Le gouvernement avait établi un calendrier de rencontres qu’il voulait «historiques», mais que d’occasions «gaspillées».
Le projet de loi de finances 2016 a toutes les chances d’être adopté par les deux chambres du Parlement. A l’exception de quelques amendements de pure forme, le texte conduira la politique économique et financière du pays pour l’année prochaine. Cela peut être considéré comme une victoire politique de l’Exécutif qui aura réussi à maintenir un minimum de cohésion au sein de la majorité. Mais cette victoire s’en trouve tronquée par une levée de boucliers de la part de l’opposition, tout à fait inédite et particulièrement violente. Le Parti des travailleurs et l’Alliance de l’Algérie verte, pour ne citer que les plus en vue, ont déployé un lexique d’une rare virulence. Des accusations de «traîtrise» et d’«antinationalisme» ont fusé au sein de l’Assemblée populaire nationale et relayées par l’ensemble des médias nationaux. Dans cette féroce bataille politico-médiatique, le gouvernement est sorti affaibli par trop de coups encaissés. C’est cela la politique, diraient les contradicteurs de Abdelmalek Sellal et de son équipe, mais cela renforce tout de même une impression de «surplace», que l’Exécutif semble incarner, malgré un discours volontariste et une détermination affichée par le gouvernement.
Les débats violents de la loi de finances 2016 viennent confirmer une sorte d’attentisme derrière lequel s’est muré le gouvernement depuis la première cotation du baril du pétrole à moins de 60 dollars. En effet, au tout début du crash pétrolier, le Premier ministre annonçait un redéploiement tous azimuts de l’industrie algérienne, avec l’ambition de diversifier l’économie et de récupérer le manque à gagner consécutif à la chute des prix des hydrocarbures. Le gouvernement avait même établi un calendrier de rencontres qu’il voulait «historiques», les partenaires sociaux et économiques, ainsi qu’avec les experts. Deux importants rendez-vous censés donner à l’action gouvernementale une impulsion positive et créer une sorte de déclic à même de donner des signaux clairs à l’opinion nationale et à tous les partenaires étrangers du pays sur la nouvelle ère qui débute.
La réunion tripartite gouvernement-patronat-Ugta qui promettait beaucoup n’a pas secoué le «cocotier». Pour historique qu’elle devait être, la rencontre a accouché d’une souris et les trois partenaires se sont séparés sur un goût d’inachevé. En tout cas, dans les larges couches de la société, l’on n’a pas senti le fameux déclic. Le même topo a concerné l’atelier d’experts organisé par le Cnes et qui a vu la participation du Premier ministre et plusieurs membres du gouvernement. Pour une fois, disait-on, Abdelmalek Sellal a assisté personnellement aux débats des experts, jusqu’à une heure tardive de l’après-midi. Mais le sentiment général était encore au tâtonnement, au lendemain de cette rencontre. Plusieurs autres occasions «moins historiques» ont également été «gaspillées» par le gouvernement qui ne parvient pas à convaincre l’opinion nationale qu’un travail sérieux de diversification de l’économie est effectivement entamé.
Dans le tumulte d’une scène politique occupée par une opposition acharnée et prête à en découdre avec un Exécutif presque aphone sur des sujets centraux, la loi de finances complémentaire (LFP) pour 2015 est venue apporter «la preuve» que quelque chose de fondamental est en train de se produire sur la scène économique. La mise en conformité fiscale volontaire que certains n’hésitent plus à qualifier d’amnistie fiscale, se devait d’être la mesure-phare de la LFP 2015.
Pas assez bien défendue par le gouvernement, vraisemblablement mal assumée par quelques ministres qui n’ont en jamais fait référence, la bancarisation de l’argent de l’informel s’est révélée une petite opération sans incidence sur la marche de l’économie nationale. Une autre occasion de «gaspillée» et l’opinion nationale reste toujours dans le flou quant aux intention du gouvernement.
Ainsi, plus d’une année et demie après l’appel à la mobilisation, il se dégage une forte impression de «surplace», au moment où les réserves financières du pays «fuient» à vue d’oeil. En fait, si le gouvernement fait le maximum pour remettre à flot le bateau Algérie, il le fait seul. Il n’est pas allé chercher le soutien de la société.
Ou alors il le demande dans une langue incompréhensible par les Algériens moyens.