Très beau film de la réalisatrice Leïla Bouzid qui signe ici avec son premier long métrage un film qui allie l’amour de la musique à l’amour de la vie comme une métaphore lyrique à l’engagement humain qui doit poursuivre coûte que coûte sa révolution…
Après une pluie de distinctions dans de nombreux festivals, A peine j’ouvre les yeux, premier long métrage de la Tunisienne Leïla Bouzid débarque enfin en Tunisie. Sélectionné en compétition officielle aux Journées cinématographiques de Carthage, il a été projeté hier matin à la salle Rio dans le cadre d’une projection presse marquée de près d’une heure de retard tout de même pour des raisons techniques. Synopsis: Tunis, été 2010.
Quelques mois avant la Révolution, Farah, 18 ans, passe son bac et sa famille l’imagine déjà médecin, mais elle ne voit pas les choses de la même manière… Elle chante au sein d’un groupe de rock engagé. Elle vibre, s’enivre, découvre l’amour et sa ville de nuit contre la volonté de Hayet, sa mère qui connaît la Tunisie et ses interdits.
Avec 80% d’acteurs non professionnels, le film de Leïla Bouzid respire la fraîcheur d’une jeunesse avide de vivre, de craquer la vie à pleins dents. De jouir! Et cela se ressent dans chaque plan où la réalité est exhalée avec un rythme bien captivant. Mais c’est dur quand la liberté d’être soi-même et de s’exprimer et d’être tout simplement différent, est brimée. Et ce film montre justement la destruction de cette énergie-là par le truchement d’un groupe de musique emmené par cette jeune fille téméraire, Farah, admirablement campée par la jeune Medhaffar qui crève littéralement l’écran.
Une jeune comédienne qui chante aussi pour la première fois dans ce film tout comme c’est son premier rôle à l’écran. Sa mère dans le film n’est autre que la belle et excellente chanteuse tunisienne Ghalia Ben Ali, qui tente désespérément et tout au long du film de détourner sa fille de cette passion destructrice qu’est le chant. Même si avoue-t-elle à la fin «à ton âge j’étais aussi une fille rebelle et passionnée». Si le groupe parvient tant bien que mal à se produire dans des cafés et restos, braver les autorités et dénoncer la dictature il n’est pas vu d’un bon oeil par la police qui surveille la fille de loin, jusqu’au jour fatidique où elle est arrêtée par le système qui la séquestre pour lui faire peur…
Continuera-t-elle à chanter malgré tout? On ne le saura pas puisque Leïla Bouzid a préféré une fin ouverte, pour ne pas trop empiéter sur l’histoire de la Tunisie et les retombées de cette révolution qui reste en cours jusqu’ à l’heure actuelle, a fait remarquer la comédienne principale lors du débat.
Toujours présent, le père Nouri Bouzid qu’on aperçoit rapidement dans le film est venu soutenir sa fille. Si d’aucuns trouvent des similitudes avec sa filmographie c’est sans doute pour la liberté de ton usité dans à peine j’ouvre les yeux qui rend hommage lui aussi à la beauté de la femme tunisienne. Gageons que ce film sera fortement applaudi à sa projection à la salle Colysée. Et pourquoi pas un prix pour cette jeune artiste en herbe qui s’est fait remarquer aussi aux Césars?