La presse spécialisée algérienne peine à trouver sa voie. Depuis l’émergence du pluralisme médiatique, les expériences de création de journaux spécialisés tout au long de ces vingt dernières années se sont multipliées. On ne se contente plus de suppléments insérés dans les journaux.
Les femmes, les jeunes ou des catégories encore plus réduites comme les amoureux de voyages ou de la mer possèdent désormais des magazines Cela ne va pas sans des contraintes.
L’histoire est véridique. Un journaliste algérien, de passage à Bruxelles, et interrogé par un confrère de ce pays, a pris la mesure de l’étendue de la spécialisation devenue une marque de la presse contemporaine. L’Algérien se présentant comme un spécialiste en économie, vaste sujet s’il en est, s’est vite rendu compte de sa méprise. Son interlocuteur s’occupait seulement de l’actualité de la bourse. Mieux, son intérêt se porte exclusivement sur les « matériaux non ferreux ».
Aujourd’hui, il est de bon ton et utile pour un journaliste de concentrer son attention sur un sujet bien délimité. La masse des informations déversées par des sources de plus en plus diverses et variées conduit à cette quasi obligation d’accorder son attention à un seul sujet. C’est une des conditions d’un travail bien fait. Suivre un unique dossier permet de tisser des relations, de côtoyer tous ceux qui gravitent et s’occupent du sujet. Beaucoup de nos confrères se plaignent de « papillonner », passant de l’écriture d’un article sur la crise la grève de la SNTF aux problèmes internes du FLN.
Le cloisonnement des rubriques ne suffit plus. Dans la culturelle, on ne peut indéfiniment traiter de peinture, de théâtre et de chanson. Et dans l’internationale, on ne peut passer du traitement de la crise du Proche-Orient à celle de la Somalie. Certes, d’aucuns prétendent que le journaliste est celui qui connaît un peu de tout sans rien vraiment connaître avec profondeur.
La polyvalence s’appuyait aussi sur un système de formation performant où la culture générale dispensait de recyclage. La mutation de la presse, qui n’est plus réduite à la fonction d’informer le large public sur les événements politiques ou sportifs, a cédé du terrain à un éventail d’attentes. Aujourd’hui, l’apparition de publics catégoriels a fait éclater la figure du lecteur informé. On ne s’adresse plus à M Tout le monde mais à des lectorats ciblés. Même une rubrique classique comme le sport connaît des sous rubriques qui requièrent de plus en plus de spécialistes.
On peut être incollable sur le football mais ignorer tout du basket ou du tennis. De même la télévision qui était un phénomène marginal en prenant de l’ampleur nécessite un traitement de journalistes à qui on confie le suivi permanent de l’actualité de ce media et de ses stars. Dans nos journaux, la spécialisation se fraye son chemin.
La vie parlementaire commence aussi à avoir à défaut de spécialistes, des habitués de l’hémicycle. D’ailleurs l’APN avait organisé au printemps 2008 un stage de formation pour familiariser les journalistes avec les rouages de cette institution. La spécialisation s’offre de plus en plus comme une voie de salut pour des titres, dont l’une des caractéristiques les plus rebutantes est de se ressembler.
Réalisé par Rachid Hammoudi