Le procureur général a entamé, dimanche, son réquisitoire dans l’affaire de l’ex-golden boy et des 68 autres accusés impliqués dans le scandale financier ayant secoué l’Algérie au début des années 2000, poursuivis pour plusieurs chefs d’inculpation, entre autres association de malfaiteurs, dilapidation de deniers, faux et usage de faux dans des documents administratifs, comptables et bancaires, abus de confiance et escroquerie.
Dans son réquisitoire le procureur général Zerg El Ras Mohamed a affirmé : « Nous sommes devant une affaire d’une banque frauduleuse qui a été créée pour voler ses clients et non pas pour apporter un plus à l’investissement du pays ! ». Il a indiqué que « Le parquet général de la cour de Blida a décidé de poursuivre certains en matière criminelle, lesquels ont été placés en détention provisoire, d’autres en matière correctionnelle, lesquels ont bénéficié de liberté provisoire ».
Zerg El Ras a souligné que lors des débats qui ont duré plus d’un mois Akli Youcef, l’un des accusés, a déclaré que « Rafik Abdelmoumene Khalifa accaparaît en 1999 de sommes importantes en milliards dans des sacs scellés en chargeant des boucs émissaires de les transporter vers des endroits inconnus ! ».
Il a par ailleurs attesté que « Rafik Abdelmoumene Khalifa, Guelimi Djamel et Issir Idir sont les noyaux de cette association de malfaiteurs qui ont causé d’énormes préjudices, notamment financiers, non seulement aux petits déposants, mais aussi au Trésor public ». Le procureur général a estimé que « Khalifa Abdelmoumene Rafik avait toutes les possibilités pour réussir, pour la simple raison qu’il était le seul qui était autorisé à produire des médicaments, dans les moments pénibles que traversait le pays ».
Il a indiqué à la direction de Khalifa Abdelmoumene Rafik, qui n’a pas cessé tout au long du réquisitoire de jeter des regards évasifs : « Tu n’as rien à voir avec le célèbre poète Mohamed Laid Al Khalifa qui a sacrifié sa vie au service de l’association des savants algériens et vous, vous avez passé tout votre temps dans des nuits rouges et dans des hôtels de luxe en distribuant des sommes colossales en dinars et en devises à des artistes femmes et hommes ! ».
Le procureur ajoute : « Le principal inculpé dans cette affaire, qui a été remis par les autorités britanniques a accaparé et déboursé pas moins de 5 milliards de dinars collectés lors du Téléthon de Bab El Oued. Ces sommes devaient être remises aux familles touchées par les intempéries du 21 novembre 2001 ».
Le procureur a tenu à préciser que « Les factures des dépenses par Khalifa et ses complices à l’hôtel Sheraton s’élevaient à 430 millions de dinars, soit 43 milliards de centimes et 15 millions de dinars, soit 1,5 milliard de centimes, ont été déboursés à l’hôtel Sofitel ! ». Zerg El Ras Mohamed a dit que « Khalifa Abdelmoumene Rafik a préféré prendre la fuite au lieu d’accepter la confrontation.
Il ne s’est livré de son propre gré aux autorités judiciaires algériennes mais il a été arrêté puis remis par les services britanniques, dans le cadre d’une entraide judiciaire ! ». Le représentant du parquet a tenu à préciser que « pas moins de 385 000 dollars ont été transférés vers une banque de Santa Monica aux Etats-Unies pour la réalisation d’un film documentaire sur l’empire Khalifa.
Sauf que le projet en question n’a pas vu le jour, mais le fonds destiné pour le projet est parti en fumée ! ». Il n’a pas manqué de faire remarquer que « Abdelmoumene Khalifa a causé une hémorragie au sein des sociétés nationales notamment à Air Algérie, qui a subi une concurrence déloyale de la part de Khalifa Airways qui a accaparé de manière illégale des cadres et fonctionnaires de la plus ancienne compagnie ! ».
Selon le même procureur : « Les cadres dirigeants des différentes agences bancaires qui ont servi de manière illégale l’ex-boss de KhalIfa Bank à l’image de Mir Ammar, Kechad Belaid, Toudjane Mouloud, Chachoua Badr Eddine et Ighil Meziane, sont pénalement responsables des faits qui leur sont reprochés, notamment en ce qui concerne négligences manifestes ayant conduit aux pertes de sommes d’argent considérables ! ».
Il a estimé que toutes les preuves légales et matérielles relatives aux accusations sont formelles, notamment en ce qui concerne l’intention criminelle de tous les accusés pour détourner et transférer des sommes faramineuses vers l’étranger.
Le représentant du ministère public a enfin affirmé que « Guellimi Djamel a créé deux sociétés fictives, Frigoris, et Unidis, et ce après avoir transféré respectivement 12,5 milliards et 29 milliards des fonds de la caisse principale de Chéraga ! »
« Un trou financier de 3 milliards de dollars »
« La banque Khalifa était gérée de façon anarchique. On ne dispose pas d’une banque avec des petites feuilles signées par son premier responsable qui donnait l’ordre à ses auxiliaires de faire sortir des sommes faramineuses.
Abdelmoumene Khalifa donnait également des directives et orientations aux différents responsables des agences pour transférer des sommes colossales à l’étranger, sur appels téléphoniques », C’est ce qui ressort en effet de l’intervention de Me Meziane Ali devant le président Antar Menouar, au 29e jour du procès de Abdelmoumene Rafik Khalifa et de ses 68 complices.
Me Meziane Ali, qui a plaidé en faveur de la liquidation de la banque Khalifa, a dressé un dur réquisitoire à l’encontre de Abdelmoumene Khalifa qui a causé, selon lui, « un préjudice financier global de trois milliards de dollars à Khalifa Bank, suite aux opérations frauduleuses effectuées depuis la création de ladite institution bancaire jusqu’à sa liquidation, surtout au niveau des agences d’El Harrach, des abattoirs d’Hussein Dey, de Blida, d’Oran et de la caisse principale de Chéraga. » Il a affirmé que « les responsables de ces agences recevaient des ordres verbaux de Khalifa Abdelmoumene et faisaient transférer des sommes colossales à l’étranger sans que l’on sache où partait l’argent ! ».
A propos des 11 écritures entre sièges (EES), Me Meziane Ali a précisé en donnant des exemples tels que : « Plus de 251 000 écritures en suspens de manière globale dont 31 500 au niveau de l’agence de Chéraga et 22 000 à la caisse principale de Khalifa Bank, les écritures en suspens avoisinent 15 000 à l’agence d’El Harrach, l’agence de Blida 6 600 et enfin celle d’ Hussein Dey 7000 ». Me Meziane a par ailleurs tenu à souligner : « pas moins de 100 milliards de dinars de comptes d’ordre non justifiés et non régularisés ».
166 milliards de dettes
Il a déclaré que : « Abdelmoumene Rafik Khalifa n’a jamais laissé 97 milliards de dinars mais plutôt 97 milliards de problèmes, non seulement aux petits déposants et aux entreprises nationales suite à ses manières fallacieuses dans la gestion de toutes les filiales du groupe Khalifa ». Me Meziane Ali a en outre déclaré que « Les dettes de Khalifa Bank s’élevaient à 166 milliards de dinars suite aux retraits injustifiés ! ».
« Les dépôts des entreprises publiques ayant laissé des sommes faramineuses au sein de Khalifa banque est de l’ordre 56 milliards de dinars tandis que les sociétés privées ont laissé 2,5 milliards de dinars » a ajouté Me Meziane Ali. Dans les comptes courants, l’intervenant a tenu à préciser que : « Plus de 14 milliards de dinars déposés dans les comptes courants ont été laissés par les entreprises étatiques et plus de 12 milliards de dinars ont été laissés par le secteur privé ».
En ce qui concerne les sommes en devises transférées à l’étranger par le biais de Swift, le représentant du liquidateur Moncef Badsi a affirmé que « 17 538 000 euros et 19 millions de dollars ont été transférés notamment en France ».Il a estimé que : « Ces sommes transférées ont été utilisées dans l’achat de plusieurs biens tels que des appartements en plein cœur de la capitale française à Paris 16e ».
Dans le même contexte, l’exposant de Badsi a expliqué que : « Les transferts de Khalifa Airways représentent 26% de toutes les opérations de transferts de capitaux vers l’étranger soit près de 36 milliards de dinars ! ». Il a clamé à l’attention du président : « Le montant global des sommes en devises transférées vers l’étranger en cinq ans est de l’ordre de 140 milliards de dinars ! ».
Pour ce qui est des unités de dessalement de l’eau de mer, Me Meziane a enfin démenti formellement la déclaration faite par Khalifa concernant l’envoi de 67 millions de dollars vers l’Arabie Saoudite pour l’acquisition de ces sommes s’appuyant sur le témoignage des Saoudiens qui ont déclaré n’avoir reçu que 26 millions de dollars ! ».
Il a exprimé son regret du fait que le premier rapport établi par la Banque d’Algérie concernant Khalifa Bank en 2001, n’a pas été pris en considération, ce qui aurait permis de limiter les dégâts et épargner beaucoup de déposants. Le réquisitoire du procureur général se poursuivra avec les demandes des peines contre les mis en cause aujourd’hui, puis la parole sera donnée aux avocats de la défense.