Dans son ouvrage La Cause du Peuple publié jeudi 29 septembre, Patrick Buisson, ex-conseiller de Nicolas Sarkozy, détaille des échanges qu’il a eus avec l’ex-président s’agissant de la position française sur la colonisation de l’Algérie.
Dans un chapitre de 18 pages intitulé « La guerre d’Algérie n’est pas terminée« , l’ex-conseiller critique vivement le fait que sous la présidence de Jacques Chirac ait été entretenue « la culpabilité coloniale à longueur de récits, d’émissions, de films, de reconstitutions historiques biaisées », sans que ne soit fait mention des « aspects positifs de la colonisation ». Cette « hypermnésie » de la France à l’égard de ses propres crimes s’accompagne, selon lui, d’une « amnésie » quant aux crimes des « autres ».
En arrivant au pouvoir, Nicolas Sarkozy avait accepté d’acter « une rupture spectaculaire avec l’historiographie pénitentielle dans laquelle avait baigné la présidence chiraquienne » et la « culpabilisation collective » visant à « faire accepter une immigration de peuplement comme la juste réparation des crimes du colonialisme due aux peuples anciennement assujettis », écrit Patrick Buisson.
Mais pour l’ex-conseiller, la realpolitik a parfois conduit le président Sarkozy à adopter une position moins tranchée qu’attendu. Le président, rapporte-t-il, a en effet tenu des propos anti-colonialistes et pro-indépendance algérienne qui permettaient le maintien des relations avec l’Algérie, tout en reconnaissant la responsabilité française envers les harkis – bien que cette reconnaissance n’ait longtemps pas été sa priorité.
Ainsi, lors de sa première visite d’État en Algérie début décembre 2007, le président Sarkozy récemment élu avait-il dévié du discours original, qui affirmait : « Le respect de la mémoire, c’est reconnaître ce que le système colonial avait d’injuste, mais aussi le labeur de ceux qui ont construit sur cette terre et dont certains entretenaient des relations fraternelles avec leurs voisins musulmans ».
Sur le sol algérien, le président a improvisé : « Oui, le système colonial a été profondément injuste, contraire aux trois mots fondateurs de notre République : liberté, égalité, fraternité. »
Le président Sarkozy aurait affirmé à son conseiller que la France avait un « devoir de réparation et une dette morale » envers les harkis. Il se serait félicité de ne pas avoir « présenté les excuses que les Algériens (lui) réclamaient ». Son conseiller qui lui reprochant cependant d’être « entré en contrition », le président se serait défendu : « tu exagères ! Je ne me suis pas agenouillé quand même ! « .
En avril 2012, au cours d’un dîner dans le salon des Ambassadeurs, Nicolas Sarkozy se serait emporté contre le contenu du discours qu’il devait prononcer le lendemain à Perpignan à l’occasion de la remise des insignes de grand officier de la légion d’honneur au général François Meyer, qui avait ordonné le rapatriement de 350 harkis malgré l’interdiction officielle. Le discours parlait de la « révolution fellagha qui prétendait défendre la liberté des Algériens ».
Le président Sarkozy aurait lancé : « Épargnez-moi ça ! Je ne veux pas refaire la guerre d’Algérie. Nous n’étions pas chez nous. On ne peut pas condamner la lutte contre l’indépendance… C’était une lutte de libération. »