Problèmes triviaux d’une société parfaite

Problèmes triviaux d’une société parfaite

Dix-huit migrants sont morts et cinquante autres ont été blessés dans l’ncendie de leur lieu d’hébergement à Ouargla. La tragédie vient nous rappeler que nous refusons d’affronter une question qui nous interpelle depuis quelques années maintenant. Même s’il semble que l’opération a été rendue difficile par la nature du local et sans préjuger des responsabilités liées au conditions d’hébergement des victimes de l’incendie, l’accident d’Ouargla nous replace devant notre responsabilité de société d’accueil.

Fidèle à notre culture communautariste, nous nous efforçons d’être solidaires avec nos “frères” syriens, mais nous nous sentons moins interpellés par le sort de nos “lointains” voisins du Sud, damnés du désert, réduits par la misère à l’errance aux portes de nos villes. Et, paradoxe, notre indifférence envers nos propres “réfugiés” n’a d’égale que notre vigilance quant à l’accueil que l’Europe réserve à “ses” migrants, pourtant souvent les mêmes migrants !



L’indifférence est une forme pernicieuse de l’intolérance. C’est une manière d’affliger l’autre sans avoir à l’agresser formellement. Et notre pouvoir, en la matière, en accord avec sa société, se retrouve souvent dans cette situation d’infraction par omission. Sur la question des migrants subsahariens, tout se passe comme si elle n’existait pas et qu’elle n’appelait pas une réponse formelle. Alors, les autorités locales et les citoyens généreux font ce qu’ils peuvent.

C’est ainsi : nous fuyons tous les sujets qui viennent troubler la parfaite harmonie d’une société homogène, cristalline, sans aspérité morale ou identitaire. Nous les fuyons en les niant et en imposant par la dictature du discours magique l’image de la société mythique. Nous sommes tous de bons musulmans arabes, amazighs parfois et, par commodité politique, pacifistes, généreux, pieux, braves, etc. Et dans cette communauté immaculée, sans travers aucun, il n’y a pas de singularités. La chaîne Beur TV vient de l’apprendre à ses dépens. L’on aurait pu penser que c’est un traitement irrévérencieux des homosexuels algériens qui a fait réagir l’autorité de supervision de l’audiovisuel. Que non ! C’est l’évocation même de l’homosexualité comme réalité sociale qui est en cause. “Ces pratiques condamnables et attentatoires à notre société ne doivent plus se reproduire”, déclare l’Arav. Autrement dit, les médias sont sommés de se conformer, sur ce sujet comme sur d’autres, au déni de réalité conforme à la vision magique de la société que nos autorités politiques et morales veulent imposer. Il en va ainsi de notre “légendaire” hospitalité, bien mise à mal par notre attitude face à l’immigration du Sud.

Le mythe a la vie dure s’il n’est pas, parfois, dénoncé par de tragiques événements.

M. H