Quand Renault « fait rouler » les responsables algériens

Quand Renault « fait rouler » les responsables algériens

La ministre française du commerce extérieur, Nicole Bricq, qui est arrivée aujourd’hui en Algérie pour donner un souffle au partenariat entre les deux pays, sera certainement interpellée sur la lenteur du dossier de l’usine Renault. Pour cause, le groupe français semble traîner les pas dans sa volonté de donner corps à un projet qui a fait plus de bruit pour rien. Ou presque.

Dernière embûche en date, le désir de Renault de bénéficier de l’exclusivité sur le marché algérien de l’automobile pendant cinq ans. Une exigence élevée au rang de condition sine qua non pour l’implantation de l’usine en Algérie. De fait, c’est un coup de frein sec donné à ce projet qui traîne depuis trois ans, alors qu’il était question que le fameux pacte d’actionnaires entre l’Algérie et Renault soit signé à la mi- septembre.

Or, le mois touche à sa fin et le pacte est loin d’être signé pas plus qu’il n’y a eu une quelconque volonté déclarée d’aller de l’avant. L’annonce en grande pompe de l’ex-ministre de l’industrie Benmeradi de la signature de documents n’est finalement qu’un simple effet d’annonce. Ce ministre qui a suivi ce dossier dès le début n’est d’ailleurs plus en poste. Du coup, ce projet d’usine Renault en Algérie parait plus que jamais remis entre guillemets, tant il n’y a manifestement aucune volonté du constructeur français de le concrétiser.

Tout se passe comme si le groupe français conçoit ce projet comme un petit cadeau à l’Algérie pour «rééquilibrer» les relations trop penchées vers le Maroc. Sachant que les responsables algériens n’ont pas apprécié l’implantation de la grande usine Renault à Tanger, au Maroc, le groupe français dont l’Etat détient des actions, a jugé utile de miroiter cette hypothétique usine en Algérie.

Un cadeau empoisonné

Mais il semble bien qu’il s’agit d’une fausse route. Depuis trois ans, ce projet ne dispose même pas de point de chute en Algérie, dès lors que la partie française hésite à trancher sur ses choix. En Algérie, le gouvernement a pratiquement tout fait pour faire venir la marque au losange qui lui servira de trophée «d’excellence», espère-t-il. Le gouvernement a été ainsi amené à mettre sous le coude sa stratégie industrielle juste pour faire satisfaire les exigences abusives de Renault.

Un conseil des ministres avait en effet décidé de faire du Constantinois un pôle régional de l’industrie mécanique. Il avait alors décidé d’offrir le site de Bellara (Jijel) pour accueillir cette usine Renault. Mais quelle ne fut la surprise d’entendre les responsables du constructeur français dire qu’ils rejettent ce site et qu’il préféraient un autre près d’Alger !

Renault en territoires conquis…

Le gouvernement algérien a été certes agacé. Mais il a fini par céder. Les négociations ont donc repris normalement et la signature du pacte des actionnaires était imminente.

Mais il fallait compter sans le coup bas du groupe français qui, pour freiner le projet, replace la barre un peu plus haut en exigeant ni plus ni moins qu’une exclusivité sur le marché algérien de cinq ans ! Une condition économiquement inacceptable en ce sens que l’Algérie sera condamnée à ne pas engager d’autres partenariats avec d’autres constructeurs du monde.

Mais pour le groupe français, c’est peut-être la seule exigence qui pourrait le sortir du « bourbier algérien » dans lequel il s’était engagé. Le PDG de cette firme avait, on s’en souvient, déclaré avec une assurance curieuse lors de l’inauguration de l’usine de Tanger au Maroc qu’il n’était « pas question de laisser un autre groupe s’installer en Algérie ». Autrement dit, moi je ne fais rien mais je ne laisserai personne s’y installer ! ».

Il est vrai qu’ils ne gagent pas trop au change dès lors que ses voitures bas de gamme se vendent comme des petits pains en Algérie sans trop d’investissement. Reste la question de savoir si le gouvernement Sellal va se laisser rouler dans la farine française comme le fut celui d’Ouyahia.