Le ministre de la Justice, garde des Sceaux Belkacem Zeghmati a présenté, hier, deux textes de lois extrêmement importants devant les députés. Il s’agit du projet de loi organique relatif à l’Autorité nationale indépendante des élections et du projet inhérent au régime électoral. S’exprimant lors d’une séance plénière consacrée à cet effet, Zeghmati a d’emblée donné le ton : « Le texte de loi relatif à l’Autorité nationale indépendante des élections a l’ambition de garantir des élections crédibles et transparentes, c’est dans cette optique que nous avons pris des dispositions fermes à ce propos. »
C’est ainsi qu’il expliquera que « l’ensemble des prérogatives des autorités publiques, à savoir administratives, en matière électorale, sont désormais transférées à l’Autorité indépendante en charge des élections ». Concrètement parlant, « l’instance sera chargée d’organiser, de surveiller le processus électoral et de superviser toutes ses étapes, depuis la convocation du corps électoral jusqu’à l’annonce des résultats préliminaires », a-t-il soutenu, notant qu’elle sera dotée de « l’autonomie administrative et financière et disposera de son propre budget de fonctionnement et des affectations destinées aux opérations électorales ».
« Les agents de l’administration publique seront totalement éloignés de la constitution des commissions électorales », a-t-il lancé sur un ton des plus fermes, avant d’enchaîner
qu’« il sera question de l’éloignement le plus total des walis et des présidents d’APC d’avoir un quelconque rôle dans l’organisation des élections». Evoquant les prérogatives de l’Autorité, le membre du gouvernement fait observer que « l’Autorité procèdera à la tenue du fichier national du corps électoral et des listes électorales des communes et des centres diplomatiques et consulaires à l’étranger, outre la réception et l’examen des dossiers de candidatures pour le poste de président de la République». Elle aura également pour mission « le contrôle du financement de la campagne électorale ». En ce sens, que la mise à jour du fichier électoral, un des leviers de la fraude utilisés par l’administration lors des précédents rendez-vous électoraux, sera une prérogative de cette instance qui sera tout autant en charge d’émettre la carte d’électeur et de proclamer les résultats du vote après la récupération des P-V qu’elle aura reçus des bureaux de vote des wilayas qui auront été installés par ses soins. Par ailleurs, et s’agissant du projet de loi relatif au régime électoral, le ministre a fait état d’un certain nombre d’amendements introduits à son propos. Lesquels ont porté essentiellement sur la préparation et l’organisation des opérations électorales et de l’élection présidentielle. « Il y a obligation pour le candidat de déposer en personne la déclaration de sa candidature au poste de président de la République auprès du président de l’Autorité en charge des élections au lieu du Conseil constitutionnel, ainsi que la condition d’être titulaire d’un diplôme universitaire ou d’un titre équivalent », note le ministre. Aussi, et parmi les nouveautés, il est question d’une réduction à 50 000 signatures individuelles d’électeurs inscrits sur une liste électorale, au lieu de 60 000 signatures, avec l’annulation de la liste de 600 signatures individuelles d’électeurs. Aussi, le membre du gouvernement a annoncé des peines pénales d’emprisonnement en cas de remise « de la carte électorale ou du fichier électoral aux centres diplomatiques ou consulaires».
Les députés entre absence et appel au départ du gouvernement
La séance de débats ayant suivi la présentation des projets de loi s’est faite en l’absence de la majorité des députés. En effet, peu de parlementaires ont pris part aux débats. La majorité d’entre eux ont choisi l’absentéisme quand d’autres se sont contentés d’élire place dans les coulisses. Le spectre de la levée de l’immunité parlementaire qui les guette empêche toute sérénité chez les parlementaires. « On nous a dit qu’il y a au moins 30 parlementaires auxquels la procédure de levée sera appliquée, donc on se sent tous concernés et aucun député n’est serein », a expliqué à Reporters un député du Front de libération nationale (FLN). Et c’est donc une minorité qui a pris place dans l’Hémicycle pour intervenir à propos des textes de loi, en demandant pour la plupart le départ du gouvernement comme garantie de leur transparence. C’est ainsi que Lakhdar Benkhellaf du FJD a appelé au départ du gouvernement au motif que « certains ministres sont impliqués dans la fraude au profit de l’ancien président de la République ». D’autres députés, à l’instar de ceux du FLN, ont préféré, quant à eux, le maintien du gouvernement actuel.
« Nous souhaitons que ce gouvernement accompagne la préparation des élections », a estimé Houari Tighrissi du FLN, selon lequel « il est impératif de dissoudre l’instance de préparation et de surveillance des élections tout de suite après l’élection d’un nouveau président ». Par ailleurs, le président de l’Assemblée populaire nationale (APN), Slimane Chenine, a fait état du caractère urgent que revêtent les deux projets en débat depuis hier à l’APN. « C’est la situation du pays qui confère à ces deux textes de loi le caractère de l’urgence », a-t-il expliqué, compte tenu de la programmation des deux avant-projets de loi en plénière 48 heures après leur examen en Conseil des ministres. Ce caractère d’urgence se décline tout autant à travers l’annonce d’une plénière, ce vendredi, au Conseil de la Nation pour examen de ces deux textes de loi.