En raison de la guerre en Ukraine, de la politique « zéro covid » en Chine et d’une offre qui peine à répondre à la demande mondiale, les acteurs du marché pétrolier prévoient une hausse des cours ; cours qui, ces derniers jours, franchissent la barre des 120 dollars.
Jeremy Weir, PDG de Trafigura, négociant majeur de matières premières dans le monde, va jusqu’à dire que le prix du baril de pétrole brut va dépasser les 150 dollars dans les six prochains mois. Soit un niveau supérieur au record de juillet 2008 où le prix du baril a flirté avec les 148 dollars !
Le baril de pétrole à plus de 150 dollars prochainement ?
Un tel niveau constituerait une hausse de plus de 20 % par rapport au cours actuel. En effet, le Brent et le WTI évoluent aujourd’hui aux alentours de 120 dollars US, tandis que le brut algérien, le Sahara Blend a atteint, le vendredi 10 juin, 128,68 dollars US.
L’Organisation des pays exportateurs de pétrole et de ses alliés (OPEP+) a décidé jeudi d’augmenter ses quotas de production. Cette démarche vise un retour au niveau de production d’octobre 2018, soit avant les coupes engendrées par la crise sanitaire du covid-19. Cette augmentation, estime Carsten Fritsch, analyste chez Commerzbank, ne devrait cependant pas induire une « différence notable » sur les cours. « Les barils supplémentaires que va fournir par l’OPEP+ sont bien moins importants que la perte de pétrole brut et de produits russes », précise, à son tour, Tamas Varga, analyste chez PVM Energy. « En d’autres termes, il est peu probable que l’équilibre pétrolier mondial s’améliore » », conclut-il.
Un embargo européen sur le pétrole russe
Au cours d’un sommet qui s’est tenu lundi à Bruxelles, les chefs d’État et de gouvernement des 27 pays de l’UE ont trouvé un accord qui devrait aboutir à réduire de 90 % leurs importations de pétrole russe d’ici la fin de l’année. Cette mesure, qui prétend à tarir le financement de la guerre contre l’Ukraine, est susceptible de provoquer une nouvelle hausse des cours dans les prochains mois. L’accord prévoit un arrêt progressif des importations de pétrole russe transporté par bateau, soit les 2/3 des achats européens.
Selon les dernières données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’Europe (le Royaume-Uni y compris) devrait consommer 13,5 millions de barils de pétrole brut par jour en 2022 (13,6 % de la demande mondiale). Quant à l’offre russe, elle s’élève, au premier trimestre 2022, à 12,6 mbj (12,8 % de l’offre mondiale). La Russie représente ainsi le deuxième plus grand pays exportateur de pétrole et l’Europe demeure son premier client.
L’AIE estime que l’embargo européen va « accélèrera la réorientation des flux commerciaux déjà en cours et obligera les compagnies pétrolières russes à fermer davantage de puits ». L’agence prévoit « une hausse constante de la production (hors Russie), qui associée à une croissance plus lente de la demande, en particulier en Chine (encore soumises à des mesures de confinements), permettront de parer à un déficit important de l’offre à court terme ».
Vers la création d’une organisation des pays importateurs de pétrole (OPIP)
Dans un autre registre, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont lancé des discussions préliminaires dans le but d’instituer, à terme, leur propre organisation des pays importateurs de pétrole.
Bien qu’en économie, un cartel se forme habituellement à partir de l’offre et non de la demande, la ministre américaine des Finances, Janet Yellen, évoque des pourparlers « extrêmement actifs » qui visent à constituer un « cartel » de consommateurs de pétrole entre Washington et les autres pays occidentaux.
Cette sorte d’« OPIP » veut pousser, par injonction, l’OPEP à ajuster sa production en fonction des « inquiétudes de pays consommateurs ». L’experte égyptienne chez Energy Intelligence, Amena Bakr, sourit d’une telle conception qui relève, selon elle, d’une « profonde incompréhension de la part de certains responsables occidentaux ».
En outre, le chercheur américain Gregory Brew, de l’université Yale, rappelle que l’OPEP ne disposerait au mieux que de 2 millions de barils-jour de réserve, donc bien loin de couvrir l’offre russe dont entendent se passer les Occidentaux.