Quand le front social gronde

Quand le front social gronde

La rue arrache ce que la politique a longtemps réprimé, en prouvant une fois de plus le célèbre vers d’Abou El Kassem Echabi : « Lorsque le peuple veut, un jour la vie, le destin doit se plier à sa volonté. » Lorsque la colère atteint l’insoutenable, rien ne peut arrêter son explosion. Le front social bouillonne depuis septembre et aucune mesure de grâce ne se profile à l’horizon du pouvoir central.

L’explosion de Diar Echems, au-delà de ce qu’elle représente comme signes de ras-le-bol d’une population qui n’a que trop souffert d’être ignorée, a consommé par son intensité la fin du contrat de confiance qui lie la population aux autorités. De la menace à l’action, le pas est vite franchi, rien ne saurait arrêter la quête d’une vie décente. Le peuple pauvre réclame au pays riche sa part de bonheur, sa place au soleil et donc sa ration de la rente. Logement, salaire, conditions de vie, surcharge des cours et même couleur du tablier des écoliers, tout est matière à contestation. La copie du gouvernement est rejetée en bloc et la rue devient le seul terrain de revendication en l’absence – ou en raison de l’échec – d’autres voies de recours.



Lycéens, enseignants, travailleurs, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, la contestation est jetée à la rue et récoltée par des bras fatigués d’avoir trop attendu un vain soutien. Même l’annonce de la tenue d’une tripartite et d’une hausse probable du SNMG ne semble pas réussir à calmer une fronde qui ne croit plus aux promesses, face à une réalité sociale des plus précaires. L’arène sociale est investie et réclame justice. Le 8 novembre prochain, le secteur de l’éducation, qui cumule le plus grand nombre de grèves et qui est dirigé par le plus ancien des ministres, sera paralysé par une grève générale. D’autres secteurs menacent de recourir à des actions similaires de protestation pour réclamer leur dû et contester cette logique du traitement de la question sociale qui veut que ce soit toujours le pauvre qui paie la fièvre dépensière du gouvernement. Il n’est pas aisé de voir circuler tant de milliards qui, au lieu d’aller dans des projets de développement des infrastructures du pays, partent en fumée dans des affaires scabreuses de corruption. Ni d’entendre dire aux citoyens que l’Etat manque de liquidités pour subventionner tel ou tel aliment, tel ou tel vaccin.

Il n’est pas aisé non plus de reprocher aux citoyens de n’être pas patients lorsqu’ils constatent à longueur d’année le train de vie des plus fastueux de la nomenklatura. Il n’est pas aisé de voir la société se diviser en deux catégories, celle des nantis pour lesquels s’ouvrent toutes les portes – par le truchement d’un sésame qui s’appelle « proximité des cercles du pouvoir » – et celle qui est condamnée à être suspendue à des promesses et face à laquelle toutes les portes restent fermées. La gestation « novembriste » est en cours, elle s’exprime par des contractions ici et là, reste à savoir comment elle atteindra sa délivrance…

Par Nadjia Bouaricha