TANIA GACEM
Sans candidats, l’élection présidentielle prévue pour le 4 juillet tombe de facto, comprendre qu’elle est reportée. Car ni le Conseil constitutionnel ni le chef de l’Etat par intérim ne peuvent reporter l’élection. Le Conseil constitutionnel peut seulement constater qu’il y a absence de candidats, ce qui impliquera le report de fait. Une première dans les annales du pays.
C’est hier soir qu’a expiré le délai de dépôt des dossiers des candidatures, en vue de l’élection présidentielle du 4 juillet prochain. Vu le climat politique et social qui règne, guère favorable à ce rendez-vous décisif pour l’avenir du pays, et à quelques semaines de cette échéance rejetée par le peuple, c’est sans surprise que les candidats Belkacem Sahli, chef parti de l’Alliance nationale républicaine (ANR), et Abdelaziz Belaïd, celui du Front El Mostakbal, ont tous deux annoncé leur retrait de la course électorale, à quelques heures seulement de l’expiration du délai de dépôt des dossiers de candidatures.
Ne restaient donc, jusqu’à hier soir, que de parfaits inconnus qu’on imagine déjà mal pouvoir collecter les 60 000 signatures d’électeurs requises pour la constitution du dossier. Ainsi, tout porte à croire que le seuil minima pour organiser une élection, à savoir avoir des candidats dont les dossiers pourraient être validés par le Conseil constitutionnel, n’est même pas atteint. A cela s’ajoute également le fait qu’on ne peut organiser une élection sans électeurs, le peuple, lui, ayant déjà «voté» qu’il ne votera pas tout au long des marches des vendredis à travers le territoire national.
Au vu de ces paramètres, dont chacun est aussi important que l’autre pour la tenue de toute élection, tout porte à croire que le Conseil constitutionnel se prononcera sur l’invalidation de l’échéance présidentielle du 4 juillet 2019. Une première dans les annales du pays. Contactée hier par Reporters, Fatiha Benabbou, juriste et spécialiste en droit constitutionnel, a d’abord fait savoir qu’une élection peut se tenir même avec un seul candidat. «Si un seul candidat dépose son dossier et que celui-ci est validé par le Conseil constitutionnel, on ira alors le plus normalement du monde vers l’élection. Rien ne l’interdit, et ce, quel que soit le taux de participation, car il n’existe pas de texte qui impose un taux minimal de participation pour que le scrutin soit validé. Il est possible que le candidat soit décrédibilisé ou délégitimé, mais sera tout de même le Président élu», a-t-elle déclaré.
Dans le cas, où aucun candidat ne dépose son dossier, «l’élection présidentielle tombe d’elle-même, on dit qu’elle tombe de facto», a ajouté Mme Benabbou. Expliquant ensuite que «cette situation inédite est le résultat du report de l’élection du 28 avril, qui avait été décidé par l’ex-président de la République. Une décision d’ailleurs inconstitutionnelle et illégale qui peut nous conduire à la situation d’un vide constitutionnel qui nous attend».
Il est vrai que la première date de l’élection présidentielle, programmée pour le 28 avril, avait été reportée par l’ex-Président qui avait annulé la convocation du corps électoral. C’est, ensuite, le chef de l’Etat par intérim qui avait re-convoqué le corps électoral pour le 4 juillet, mais les développements de la situation du pays et la crise politique, qui tend à s’installer dans la durée, ne permettent pas l’organisation de la présidentielle.
«Sans candidats, l’élection présidentielle tombe de facto, donc comprendre qu’elle est reportée de facto. Car ni le Conseil constitutionnel ni le chef de l’Etat par intérim ne peuvent reporter l’élection. Le Conseil constitutionnel peut seulement proclamer qu’il n’y a pas de candidats, ce qui impliquera le report, et c’est ce qu’on appelle une situation de fait. Aucun texte ne prévoit cette situation, ni le cas où la date d’une élection est reportée deux fois», explique Fatiha Benabbou. «La Constitution ne prévoit pas non plus le cas où la période du chef de l’Etat intérimaire vient à expiration sans qu’une élection n’ait lieu, donc sans son remplacement par un président de la République ».
Ce qui mettra le pays devant un vide constitutionnel dont personne ne peut prévoir ce qu’il en sortira. Un vide constitutionnel que Fatiha Benabbou a très souvent comparé à «la boîte de Pandore».
Cependant, une autre solution pourrait être envisagée selon la constitutionaliste : «Le chef de l’Etat intérimaire doit partir juste après la supposée élection du 4 juillet, soit le 9 juillet prochain. Ce qu’il pourrait faire, en s’appuyant sur l’article 137 de la loi électorale, c’est de convoquer le corps électoral avant son départ pour qu’on ne retombe pas par la suite dans le vide constitutionnel».