C’est la bronca chez des éditeurs et écrivains algériens après l’attribution du prix Assia Djebar du roman: ils fustigent une organisation et une communication défaillantes, et contestent la manière dont les lauréats ont été choisis.
La première édition de ce prix, décernée en marge du 20e SILA à Abdelwahab Aissaoui, Rachid Boukherroub et Amine Aït El Hadi, a suscité la déception de certains éditeurs et auteurs algériens. Tout en félicitant les trois lauréats, ils regrettent la précipitation des organisateurs, blâmés pour leur communication défaillante.
Karim Chikh est co-directeur des éditions APIC, qui ont concouru avec les romans de Youcef Tounsi « Face au silence des eaux » et Kader Ferchiche, « Absolue canicule ».
Il estime, dans une déclaration au HuffPost Algérie, que les organisateurs de cette distinction « ont clairement failli » dans leur mission. Il a également pointé du doigt la négligence envers les auteurs algériens lors de la cérémonie de remise de prix, tenue mercredi 04 novembre.
« Ce concours a été goupillé dans la précipitation, en trois mois … « , fait d’emblée remarquer Karim Chikh. « Il aurait déjà fallu annoncer, dès octobre, la première présélection et les auteurs retenus. D’ailleurs, nous aurions aimé les connaître durant le SILA, non pas lors de la remise des prix ! Cela aurait aussi boosté leurs ventes, et tel est finalement le but de ce genre de concours « , a-t-il martelé.
Mise à l’écart
Cet éditeur a aussi fait remarquer la négligence dont ont fait preuve les organisateurs envers les auteurs algériens lors de la cérémonie de remise de prix, à laquelle ont assisté de nombreux ministres.
« Il devait au moins y avoir un hommage aux écrivains algériens à l’occasion du 20e SILA. Ils auraient du être honorés avant la clôture de la cérémonie avec la remise du prix Assia Djebar » du roman. Malheureusement, « il n’en était rien », regrette-t-il.
L’écrivaine Leïla Hammoutène, lauréate de la 3e édition du prix « Escale Littéraire d’Alger » pour son roman « Le châle de Zeineb », est du même avis que M. Chikh. Déçue par la cérémonie, où « les écrivains étaient mis à l’écart par « une foule de personnalités officielles », l’auteure a déploré à son tour la précipitation des organisateurs dans la désignation des lauréats.
« Dans tous les prix littéraires, les jurys procèdent par des sélections. De cette manière, nous, écrivains, savons ce qui se passe et apprenons davantage sur les candidats », estime-t-elle. Dans le cas de ce prix, « ils [les organisateurs] se sont lancés avec plus de 70 œuvres et se sont retrouvés, tout d’un coup, avec trois lauréats, qui n’ont même pas été présentés », a-t-elle fustigé.
« Mais il a gagné contre qui ? Nous ne connaissons pas les autres candidats. Nous avons aucune information sur les auteurs sélectionnés ni d’où est sorti le lauréat car il n’y a pas eu de présélections », a-t-elle dit.
Maya Ouabadi a notamment été surprise d’apprendre l’évincement de la candidate Maïssa Bey, sans aucune notification ou explication de la part des éditeurs. « Nous avons finalement appris [par hasard, quelques heures avant la cérémonie de remise des prix] que Maïssa Bey a été éliminée sous prétexte que son livre a déjà été édité en France, ce qui est faux. “Hizya” a été édité chez Barzakh en juin », affirme-t-elle.
Regrets
Des lacunes d’une importance secondaire pour Leïla Aslaoui-Hemmadi, auteur du roman « Chuchotements », paru aux éditions Dalimen. Cette écrivaine a surtout estimé que ce prestigieux prix ne devait pas être organisé par des éditeurs, qu’elle a tout de même remercié.
Tout comme Karim Chikh, qui « espère que ce concours sera mieux réfléchi les prochaines éditions », l’écrivaine dit « terriblement regretter » que « cette prestigieuse distinction Assia Djebar ne soit pas organisée par une fondation ou une association digne de la dimension de cette grande dame ».
Elle a par la même occasion révélé avoir « tant souhaité que cette femme de lettres complète soit honorée de son vivant ».
Quant au déroulement de ce concours, Mme. Aslaoui-Hemmadi se montre « indulgente », estimant que des « perfections seront apportées lors des prochaines éditions ». C’est du moins, rappelons-le, ce que promettait le ministre de la Culture Azzedine Mihoubi lors de la cérémonie de remise des prix.