Chakib Khelil est de nouveau cité dans le procès du scandale de corruption présumée impliquant Saipem, la filiale de Eni, et Sonatrach. Farid Bedjaoui a passé des « informations confidentielles » à l’ancien ministre de l’Energie, selon Claudio Descalzi, le président-directeur général du géant pétrolier italien, entendu lundi 3 avril au parquet de Milan comme témoin dans le cadre du procès de cette affaire, surnommée « Sonatrach II » en Algérie.
Répondant aux questions du procureur, M. Descalzi a affirmé que Farid Bedjaoui, et en n’ayant « aucun rôle institutionnel » au ministère algérien de l’Energie, a participé à des réunions avec Saipem et a agi en tant que passeur « d’informations confidentielles » entre Eni et l’ancien ministre de l’Energie, a rapporté Reuters Italie.
« Je pense que Farid [Bedjaoui] jouait le rôle de messager et ambassadeur du ministre algérien », a affirmé Claudio Descalzi, cité par le journal italien La Repubblica.
Le montant des pots-de-vin présumés s’élève à près de 198 millions euros versés par Saipem à des responsables algériens dans le cadre de l’obtention de 7 contrats en Algérie pour une valeur totale de 8 milliards de dollars attribués entre 2007 et 2009.
Les « Panama Papers » ont révélé en 2016 l’existence d’une myriade de sociétés offshore appartenant à Farid Bedjaoui, neveu de l’ancien ministre des Affaires étrangères Mohamed Bedjaoui. Saipem a versé près de 198 millions euros sur un de ses comptes, Pearl Partners Ltd, une somme correspondant au montant des pots-de-vin présumés.
Une partie de cette somme, 1,75 millions euros, a ensuite transité via d’autres sociétés-écran pour atterrir sur un compte détenu par Réda Hemche, ex-chef de cabinet du PDG de Sonatrach et neveu de Chakib Khelil. Omar Habour, également cité dans l’affaire Saipem et copropriétaire avec Chakib Khelil d’une maison au Maryland aux Etats-Unis, a reçu 30 millions d’euros.
Omar Habour aurait également alimenté de près de 1,5 millions de dollars un compte bancaire détenu par Najat Arafat, l’épouse de Chakib Khelil.
Le patron du géant italien Eni, en insistant que Saipem a obtenu seul ses contrats en Algérie et sans intervention de l’entreprise-mère, a indiqué avoir trouvé « non-habituel » la participation de Farid Bedjaoui aux réunions d’Eni. Il a ajouté avoir entendu de la part d’Antonio Vella, ancien responsable du groupe pour l’Afrique du Nord et maintenant impliqué dans le procès, que Bedjaoui était « secrétaire » de Chakib Khelil.
Claudio Descalzi a par ailleurs affirmé ignorer si Farid Bedjaoui a rencontré ou s’il était l’intermédiaire de l’ancien patron d’Eni, Paolo Scaroni, accusé puis blanchi par la justice italienne dans le cadre de cette affaire.
Chakib Khelil est rentré en Algérie le 1er avril 2016 après un « exil » aux Etats-Unis suite à un mandat d’arrêt international émis après l’éclatement de cette affaire puis retiré par l’Algérie. Il a confirmé dans un entretien à Ennahar TV en mai 2016 avoir rencontré Farid Bedjaoui qui s’était présenté comme le « conseiller » du patron de Saipem et que le DRS était au courant de cette rencontre.
Sans accuser ouvertement l’ancien patron du DRS, le général Mohamed Mediene, Chakib Khelil s’est dit « victime ». « On m’a dit que si j’avais joué au football avec Toufik, j’aurais évité tous ces problèmes », a-t-il affirmé.
Le 16 mars 2016, soit deux semaines avant le retour au pays de l’ancien ministre de l’Energie, le président Abdelaziz Boutelfika a mis fin à la carrière du procureur général Belkacem Zeghmati, auteur du mandat d’arrêt contre Chakib Khelil.
Le parquet de Milan a lancé un mandat d’arrêt international contre Farid Bedjaoui en 2013.