L’Autorité nationale indépendante des élections a honoré son engagement de rendre publique la liste des candidats qu’elle a retenue avant de la présenter au Conseil Constitutionnel pour un avis définitif.
Elle l’a fait hier, le samedi 2 novembre, comme elle l’a promis à minuit du samedi 26 octobre dernier, heure limite du jour limite pour le dépôt des dossiers des candidats à la candidature à la magistrature suprême. L’Anie a choisi hier, c’est-à-dire le lendemain de la commémoration de la date du déclenchement de la guerre de libération nationale pour dévoiler les noms des candidats qui ont été reçus au test qu’elle leur a fait passer pour confirmer ou pas la légalité de leur dossier et particulièrement celle des 50.000 signatures individuelles qui ont parrainé chacun d’eux. Comme attendu, l’Autorité a rendu public 5 noms de candidats bien connus par le système, ses arcanes tout autant que le peuple. Chacun d’eux l’est selon son parcours au sein du pouvoir et sur la scène politique nationale. Par ordre de dépôt du dossier de candidature, le président de l’Anie, Mohamed Charfi nomme Azzedine Mihoubi, président intérimaire du RND, Abdelkader Bengrina, président de Haraket El Binaa El Watani, Abdelmadjid Tebboune, se dit candidat indépendant, Ali Benflis président de Talaïe El Houriet et Abdelaziz Belaïd président de Jabhat El Moustakbel. Quatre sur cinq sont donc des candidats partisans. Seul, Tebboune ne l’est pas. La liste arrêtée par l’Anie sera présentée au Conseil Constitutionnel pour un avis définitif. Il est attendu que les candidats recalés présentent des recours, leur dernier baroud d’honneur. Ils pourront toujours appeler à voter pour un candidat de leur choix.
La veille de cet événement politique nouveau dans sa gestion pour l’avoir été par l’Anie, l’Algérie a vibré au rythme du rappel de l’histoire qui garde dans ses registres la révolte d’un peuple sans armes contre une colonisation génocidaire du napalm. L’indépendance a été arrachée par des « damnés de la terre » convaincus de la légitimité de leur cause. C’était le vendredi dernier où des milliers d’Algériens sont sortis dans les rues du territoire national pour commémorer l’instant où la première balle a été tirée pour le recouvrement de cette indépendance très cher payée.
«Min ajlika ya watani» et «Min jibalina» en chœur
Emblème national en main, les manifestants criaient «nous voulons l’indépendance ». Celle-là n’a rien à voir avec la première qui a coûté 1,5 million de chouhadas. Ce Premier Novembre 2019 se voulait insurrectionnel par ceux qui refusent, disent-ils, l’organisation des élections présidentielles du 12 décembre prochain par un pouvoir décrié depuis de longues années. Les réseaux sociaux se sont enflammés depuis plusieurs jours pour appeler à une véritable insurrection contre le pouvoir en place. Mais de l’avis de tout le monde, l’instant a été plutôt un grand moment de liesse d’un «hirak» qui s’est élargi aux nombreux Algériens qui chantaient en chœur « Min ajlika ya ouatani », « Min jibalina » et qui se sont tous tus dès que l’hymne national a retenti. Comme si ce 1er Novembre est venu pour appeler au resserrement des rangs d’un peuple dont une partie prête le flanc depuis quelques mois à des manipulations dangereuses. Si ces dernières n’ont pas réussi à pousser les Algériens à l’affrontement, c’est que les esprits demeurent vigilants et le peuple refuse la violence pour l’avoir vécu pendant plus d’un siècle sous le joug colonial et durant les années 90 sous les affres du terrorisme. L’histoire est revenue pour qu’il constate qu’il est véritablement indépendant. Révolu le temps où les marches citoyennes étaient interdites à Alger. Les Algériens manifestent pratiquement tous les jours et même que chaque corporation a choisi « son jour » pour le faire. Des grèves sectorielles cycliques se tiennent tout au long de la semaine. Les Algériens se sont véritablement affranchis de toute dépendance régressive de leurs droits légitimes.
Au milieu de ses foules joyeuses sorties le vendredi et le soir du jeudi dernier pour commémorer le 1er jour de la révolution, il y en a qui ont (re) sorti leurs pancartes pour dire « non aux élections » et réclamer le « départ immédiat des deux B » et la « libération des détenus politiques ».
Le général de corps d’armée, vice-ministre de la Défense et chef d’état-major de l’ANP n’a pas lésiné sur les mots pour refuser encore et toujours ce qu’ils demandent depuis plusieurs mois. « Le Haut Commandement a affirmé et affirme en toute franchise, à travers ses interventions et ses discours, que les positions de l’Armée demeurent constantes et irrévocables », a-t-il dit le mercredi dernier dans un discours qu’il a prononcé au cours de sa visite des forces aériennes de défense du territoire national. Ahmed Gaïd Salah menace : «nous mettons en garde aujourd’hui quiconque tente de perturber et troubler la sérénité de cette importante échéance».
Campagne électorale du 20 novembre au 9 décembre
La justice, a-t-il dit encore, « leur fera face à travers la stricte application de la loi ». Allusion faite aux 19 personnalités nationales qui ont appelé récemment au report des élections et à l’ouverture d’un dialogue national, il a fustigé les « quelques personnes (qui) se sont manifestées pour entraver tous les efforts nationalistes sincères consentis. Ces personnes qui prétendent être d’une grande culture et qui font des communiqués leur moyen idéal pour perturber cette noble démarche nationaliste, en tentant d’induire le peuple algérien en erreur et en abusant de conseils, en omettant qu’ils avaient occupé dans le passé de hautes responsabilités dans l’Etat, et qu’ils faisaient partie intégrante de l’ancien système ». Ces personnes, estime-t-il, « qui ont raté le train et qui font désormais partie du passé, vivent dans des tours d’ivoire et n’ont aucune idée de la réalité de ce qui se passe dans le pays, ni des sentiments des Algériens à travers le territoire national, ou de leurs espoirs et ambitions pour un avenir meilleur ». Le général de corps d’armée juge alors « leurs propositions stériles et mort-nées, à l’image de leurs revendications de libérer ceux qui ont porté atteinte à l’emblème national ». Il confirme son rejet de ce que « le hirak » qualifie de « mesures d’apaisement » en indiquant que « ce sont des propositions rejetées dans la forme et dans le fond, car le drapeau national est le symbole de la souveraineté nationale, des sacrifices des millions de valeureux chouhadas et de la souveraineté de tout le peuple algérien, qui n’acceptera jamais que l’on porte atteinte à l’emblème national ».
Il a averti que « la justice se chargera des affaires de ces derniers, puisqu’elle est également l’un des symboles phares de l’Etat de droit, et jouit à présent de toute l’indépendance requise et exerce sans pressions ni diktats ». Gaïd Salah semble s’accrocher à un verdict qu’il veut sans appel pour rejeter toutes les revendications du « hirak » qui restent en suspens. La campagne électorale qui débutera le 20 novembre et se terminera le 9 décembre, sera cette autre halte où des esprits chauvins vont s’échauffer pour brandir encore leur « non aux élections présidentielles ». L’on s’attend à ce que des rixes se déclarent ici et là à travers le territoire national pour chahuter les candidats en campagne. Mais Gaïd Salah a déjà prévenu que « des instructions fermes ont été données à l’ensemble des services de sécurité pour assurer le bon déroulement du processus électoral ». En cas de dérapages, l’on s’attend à ce que l’armée se mette en position pour dissuader les plus téméraires des opposants à son Haut Commandement.
Ghania Oukazi