Alger, la Mecque des révolutionnaires (1962-1974), un documentaire dont l’idée est d’Amirouche Laïdi et réalisé par Mohamed Ben Slama, projeté mardi soir en avant-première à Paris, restitue l’âge d’or de la diplomatie algérienne, mise, juste après son indépendance, au service des causes justes.
La projection s’est déroulée au musée de l’Immigration en présence des historiens Mohammed Harbi et Benjamin Stora, de Yannis Chebbi, directeur d’Electron Libre Productions et d’Edwy Plenel, président et co-fondateur de Médiapart. C’est l’action diplomatique de l’Algérie, forte de son indépendance acquise après 132 ans de colonisation et 7 ans de guerre de Libération, qui est retracée dans une époque de l’histoire du 20e siècle où la scène politique internationale était caractérisée par la guerre froide et les deux blocs où l’Algérie proposait une autre voie.
Le documentaire de 52 minutes, qui sera diffusé prochainement par la chaîne Arte, met en exergue, à travers le ballet incessant de et vers Alger des révolutionnaires, la fameuse phrase d’Amilcar Cabral : « Les musulmans vont en pèlerinage à la Mecque, les chrétiens au Vatican et les mouvements de libération nationale à Alger ». « Jusqu’au milieu des années 1970, l’Algérie, pays emblématique du groupe des non-alignés, est connue pour son soutien actif aux mouvements de libération nationale et pour sa bienveillance à l’égard des proscrits.
Point de passage quasi obligé, sa capitale accueille les Black Panthers, Angela Davis et Leroy Eldridge Cleaver, le Che, Nelson Mandela et d’autres leaders encore qui, tous, s’opposent à l’impérialisme et aux dictateurs. Chronique d’un « âge d’or » tout à la fois diplomatique et militant », a expliqué le synopsis du documentaire construits par « des archives filmées et iconographiques retrouvées en Grande-Bretagne, au Etats-Unis, en Allemagne, en Serbie, à Cuba et au Portugal », selon Amirouche Laïdi. Un travail colossal d’une année de recherche pour regrouper les images et témoignages ayant servi au travail bien mené et agencé du réalisateur qui a voulu contribuer à lever le voile sur une période faste de la diplomatie de l’Algérie méconnue par les jeunes générations.
Le film, soutenu par un commentaire bien recherché et mené, montre des images des responsables de tous les mouvements de libération qui ont élu domicile Alger. De l’ANC (Afrique du Sud), du Frelimo (Mozambique), la SWAPO (Namibie), en passant par l’OLP (Palestine) et d’autres mouvements d’indépendance, l’Algérie présentait aide, logistique, soutien et conseils.
Les images montrent également l’âge d’or de la diplomatie algérienne qui a toujours eu la capacité de s’adapter à l’évolution des influences géostratégiques dans sa région et dans le monde. Dans le débat, animé par Benjamin Stora, à l’issue de la projection, à laquelle une foule très nombreuse était présente, l’historien algérien Mohammed Harbi, témoin et acteur de cette époque, a qualifié ce travail de « mémoire d’approche positiviste » qui retrace « très bien » le parcours d’un Etat et d’une Révolution, ajoutant que l’Algérie, à cette époque, a adopté une politique « très radicale » envers la Chine et l’URSS au sujet du Vietnam.
Edwin Plenel, qui a vécu à Alger de 1965 à 1970, a estimé que le documentaire fait passer un souffle de liberté dans le monde qui l’a finalement ébranlé. « Ce qui est fort dans ce film, c’est l’internationalisme concret, l’humanisme concret », a-t-il dit, soulignant que cette période était « un moment de refus de toutes les puissances ».
Dans une brève déclaration à l’APS, Benjamin Stora a indiqué qu’on commence à connaître l’histoire de la guerre de Libération, l’histoire coloniale « mais on connaît moins bien l’histoire anticoloniale de l’après-indépendance ». « C’est une histoire restituée par ce documentaire qui nous a montré que l’Algérie a joué un très grand rôle dans la solidarité en faveur des mouvements de libération dans le monde », a-t-il expliqué, ajoutant que « c’est un travail de mémoire, de restitution de mémoire pour les jeunes générations ».