C’est désormais « officiel » ; la France passe à l’action et décide d’officialiser l’ouverture de ses archives relatives à la guerre d’Algérie entre le 1er novembre 1954 et le 31 décembre 1966. Le texte a été publié jeudi dernier sur le journal officiel.
En effet, l’arrêté du ministère de la Culture publié sur le Journal officiel rend consultables toutes « les archives publiques produites dans le cadre d’affaires relatives à des faits commis en relation avec la guerre d’Algérie entre le 1er novembre 1954 et le 31 décembre 1966 ».
Plus exactement, il s’agit des « documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions et à l’exécution des décisions de justice » et des « documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire ».
Annoncée vers le début du mois en cours par la ministre de la Culture française Roselyne Bachelot, cette nouvelle démarche dans le cadre de l’épineux dossier de la mémoire suscite de la méfiance, notamment de la part des historiens et spécialistes algériens en la matière.
Entre ceux qui constatent que cette décision n’est rien d’autre qu’une tentative d’apaiser les tensions après les derniers évènements ayant marqué les relations entre les deux pays et ceux qui y vois « un piège » pour faire pression sur l’Algérie, la méfiance est désormais de mise.
« Nous considérons que cette démarche est incomplète »
Pour l’universitaire, chercheur et enseignant, Mohamed Lahcen Zeghidi, la décision de Paris d’ouvrir des archives de la guerre, « qui se fait par goutte-à-goutte » entre dans le cadre de la campagne électorale de l’actuel président français, Emmanuel Macron.
Dans une lecture livrée au quotidien Echorouk, il affirme qu’en tant qu’historiens, « nous considérons que cette démarche est incomplète. Car, il ne peut y avoir une réconciliation de la mémoire sans remplir les conditions, dont la première qui est la reconnaissance des crimes commis par la France coloniale ».
Ensuite viennent « les droits découlant de cette même reconnaissance, dont la récupération de l’archive », a-t-il ajouté. Selon lui, la dernière décision de la France « n’est pas innocente d’autant plus qu’elle concerne les enquêtes réalisées par les services français de la police et la gendarmerie ».
À ce propos, il précise qu’il a été constaté que certains aveux ont été obtenus par la torture, chose reconnue même par l’Élysée. Le président français avait déja reconnu que « Boumendjel avait été assassiné sous la torture, écartant ainsi les allégations du suicide. Il s’agit d’un démenti clair d’un haut responsable français quant aux procès-verbaux de la police ».
Comment peut-on alors croire ce qui va être ouvert, d’autant plus que ces procès-verbaux ont été faits sur la base d’interrogations menées sous la torture ? », s’est-il demandé.
« La démarche de Paris suscite moult suppositions »
Pour sa part, le Pr Mustapha Nouicer estime que la dernière démarche de Paris suscite moult suppositions concernant ses causes, notamment en cette période précise. Certains la considèrent comme un moyen de pression sur l’Algérie pour aboutir à des objectifs bien déterminés », a-t-il ajouté.
D’autres, souligne encore le même spécialiste, « relient cette démarche au contexte de tentatives d’apaisement avec l’Algérie, notamment après les dernières déclarations émises par des responsables français, dont celles du président Emmanuel Macron lui-même ».
Or, de nombreux historiens algériens évoquent cette démarche sous l’angle « du doute de tout ce qui vient de la part de l’État français, préconisant ainsi l’extrême prudence », a encore expliqué le Professeur en histoire.
En outre, l’intervenant affirme qu’un bon nombre d’Algériens salue cette démarche tout en considérant que l’ouverture d’une partie de l’archive signifie l’ouverture d’une nouvelle porte devant les études historiques dans l’avenir.
Pour lui, « la France semble vouloir envoyer un message implicite portant sur la volonté d’aller fermement vers l’avant concernant le dossier des archives de la guerre d’Algérie ».
Cependant, plusieurs questions doivent être posées ; la France s’est-elle récemment sentie négligente envers le l’État algérien, surtout après les déclarations de la droite française, ainsi que celles du président Macron ? Est-elle en train de reconsidérer ses décisions ? », s’est encore demandé le Pr Mustapha Nouicer.