Quand meurt le débat…

Quand meurt le débat…

C’est une vraie première dans nos annales parlementaires : des députés se sont échangé des insultes, des noms d’oiseaux et même des coups de poing et de pied. Certains ministres, semble-t-il, n’ont pas hésité à se joindre à la mêlée, en dépit de leur statut et de l’obligation de réserve et de retenue qu’il leur impose.

“Oui, je fais partie d’un gouvernement de bandits”, a lancé un membre du cabinet Sellal à la figure d’un parlementaire. Une première aussi, mais mondiale, celle-là. Cette petite phrase du ministre de la République, qu’on ne pouvait soupçonner à ce niveau de responsabilité, est, pour le moins, moralement choquante et politiquement affligeante.

Car, loin d’être anodine, elle dit toute “la considération” et “le respect” dont jouit, chez nous, aux yeux du pouvoir, la représentation nationale et, au-delà, le Parlement comme institution de l’État.

Comment donc en est-on arrivé là ? Il fut un temps où l’Assemblée nationale était perçue, en haut lieu, comme un défouloir pour l’opposition ou, au mieux, comme une vitrine de la “démocratie en marche” en Algérie. Il fallait, nous disait-on, “transposer le débat politique de la rue vers les institutions élues”. Il suffisait juste, alors, de fabriquer des majorités factices, au moyen de la fraude électorale, et le tour était joué. Cela a fonctionné un temps. Mais lorsqu’on a évacué le débat de l’espace public et des médias pour l’enfermer dans des institutions que l’on a préalablement verrouillées, spécialement conçues et expressément échafaudées comme autant de “digues” destinées à contenir la moindre avancée démocratique, c’est le débat lui-même, cet ennemi public n°1 du système, que l’on condamnait à l’agonie. Aujourd’hui, le débat est mort de sa belle mort, tandis que l’affairisme s’institutionnalise, réveillant soudainement nos honorables députés à leur devoir d’indignation et de refus.

Entre-temps, la rue, elle, a désappris le débat, et nos députés, tout comme certains de nos ministres d’ailleurs, semblent avoir adopté les méthodes de la rue, celles-là dont usent les jeunes de nos quartiers abandonnés pour se faire entendre. Il est à craindre que nos émeutiers soient plus que jamais confortés dans leur mode opératoire.