Procès Khalifa : « 23 milliards déposés dans les coffres de la Banque centrale »

Procès Khalifa : « 23 milliards déposés dans les coffres de la Banque centrale »

L’un des accusés, El Aichar Rachid, a déclaré ouvertement en direction du juge Antar Menouar : « Lorsque on s’est présenté à la banque pour renouveler le contrat de dépôt de fonds à la caisse principale de Khalifa Bank en mars 2003, des responsables de la banque nous ont affirmé que le marché monétaire de la banque centrale d’Algérie était en bonne santé pour la simple raison qu’il était alimenté de pas moins de 23 milliards de dinars ! ».

Le 11e Jour du procès des accusés impliqués dans le scandale de la caisse principale de Khalifa Bank s’est poursuivi hier par le président du tribunal criminel de Blida, Antar Menouar, qui a procédé aux auditions de plusieurs accusés dans des natures correctionnelles.

Ces derniers sont poursuivis pour différents chefs d’inculpation qui ressemblaient beaucoup à ceux pour lesquels ont comparu d’ex-cadres et ex-fonctionnaires avant-hier samedi. Parmi les accusations retenues contre eux figurent entre autres le trafic d’influence, utilisation de la profession à des fins personnelles et la corruption.

Le premier accusé non détenu invité à se rapprocher du pupitre est Smati Bahidj Farid, qui occupait le poste de président-directeur général de la Société nationale d’approvisionnement en équipements, a reconnu tous les faits reprochés au cours de l’instruction judiciaire.

Il a affirmé que l’entreprise qu’il gérait avait entre 1998 et 2004 déposé pas moins de 100.200.000.00 DA de fonds au niveau des deux agences de la caisse principale de Khalifa Bank, à El Harrach et aux abattoirs d’Hussein Dey, à plusieurs reprises.

100 millions de dépôt contre 100 millions de crédit

Il a indiqué qu’il avait, effectivement bénéficié d’une carte du centre de thalassothérapie à Sidi Fredj qu’il avait utilisée à maintes reprises, tout en précisant que cette dernière lui avait permis de suivre des séances de soins à l’aide de l’eau de mer et d’entrer dans la salle de sports qui s’y trouve.

Appelé pour répondre aux griefs retenus contre lui au cours de l’instruction judiciaire, l’ancien président-directeur général de l’usine des boissons alcoolisées et non alcoolisées d’El Harrach, Bourahla Hamid a tenu à souligner que l’entreprise qu’il représentait avait, entre 2001 et 2002, déposé 100 millions de dinars et en contrepartie, ils avaient bénéficié d’un crédit bancaire de 100 millions de dinars qui s’étalait sur une année.

Cet ancien cadre a par ailleurs précisé que : « les revenus des bénéfices enregistrés suite aux dépôts de fonds à la caisse principale de Khalifa Bank, étaient de l’ordre de 34% ! ».

Interrogé, Si Ammour Said, l’ancien président-directeur général de la Société nationale de distribution des médicaments sise à Ben Aknoun, a nié au cours de son passage à la barre tous les faits, reprochés notamment en ce qui concerne le dépôt de fonds à la caisse principale de l’ex-golden boy.

Il a déclaré que l’entreprise n’avait pas procédé aux dépôts à la banque dissoute par contre, elle possédait des comptes courants appartenant à la direction générale et 9 autres comptes des différentes unités implantées à travers le territoire national.

Il a accusé avait en outre précisé qu’au lendemain de la dissolution, l’entreprise n’avait pas pu récupérer 3 373 387 03 de dinars et 35 197 656 28 de dinars. Il a par contre reconnu avoir bénéficié d’une carte du centre de thalassothérapie de Sidi Fredj et qu’il ne s’y est rendu qu’une seule fois à l’occasion d’une festivité.

Telisafi, l’ancien secrétaire général du ministère du Commerce qui avait été ensuite nommé directeur d’une agence, a nié toutes les accusations retenues à son encontre, que ce soit au cours de l’enquête préliminaire ou de l’instruction judiciaire en déclarant en direction du juge Menouar : « Je n’ai rien à voir dans les dépôts de fonds, l’agence avait déposé des sommes faramineuses sur décision émanant du P-DG de surcroît mon prédécesseur et son adjoint Mohamed Meziani. Les comptes courants étaient alimentés de 949 491 000 00 DA ; et 340 743 000 00 DA en contrepartie, la société a bénéficié de pas moins de 20 micro-portables lesquels ont été remis au liquidateur de la banque Khalifa.

A la question de savoir s’il avait financé le colloque organisé à l’hôtel El Aurassi sous le patronage du ministère de la Solidarité nationale en 2002 : « Non ! Non ! Ce n’est pas moi qui l’ai financé monsieur le président ! » Il a par ailleurs nié avoir bénéficié d’une carte de soins au centre de thalassothérapie de Sidi Fredj et au même temps, il a rejeté l’accusation qui dit que son fils a bénéficié d’un stage à Khalifa Airways.

Il a enfin sollicité du président Antar Menouar de donner des directives aux journalistes de la presse écrite et de l’audiovisuel afin de ne pas citer son nom car cela pourrait porter un préjudice moral à sa personne, d’autant plus qu’il a occupé des postes de responsabilité notamment au ministère du Commerce en qualité de SG !

Voyages à Annaba et Marseille

Auditionné, l’ancien directeur des finances de la Caisse nationale des assurances sur le chômage, El Aichar Rachid, a d’emblée nié tous les griefs. Il devait déclarer qu’il avait occupé ce poste de 1997 à 2003. Il a précisé que la caisse avait déposé 192 millions de dinars à l’agence d’Alger-centre et 803 millions de dinars à l’agence d’El Harrach. Le mis en cause a tenu à préciser au juge d’audience qu’il a négocié avec l’adjoint de Khalifa

Abdelmoumene, Karim Smail, qui l’a chargé d’une mission auprès de l’ex-directeur de la caisse Ait Mahrez. Le prévenu a par ailleurs reconnu avoir bénéficié de billets d’avion sur les lignes intérieures et extérieures de Khalifa Airways dont plusieurs voyages à Annaba en compagnie de ses enfants et un voyage à Marseille pour lui seul.

A la question de savoir s’il avait bénéficié d’une carte de soins au centre de thalassothérapie, le prévenu a répondu par la négative : « Je n’avais pas besoin de cette carte pour la simple raison que je possédais une carte depuis des années. Je suis un curiste de longue date ! ». Dans le même contexte, l’accusé a déclaré : « Azziz Djamel m’a proposé effectivement de prendre une carte mais j’ai refusé car tout le monde me connaissait au centre ! ».

L’ancien président du conseil d’administration de la mutuelle de la Sûreté nationale, Belarbi Salah Hamdane, a nié tout au long de son audition les faits qui lui ont été reprochés, notamment par le juge d’instruction, en déclarant au président du tribunal criminel : « Les 257 279 121 91 dinars de fonds déposés à l’agence de Chéraga ont été transférés vers l’agence des Abattoirs d’Hussein Dey sur décision de tous les membres du conseil d’administration ». Il a par ailleurs affirmé « avoir bénéficié de billets gratuits de Khalifa Airways étant président du service de santé et des activités sociales.

Il a tenu à préciser que pas moins de 20 cadres qui exerçaient à la DGSN avaient bénéficié en 2001, au même titre que lui, de ces avantages, c’est-à-dire de billets de voyage gratuits !.

A cet instant, le président se retourne vers Khalifa Abdelmoumene et lui pose la question : « Qu’est-ce que vous pensez de ces déclarations ? » « Ils n’ont pas bénéficié d’avantages mais plutôt de réductions ! ». Le principal accusé a passé tout son temps lors des trois derniers jours à dormir dans le box des accusés.

Des billets à moitié prix sur Khalifa Airways

L’ancien cadre de la mutuelle de la police algérienne a par ailleurs souligné que « les membres du conseil d’administration de la mutuelle ont accepté de prendre comme moyen de transport Khalifa Airways car ils ont estimé que les réductions qui leur ont été proposées étaient plus importantes. Ces dernières étaient de l’ordre de 30 à 50% chez Khalifa Airways alors que chez Air Algérie, elles ne dépassaient pas 25% ».

Le même cadre qui occupait le poste de contrôleur général de la police du centre du pays a clamé haut et fort : « Je ne salirai pas mon image pour un billet d’avion ! Ma personnalité ne me permet pas d’user de mon poste ! ». Il convient de signaler que tous les accusés qui se sont succédé à la barre hier avaient été acquittés lors de leur premier jugement qui s’est tenu au même tribunal autrement composé en janvier 2007.

Les ex-cadres et ex-fonctionnaires qui se sont succédé aux auditions ont nié toutes les accusations portées contre eux. Ils étaient unanimes à déclarer au président en charge du dossier qu’ils avaient été humiliés lors de leur premier jugement que présidait Mme Fatiha Brahimi nommée tout récemment en qualité de conseillère à la chambre criminelle de la Cour suprême. La plupart des mis en cause ont estimé que l’environnement du procès d’aujourd’hui est meilleur que celui de 2007.

Par ailleurs, contrairement aux audiences précédentes, les avocats constitués pour les inculpés poursuivis en matière criminelle, les accusés en matière correctionnelle et délictuelle et les parties civiles n’ont pas posé trop de questions et se sont contentés de suivre les débats et de les commenter de temps en temps. Il est à rappeler enfin que les débats ont été suspendus jusqu’à ce matin. La journée d’aujourd’hui sera également consacrée aux auditions des autres accusés.

Elles prendront fin ce mercredi et dès jeudi prochain, le juge procédera à l’écoute des témoins clés dans cette affaire dont d’ex-cadres et ex-fonctionnaires d’institutions officielles de l’Etat et de ministres.