Produits artisanaux et fruits du terroir: Les échecs de Kabylie

Produits artisanaux et fruits du terroir: Les échecs de Kabylie

Après des séjours passés dans des stands de villages, les ventes affichent des résultats mitigés.

Malgré la fanfare et le défilé de fêtes et de foires qui a duré tout l’été, il s’avère patent à présent, à la fin de la saison, que les fruits du terroir et des produits de l’artisanat ont lamentablement échoué à l’épreuve des marchés, c’est-à-dire des ventes. Ce n’était donc que des fêtes sporadiques sans aucune stratégie à long terme. L’intégration des circuits commerciaux ne s’est pas faite. Bien au contraire ni la figue de Barbarie ni la figue verte ou sèche ni l’huile d’olive ni la grenadine et encore mois le miel ne sont sur les marchés formels dans des emballages à même de les faire vendre.

Hélas, c’est le même constat qui s’avère être lamentable quant à la vente des produits de l’artisanat. Ni les potiers ni les bijoutiers ni les vanniers et encore moins les forgerons d’Ihitoussen n’ont pu proposer leur savoir-faire à des clients.

Artisans, producteurs et tourisme, les seuls perdants

Ce ne sont pas les fonctionnaires et autres organisateurs des secteurs et des foires qui sortent perdants après une saison estivale. Ce sont plutôt les personnes et les commerces qui vivent de ces produits et fruits du terroir. Après des séjours passés dans des stands dans les villages, les ventes affichent des résultats mitigés. C’est incontestable car dans le cas contraire, cela se verrait sur le développement des créneaux.

La faillite des stratégies qui consistent en l’organisation de foires, fêtes et autres festivals loin du potentiel d’acheteurs qui arrivent par millions dans la wilaya est de notoriété publique. Les artisans et autres producteurs rencontrés dans ces multiples occasions exprimaient à l’unisson leur crainte de la disparition de leurs métiers respectifs.

Aujourd’hui donc, à l’heure des bilans, les artisans et autres producteurs constatent avec amertume que les ventes sont quasi nulles. Les quelques quantités vendues ont été exposées dans des conditions hygiéniques lamentables. On constate partout des petits vendeurs de figue de Barbarie sur les abords des routes. Les produits sont exposés dans la poussière et la chaleur. Cela sans évoquer les familles qui font travailler des enfants dans ces conditions climatiques chaotiques. La vente incontrôlée de ces produits est également un risque sur les consommateurs qui sont dans l’ignorance totale des conditions de cueillette, de stockage et d’acheminement jusqu’ aux abords des autoroutes.

Des millions de clients en été

Des idées en or non mises en application

Pourtant, les idées pour développer les créneaux sont nombreux. D’autres ne sont même pas à proposer tellement elles sont évidentes. Des évidences qui traduisent un malaise profond dans la gestion du secteur de l’artisanat et du tourisme au niveau local. Un malaise qui illustre parfaitement que certains responsables font seulement semblant de faire leur travail.

En effet, il est tellement évident que les villes d’Azeffoun et Tigzirt accueillent des millions d’estivants durant la saison estivale. Il est tellement évident que les artisans et producteurs peuvent profiter de cet afflux pour vendre et faire connaître au minimum leur savoir-faire et leurs produits. Les fêtes traduisent en effet l’authenticité des villages où elles se tiennent mais il n’y a rien qui empêche de créer des partenariats avec d’autres communes comme le stipulent les lois de la République algérienne. Tenir des stands pour la fête du bijou d’Ath Yenni ou de la poterie de Maâtkas, la forge d’Ihitoussen, la figue du sahel à Tigzirt ou Azeffoun ne les tuerait pas. Bien au contraire, c’est un plus de rayonnement pour ces villages situés sur les cimes des montagnes.

D’autres métiers artisanaux auraient pu en profiter pour se faire connaître et vendre pour faire vivre l’artisan et le métier. C’est le cas des centaines de vanniers qui continuent de souffrir pour trouver un acheteur. Ces derniers auraient en effet pu profiter des campagnes pour l’éradication des sachets noirs à titre d’exemple. Le métier aurait pu faire profiter les vanniers qui l’exercent comme l’environnement qui verra les ménages adopter le panier traditionnel fait de roseau et autres.

Absence d’une industrie de manufacture et d’emballage

La stagnation des idées influe négativement au niveau de toute la chaîne qui va de la production jusqu’à la mise sur les circuits commerciaux. La profusion des chambres froides pour le stockage de la pomme de terre ne sert actuellement que les experts de la spéculation qui créent des pénuries. Pourtant, ces chambres froides auraient pu profiter aux producteurs de ces fruits pour les mettre convenablement sur les marchés locaux et nationaux.

Des manques et des défaillances nombreuses existent à travers cette chaîne. Les produits du terroir auraient également pu favoriser la naissance d’une industrie de manufacture et d’emballage. Une industrie qui ferait profiter de nombreux investisseurs et les producteurs eux-mêmes qui pourront placer leurs produits sur les places marchandes. Nous sommes loin de pouvoir aller vers l’international

Ce qu’ignorent les étrangers

Il est incongru d’espérer intégrer les places marchandes internationales où la concurrence est féroce, alors que nous ne savons même pas profiter du potentiel d’acheteurs qui affluent jusque devant nos portes. L’exportation de ces produits du terroir en l’absence d’une forte industrie d’emballage et de manufacture reste au stade de l’illusion. La concurrence sur le plan international est telle que l’innovation dans ce créneau peut faire vendre des pierres alors que chez nous les producteurs de fruits du terroir continuent d’exposer leur production sur la route et dans la poussière.

L’absence de labellisation est également un frein insurmontable vu que le produit ne peut pas être exposé sans ses références qui certifient sa conformité aux normes et standards internationaux. L’exemple de l’huile d’olive est illustrant à cet effet. Avec une superficie supérieure plusieurs fois à l’Espagne, l’Algérie se classe parmi les derniers de la liste des producteurs, alors que ce pays ibérique est le premier producteur mondial d’olive.

En fait, ces derniers temps, des voix commencent à s’élever pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur des entraves qui jusque-là étaient ignorées, voire mal appréciées. Un étranger qui se balade dans les ruelles des villages de Kabylie s’interrogerait immanquablement sur les raisons qui font que la figue de Barbarie jonche le sol. Les quantités qui moisissent faute de consommateurs pourraient envahir les marchés de tous les continents avec une qualité raffinée sans égal. Mais cet étranger ignore certainement que ces figues ne pourront même pas être mangées par le voisin, car elles ne lui appartiennent pas. La nature privée et le morcellement jusqu’au centimètre des terres en Kabylie fait que l’investisseur ne pourra point remplir une benne de tracteur en une journée étant obligé de négocier avec des centaines de villageois.

Des entraves liées plus à la sociologie qu’à la technologie

Le cas de la figue de Barbarie qui moisit sans être mangée n’est pas le seul, car tous les produits souffrent de ce phénomène de la propriété privée des terres. Le sous-développement qui frappe le créneau de l’huile d’olive trouve son origine dans le fait que chaque famille cultive son champ et ses oliviers sans se soucier du voisin.

Une nature qui fait que le passage de la culture traditionnelle à la culture moderne est très difficile. Aucun moyen technologique ne pourra influer sur la tendance en l’absence d’une politique qui prend à bras-le-corps ce problème. Des économistes ont leur mot à dire mais il devient de plus en évident que la sociologie y est pour beaucoup dans le développement économique de la Kabylie.