59% des femmes algériennes, âgées entre 15 et 49 ans estiment qu’un mari a « le droit de frapper ou de battre » son épouse pour diverses causes, selon une enquête par grappes à indicateurs multiples (Multiple Indicator Cluster Survey – MICS), réalisée en Algérie en 2012-2013 par le Ministère de la Santé, en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA).
Cette enquête, qui concernait 41.184 femmes éligibles, a pu récolter les réponses de 38.548 d’entre elles, résidentes au Nord (Centre, Est et Ouest), dans les Hauts Plateaux et au Sud du pays. Les enquêteurs expliquent leur démarche par leur volonté d’ »avoir une indication des croyances culturelles qui tendent à être associées à la prévalence de la violence des maris contre leurs femmes », explique le même document.
Une plus grande justification du phénomène a été constatée dans la zone rurale (66%), par rapport à la zone urbaine (55%), révèle le rapport MICS 4. Les femmes actuellement mariées ou l’ayant été par le passé sont plus nombreuses à justifier cette pratique, en comparaison aux femmes célibataires (56%).
Autre nuance soulignée par le MICS 4, la justification du phénomène est beaucoup plus présente chez les femmes âgées de 45 à 49 ans (64%), et touche moins celles âgées de 15 à 19 ans (55%).
Cette enquête a rajouté que les femmes algériennes ayant un niveau supérieur et celles vivant des les ménages les plus riches ne justifient pas la violence du mari à l’égard de son épouse, à hauteur de 41% et 48% respectivement. Au contraire, selon ce même document, les femmes sans niveau d’instruction, ou vivant dans les ménages les plus pauvres, justifient cette violence à hauteur de 76% et 70% respectivement.
48% des femmes justifient la violence du mari à l’égard de son épouse dans le cas où cette dernière manque de respect aux parents de son époux. D’autres estiment que le comportement du mari est légitime quand son épouse affiche son autonomie (46%), argumente avec lui (26%) ou « néglige les enfants » (37%).
Le document révèle que 25.7% justifient même la violence à l’égard des épouses quand celles-ci … brûlent la nourriture. 7.1% des femmes interrogées estiment aussi que le mari a le droit de frapper son épouse si elle refuse … « de lui donner son salaire ».
Les Hauts Plateaux plus enclin à la polygamie
Abordant également le mariage précoce et la polygamie, le MICS 4 indique que le mariage moins de 15 ans concerne 1% du total des femmes en âge de procréation âgées de 15-49 et 1% du total des femmes âgées de 20-49 ans ans. « Ce qui explique que le mariage précoce augmente en avançant dans les tranches d’âges des femmes », a rajouté le rapport.
En Algérie, le mariage des moins de 15 ans concerne 1% du total des femmes en âge de procréation âgées de 15-49 ans et 1% du total des femmes âgées de 20-49 ans ce qui explique que le mariage précoce augmente en avançant dans les tranches d’âge des femmes.
En ce qui concerne la proportion des femmes mariées avant d’atteindre l’âge de 18 ans, elle est de 6% des femmes âgées de 20-49 ans.
Concernant la polygamie, Le MICS 4 a révélé que la proportion de femmes mariées avec des hommes polygames est estimée à 3%. Cette même proportion augmente avec l’âge, passant de 1% chez les femmes âgés de 15-19 ans à 6% chez celles âgés de 45-49 ans.
Le niveau de polygamie est plus élevé dans les Hauts Plateaux, avec une proportion de 5% à au Centre et au Sud de ces régions, et 2% à l’Est.
« Changer les mentalités »
Soumia Salhi, militante féministe, syndicaliste et ancienne présidente de l’association algérienne pour l’émancipation des femmes (AEF), avait estimé dans un entretien accordé à Radio M que « la vrai bataille » doit être menée dans la société.
Évoquant lors de cet entretien l’amendement du code pénal sur les violences faîtes aux femmes, elle avait indiqué que « la loi est en retard par rapport aux pratiques sociales ».
Une analyse visiblement incohérente avec les chiffres avancés par le Ministère de la Santé dans son MICS.
Bien que la loi algérienne relative aux violences conjugales accuse un lourd retard, selon The Guardian ou Amnesty International notamment, le changement des mentalités dans la société est de mise.
« »il faut lutter et déconstruire cette image réductrice de la femme dans la société (…) Et ce n’est qu’à travers des réformes politiques profondes et appliquées que la société pourrait s’accommoder à l’égalité la femme », avait-elle déclaré au HuffPost Algérie.
Cette enquête par grappes à indicateurs multiples produit des statistiques précises sur la situation des enfants, des femmes et des ménages au niveau national, selon les milieux de résidence urbain et rural, par espace de programmation territoriale, et selon les caractéristiques socio-démographiques et socio-économiques des membres des ménages, dans différents domaines relatifs à la santé, à l’éducation, à la protection, au VIH/SIDA et aux conditions de vie de la population.
En Algérie, l’enquête MICS4 a ciblé un échantillon de 28000 ménages répartis selon les sept espaces de programmation territoriale et fournit ainsi des statistiques représentatives de la population algérienne au niveau national et au niveau de ces territoires.