Près des deux tiers des 1.541 communes du pays sont classées « pauvres », alors que les communes « riches » ne dépassent pas les 7%, a indiqué, mercredi à Alger, un haut responsable au ministère de l’Intérieur et des collectivités locales.
Selon une classification faite par ce ministère, basée sur un ratio de richesse prenant en compte les ressources de la commune et sa population, 62% des communes (958 communes) sont classées pauvres en 2015, contre 31% (480 communes) classées moyennes et 7% (103 communes) sont considérées comme riches, a fait savoir le directeur des finances locales à la Direction générale des collectivités locales de ce ministère, Azzedine Kerri.
Ces chiffres ont été donnés lors du séminaire d’assistance technique et d’échange d’informations co-organisé par le Programme d’appui à la mise en oeuvre de l’Accord d’Association avec l’Union Européenne (P3A) et le ministère de l’Intérieur.
Selon M. Kerri, l’une des caractéristiques principales de ces communes classées comme pauvres est qu’elles sont toutes de vocation agricole ou pastorale.
En termes de population, 13% de l’ensemble des communes ont moins de 5.000 habitants, 26% comptent entre 5.000 et 10.000 habitant, 53% ont entre 10.000 et 50.000 habitants, 5% entre 50.000 et 100.000 habitants alors que 3% des communes comptent plus de 100.000 habitants.
Mais grâce à la formule de péréquation, qui est une subvention accordée par la Caisse de garantie des collectivités locales (ex. Fccl) pour couvrir les dépenses obligatoires des collectivités locales, aucune commune du pays n’est déficitaire depuis 2010, a précisé le même responsable.
Cependant, le ratio de richesse pris en considération dans ce classement est « assez limité et ne reflète pas vraiment la puissance financière de la commune », a considéré une autre cadre de ce ministère.
« Il y a des communes qui ont de très faibles ressources mais dont la population est également faible et, en fonction de ce ratio, elles ne peuvent donc prétendre à la subvention de cette caisse de garantie », explique à l’APS la sous-directrice des ressources locales au même ministère, Fatiha Guerrache, en marge de cette rencontre.
Elle précise que le décret de 2014 régissant cette caisse élargit, toutefois, les éléments de calcul de la péréquation à d’autres critères, et ce, en plus des paramètres démographiques et financiers.
Ainsi, d’autres critères tels la superficie de la commune, le volume de ses Plans communaux de développement (PCD), le taux de raccordement à l’électricité et au gaz ou encore le niveau de collecte des produits domaniaux peuvent ainsi être introduits pour le calcul du ratio, a-t-elle suggéré.
Au cours de ce séminaire, il a été mis l’accent sur l’inadéquation entre les charges des collectivités locales et les moyens dont elles disposent.
A l’origine de ce dysfonctionnement, M. Kerri évoque notamment la faiblesse des ressources humaines des collectivités et le chevauchement qui existe entre leurs missions et celles de l’Etat.
En dépit d’une « mosaïque » de 25 impôts et taxes, le rendement de la majorité des impôts profitant aux communes reste infime alors que la structure fiscale favorise fréquemment les régions industrielles ou commerciales, selon lui.
En fait, 58% des ressources communales fiscales proviennent de la seule TAP (Taxe sur l’activité professionnelle) et 35% de la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée), alors que les autres impôts ne représentent que 4% de la fiscalité locale.
Actuellement, 60 à 65% des ressources des communes sont composées de recettes fiscales locales, 20 à 30% de dotations budgétaires de l’Etat et 10% de ressources patrimoniales.
Sur 2015, les collectivités locales tablent sur près de 500 milliards DA de recettes dont près de 100 milliards de DA de moins-values fiscales lesquelles représentent des ressources prévues mais non recouvrées et qui seront compensées par la Caisse de garantie.
Afin de renforcer le niveau et la performance de ces ressources, la loi de finances complémentaires 2015 a introduit plusieurs mesures devant permettre graduellement aux communes de devenir un réel moteur de création de richesses et d’emplois, selon la tutelle.
La loi a introduit, pour la première fois, la notion de « solidarité financière » entre les communes d’une même wilaya, donnant naissance à une solidarité décentralisée.
En effet, l’article 68 de la LFC 2015 stipule que les communes disposant de ressources financières importantes peuvent accorder des subventions au profit de communes relevant de la même wilaya à travers le budget de la wilaya dont elles relèvent.
De surcroît, dès 2016, la notion de « l’orthodoxie budgétaire » sera introduite au sein de la gestion des communes de façon à ce que les collectivités épuisent d’abord toutes leurs ressources non consommées avant d’aller en demander d’autres.
La LFC 2015 a également réactualisé la valeur locative fiscale de l’impôt foncier, basé sur le zoning de 1989, pour que le prix du loyer d’un bien immobilier communal soit calculé en fonction de la nature de la zone où il se trouve.
En plus, la loi a aligné les prix des loyers des biens communaux aux prix du marché, rappelle-t-on.
La taxe d’habitation, recouvrée par Sonelgaz et destinée à la réhabilitation du parc immobilier des communes, a été étendue par la même loi à l’ensemble des communes du pays.
Ces nouvelles ressources devraient booster les finances locales et compenser le manque à gagner engendré par la réduction du taux de la TAP passé, dans le cadre de la LFC 2015, d’un taux unique de 2% à 1% pour les activités de production de biens et à 1,5% pour les activités de BTPH.
Les experts étrangers présents à cette rencontre-formation de deux jours ont présenté les expériences de leurs pays respectifs en matière de gestion des finances locales.
« En Europe, les prestations communales sont de haute qualité mais le citoyen y contribue de manière significative: pour l’enlèvement des ordures ménagères par exemple, l’Européen paie, en moyenne, 100 euros/an. Mais en cas de prestations défaillantes, il n’hésitera pas à protester et il est même remboursé », a indiqué l’expert allemand, Raymond Saller.
Pour cet autre expert polonais, Grzgorz Orawic, les communes polonaises comptent essentiellement sur les prêts bancaires dans le financement de leurs projets.