dès que les sanctions occidentales qui pèsent sur lui seraient levées. (…) Le ministre irakien du Pétrole, Adel Abdel Mahdi, a annoncé de son côté que son pays augmenterait encore la production l’an prochain, (..) Le ministre russe de l’Energie, Alexander Novak, a estimé que l’Opep devrait porter ses niveaux de production au plus près de la réalité. Un ajustement du plafond pourrait contribuer à rapprocher l’Opep des pays non-Opep. »
Les raisons connues de cette course vers l’abîme
Les réunions de l’Opep sont devenues un non-événement. Les pays membres de l’Opep, depuis l’Accord d’Oran (Algérie) maintiennent leurs quotas de production à 30 millions de barils par jour, niveau théorique ; en réalité 31,7 millions de barils Le cours du pétrole continue sa chute à un niveau jamais atteint depuis plus de quatre années de plus de 60% par rapport à 2014. L’Algérie produit depuis janvier 2009 environ 1,2 mb/j, en conformité avec le quota. Par ailleurs, les expériences ayant montré que les pays hors Opep constituent 67% de la production commercialisée mondiale. La prévision du secrétariat de l’Opep constituent d’une demande s’élevant à 1,25 million de barils par jour (bj) l’an prochain ne repose que sur du vent. De plus, la production de l’Opep ne montre aucun signe de ralentissement. Elle a atteint 31,77 millions de b/j en novembre ; la Russie, dont la production a atteint 10,78 millions de bj en octobre, a fait savoir lundi dernier qu’elle n’enverrait pas d’observateur à ladite réunion et ne participerait pas non plus à des consultations préalables.
Pour l’expert international, le professeur Abderahmane Mebtoul, les raisons d’une telle dégringolade des prix sont multiples. Il cite plusieurs raisons : « Premièrement, la récession de l’économie mondiale, dont le ralentissement des pays émergents, Argentine-Brésil-Inde (entre ½%), surtout la Chine. Deuxièmement, l’introduction du gaz/pétrole de schiste américain qui bouleverse toute la carte énergétique mondiale, Troisièmement, les rivalités au niveau de l’Opep dont certains ne respectent pas les quotas, la rivalité Iran-Arabie saoudite, qui ne veut pas perdre ses parts de marché. L’Arabie saoudite (plus de 35% de la production Opep et 12% de la production mondiale) est le seul pays producteur au monde actuellement qui soit en mesure de peser sur l’offre mondiale, Quatrièmement, la stratégie expansionniste des pays hors Opep représentant 67% de la commercialisation, la Russie ayant besoin de financement. L’expérience par le passé a montré que la Russie a pris des parts de marché lorsque l’Opep diminuait ses quotas. Cinquièmement, du retour sur le marché de la Libye avec 800 000 barils/jour actuellement et pouvant aller jusqu’à 2 millions de barils/jour, de l’Irak avec 3,7 millions de barils/ et de l’Iran, 2,7 millions de barils/jour pouvant aller à 5/7 millions à moyen terme, et dans une période très courte pouvant dépasser 3,5 millions de barils/jour. » Enfin, l’expert cite l’efficacité énergétique dans la majorité des pays occidentaux, avec une prévision de réduction de 30% (économie énergie-ciment-rond à béton). De plus, les tendances sont à une nouvelle division et spécialisation internationale avec la concentration de l’industrie manufacturière forte consommatrice d’énergie en Asie qui absorbera 65% de la consommation mondiale à l’horizon 2030, Sans oublier la spéculation des traders au niveau des marchés boursiers. l’occupation par les terroristes de champs pétroliers et gaziers, notamment en Irak, Syrie avec des écoulements au marché noir pour un baril à 30 dollars notamment en direction de la Turquie. La dernière cause est comme il a été dit, le dollar car en principe toute hausse du dollar entraîne une baisse du cours du pétrole. »
Pour notre part, aux arguments précédents, on peut ajouter le fait que les stocks américains sont au plus haut à près de 490 millions de barils/jour soit plus de 110 millions de barils/jour achetés avec un pétrole bradé. Ses importations sont de 7,747 millions de barils/jour en moyenne contre 7,638 millions de barils/jour cela prouve que la production a décru de 100.000 barils/jour mais ce n’est pas significatif. Les Etats-Unis ont produit 8 millions de barils /jour en janvier 2015, un an plus tard la production arrive à 9,5 millions de barils /jour, mais depuis le mois de juillet elle décline à environ 9,2 millions/jour compensée par les importations. Dans une contribution de Oil Price.com on apprend que L’Iran est prête à mettre sur le marché 500.000 à 1 mb/j. De plus, l’Iran et la Chine ont raffermi leurs relations dans le domaine des hydrocarbures. L’Iran aurait accepté de vendre 505.000 barils par jour en 2016 à Sinopec, le plus grand raffineur de pétrole de la Chine. Tous les membres de l’Opep vont continuer à produire autant qu’ils le peuvent.
Autrement dit, l’Opep a reconnu qu’elle n’est pas prête à réduire sa production dans un avenir prévisible. La Chine devrait doubler ses achats de pétrole brut pour sa réserve stratégique de pétrole en 2016, car elle profite de la crise en cours dans les prix. La Chine pourrait ajouter un autre 70 à 90 millions de barils de pétrole à son SPR, Les achats importants à ces prix bradés pourraient aider à soulager la surabondance, mais probablement pas assez pour influer sur les prix mondiaux du pétrole brut. » (4) Par ailleurs, un regard en profondeur sur les relations énergétiques russo-turques montre que même si la Russie a imposé des sanctions économiques à la Turquie, ces sanctions ne comprennent pas le commerce de gaz naturel, un signal que la Russie ne peut pas se permettre de perdre ce marché du gaz naturel. (…) Les deux plus grands producteurs, cependant, la Russie et l’Arabie saoudite, restent opposés à une réduction de la production. Les Saoudiens, sont moins préoccupés par les questions géopolitiques, mais seraient dit-on des experts qui jouent le jeu long. Pour eux, il semble qu’une année de prix bas est absorbable grâce à leur matelas de devises. Entre-temps c’est la ruine pour les petits pays. »
Ali Kefaïfi, spécialiste des questions énergétiques explique que « les décisions de l’Opep signifient tout simplement qu’il n’y a jusqu’à présent aucun changement dans la stratégie du « cartel », qui reste ainsi fortement contrôlée par l’Arabie saoudite. (…) Une décision presque sans surprise, car l’Opep, « fonctionne comme un pur cartel, avec un rôle de fixateur dévolu surtout à l’Arabie saoudite, de par ses fortes capacités de production et de stockage, tandis que les petits producteurs ne peuvent que suivre ». Cette configuration, estime toutefois Ali Kefaïfi, devra changer dès le retour officiel du pétrole iranien L’Iran se verra, dès lors, à même de pouvoir injecter une offre déjà prête de plus d’un demi-million de barils. Du reste, le retour de l’Iran devrait changer la donne au sein de l’Opep, car ce pays sera effectivement en mesure de peser face à l’Arabie saoudite (…) les cours pétroliers vont désormais « se stabiliser dans la baisse », du moins en attendant le retour de l’Iran, car, souligne-t-il, les prix sont déjà à un niveau historiquement très bas. »
Mort virtuelle de l’Opep et nouvel ordre
En théorie donc, le pétrole devait coûter cher et les fondamentaux du pétrole nous commandent cela. Pourtant, depuis plus d’un an et demi on assiste à une dégringolade anormale des prix du pétrole et on explique cela par le ralentissement de la croissance, notamment en Chine, l’avènement des gaz de schiste, en oubliant de dire qu’ils ne sont pas rentables au-dessous de 60 dollars. Il y a un an on prêtait l’intention à l’Arabie saoudite de tenter de faire passer l’idée qu’il faut laisser les cours baisser à court terme, avec un plancher à 60 dollars le baril ! Un an plus tard le baril frise les 40 dollars. Il n’y a plus de cap pour l’Opep depuis longtemps. Il y a une stratégie erratique celle de l’Arabie saoudite qui entraîne les pays vulnérables dans son sillage. C’est l’Arabie saoudite- qui décide de la marche à suivre. On dit souvent que les Etats-Unis sont le membre de l’Opep le plus influent… L’Arabie saoudite gagne en une année ce que nous avons mis 15 ans à cumuler (200 milliards de dollars). De plus, en dix ans, les pays du Golfe ont amassé des réserves estimées à 2 450 milliards de dollars. Ils vont se contenter des prix actuels et continueront à dépenser sans compter et remettre d’une main aux pays occidentaux pour l’achat de biens et d’armement ce que la nature leur a permis de l’autre. Le Nouvel Ordre de l’énergie fait fi des organisations du tiers-monde ; Seuls les rapports de force comptent. La Russie l’a bien compris. L’Iran aussi. Ces pays ne comptent que sur eux-mêmes et leur puissance technologique.
Devons-nous rester dans l’Opep ?
L’Opep de papa, celle des pionniers qui avaient une haute idée de leur mission est morte. C’est une Opep de rentiers sans neurones dans la plus pure tradition de ceux qui n’inventent rien et qui ne sont pas des bâtisseurs mais des marchands ; Tidjara chtara dit-on pour conforter les temps morts des Arabes. Devons-nous rester dans l’Opep ? Cette question mérite débat. Il est important de mesurer l’apport pour l’Algérie de l’Opep. Il faut dans le même temps évaluer la contribution en centaines de milliers de dollars au fonctionnement d’un siège hypertrophique dont l’efficacité est nulle. Combien de promesses ont été faites et n’ont pas été réalisées. Pour le 50e anniversaire il était prévu un Institut des énergies renouvelables, il n’a jamais vu le jour. La réponse est « oui », des pays l’ont fait. Ce sera un signal d’indépendance. Nous avons perdu plusieurs milliards de dollars depuis juin. Devons-nous continuer à le brader pour maintenir un niveau de rente au lieu de compenser cela par des économies d’énergie drastiques. A titre d’exemple, nous consommons 40 millions de tonnes. Nous pouvons sans beaucoup de restriction consommer 10% en moins soit l’équivalent de 4 millions de tonnes. Il est plus que jamais nécessaire de mobiliser la société en lui faisant comprendre les enjeux pour aller vers la sobriété énergétique qui nous concerne à tous, à commencer par le budget 2015 qui doit être revu à la baisse d’au moins 20% en sériant les priorités. Nous n’avons pas d’autre choix. Pour soutenir sa croissance, l’Algérie doit inventer une utopie d’ensemble mobilisatrice. La transition multidimensionnelle notamment énergétique vers le Développement humain durable qui lui permettra de sortir par le haut Dans ce cadre, le développement du Sud, notamment le Barrage vert, la mise en place de centrales solaires pour donner corps au plan dés énergies renouvelables, permettra de déconcentrer le Nord vers le Sud. L’apport de l’expertise chinoise adossée à un prêt dans le cadre de l’aide chinoise à l’Afrique permettra de donner une perspective réelle de développement au pays.
Par lexpressiondz.com