Fortement dépendants des aléas climatiques, les rendements agricoles pour la saison en cours risquent de sombrer davantage dans le fiasco. Avec l’absence de pluies depuis plus de cinq semaines, les dernières précipitations remontant à la fin mars dernier, le spectre de la sécheresse plane d’ores et déjà sur une grande partie des bassins agricoles, notamment dans les hauts plateaux où se concentrent les grandes cultures.
De Tiaret et Sidi Bel Abbes à l’Ouest jusqu’à Sétif, Oum El Bouaghi et Souk Ahras à l’Est, les services agricoles autant que les agriculteurs eux-mêmes, tirent la sonnette d’alarme et n’écartent pas la réédition du scenario de l’année précédente si les pluies ne sont pas au rendez-vous au plus tard au milieu du mois de mai courant.
L’an dernier, faut-il le rappeler, la quasi-totalité du territoire national a subi un épisode de sécheresse aigue qui s’est prolongé durant les mois d’avril et mai, une période où les précipitations sont plus qu’intéressantes pour atténuer la propagation de bactéries nuisibles et pour le développement des grains (les épines) des différentes sortes de céréales. En conséquence, les rendements durant la campagne de 2014 ont enregistré un net recul de près de 4% en s’établissant à 34 millions quintaux seulement, alors que la moyenne annuelle depuis 2009 s’est toujours située entre 48 et 51 millions de quintaux.
Pour l’année en cours, de nombreux spécialistes agronomes n’écartent pas à présent une saison agricole aussi mauvaise que l’année précédente. Au niveau des wilayas aux fortes potentialités céréalières, les services agricoles font état d’une préparation pour la mise en œuvre de plans d’appui aux agriculteurs pour endiguer les pertes qu’ils subiraient éventuellement du fait de la sécheresse qui plane sur leurs cultures, mais sans pour autant fournir davantage de précisions quant aux actions qui seront menées le cas échéant. Outre le déficit hydrique, l’absence de précipitation qui perdure ces deux derniers mois, a entraîné le développement de maladies qui menacent les cultures, notamment les céréales, avec l’apparition de la rouille jaune et brune dans certaines régions comme Tiaret qui est le premier bassin céréalier du pays. Des maladies similaires ont été également signalées dans la région de Sétif sans que les agriculteurs ne parviennent à les éradiquer.
Ainsi, si l’épisode de sécheresse se reproduit pour la deuxième saison agricole consécutive, c’est la stratégie déployée pour la relance et la modernisation de ce secteur stratégique qui risque d’être compromise. En effet, les efforts fournis dans ce cadre, à savoir plus de 1 000 milliards de dinars durant le quinquennat précédent (2010-2014) et quelque 1 500 milliards DA pour le quinquennat 2015-2019, tomberont à l’eau inéluctablement si les objectifs tracés en la matière ne sont pas atteints, notamment celui de relever les rendements céréaliers de 17 à 30 quintaux/hectare à l’horizon 2020.
Pour de nombreux spécialistes, à l’instar du directeur général de l’INRA (Institut de la recherche agronomique), M. Foued Chehat, le pari de l’amélioration des rendements céréaliers ne peut être gagné sans une extension conséquente des périmètres d’irrigation. Or, à présent, les objectifs tracés en la matière demeurent encore loin d’être atteints avec moins d’un million d’hectares de cultures irriguées.
En conséquence, la persistance de la sécheresse se répercutera encore une fois sur la facture alimentaire. Déjà pour l’année précédente, les importations de blé ont atteint un niveau spectaculaire en dépassant le cap des 70 millions quintaux pour près de 3 milliards de dollars, ce qui risque de se reproduire vraisemblablement l’année en cours et de mettre à rude épreuve la volonté du gouvernement à réduire la facture alimentaire en s’appuyant sur la production locale.
Mourad Allal (L’Eco n°112, du 16 au 31 mai 2015)