C’est à la surprise générale que le ministre de l’Énergie, M. Noureddine Boutarfa a procédé à un changement à la tête de Sonatrach ce lundi matin.
Rien ne laissait entrevoir ce bouleversement à la tête de la plus importante compagnie algérienne, rien si ce n’est des facteurs politiques extérieurs qui semblent liés d’une part, à la mise en place d’un personnel dirigeant résolument Bouteflikiste dans la perspective d’une situation où l’actuel président viendrait à passer la main et, d’autre, à un come-back d’intérêts américains bien précis dans la pétrole algérien, en relation sans doute avec le retour des Républicains de Donald Trump aux affaires.
En effet, c’est plus le parachutage du nouveau directeur général Monsieur Abdelmoumen Ould Kaddour que le départ du précédent PDG M. Mazouzi, qui suscite des interrogations. Le choix du nouveau patron de Sonatrach laisse pour le moins dubitatif. Sa qualification n’est pas en cause. Abdelmoumen Ould Kaddour est un polytechnicien diplômé du Massachusetts Institute of technologie. Mais il est surtout connu pour avoir été jeté en prison par le tribunal militaire de Blida pour « espionnage pour le compte d’un pays étranger et atteinte à la sécurité de la Nation ». M. Ould Kaddour dirigeait alors la sulfureuse société mixte algéro-américaine Brown & Root Condor (BRC), une joint-venture entre Sonatrach (51%) et la compagnie du vice-président américain Dick Cheney, Halliburton.
BRC, qui a servi de tirelire à bien des pontes américains et algériens, s’occupait de tout et de rien, bénéficiant de marchés allant de l’engineering pétrolier à la construction d’hôpitaux ou de stades de football ! Toutes les prestations de BRC étaient surfacturées. L’enquête ouverte par le tribunal de Bir Mourad Rais sur les violations et la surfacturation dans les transactions de cette compagnie, a révélé des marchés d’un montant astronomique : 5700 milliards de centimes avec le ministère de l’Energie et 13000 milliards de centimes avec le ministère de la Défense ! On découvrit alors que Sonatrach, sous Chakib Khelil avait confié, illégalement, vingt-sept projets à BRC signés de gré à gré.
C’est ainsi que BRC fut amenée à acheter, en 2004, du matériel sophistiqué destinée à l’armée algérienne, achat effectué auprès de la firme américaine Raytheon, pour un montant de 1,5 milliard de dollars.. Ce matériel consistait en des « mallettes de commandement » Ces mallettes bourrées d’électronique, des sortes d’ordinateurs communicants ultrasophlstiqués, étaient destinées aux très hauts cadres de l’armée, écrit Hocine Malti, afin de gérer l’ensemble des questions militaires, de simuler des opérations, de définir des options tactiques, d’élaborer les schémas à adopter lors de manœuvres par chacune des trois armes (terrestre, navale et aérienne). Toute la stratégie de l’armée et l’organisation de ses composantes humaines et matérielles étaient régies par ces mallettes.
Mais, vers la mi-2005, les services spéciaux russes informèrent les militaires algériens que ces mallettes étaient reliées aux écoutes de la CIA. (Voir Hocine Malti, Histoire du pétrole algérien). Abdelmoumène Ould Kaddour fut arrêté pour « intelligence avec l’ennemi » et incarcéré à la prison militaire de Blida. Il n’était sans doute pas le seul coupable. Pour tuer dans l’oeuf tous les scandales, Bouteflika fit mettre en liquidation BRC et l’Algérie dédommagera confortablement Halliburton.
Voilà que Ould Kaddour revient…à la tête de Sonatrach ! Dans quel but le clan Bouteflika refait-il appel à ce personnage ? Injonction américaine pour avoir un interlocuteur acquis aux intérêts américains ? Homme de confiance qui saura garder secrets les mic macs de Chakib Khelil ? Ould Kaddour, comme Hemche, l’homme-lige de Khelil, est natif de Hennaya, près de Tlemcen, une bourgade qui élit aux meilleurs destins puisque c’est le village natal du père de Bouteflika.