A l’a une de la crise dont les effets néfastes se multiplient chaque jour un peu plus, il n’est pas aisé de mettre les collectivités locales, déjà vulnérables, à l’abri.
La réunion gouvernement-walis, prévue pour ce mois de septembre, approche, mais les termes du débat à tenir sont encore flous.
En effet, la récurrence des problèmes que rencontrent les collectivités locales, leur complexité et l’incapacité des APC et des administrations territoriales à les régler se posent toujours et ni les walis ni le gouvernement ne semblent en mesure d’y apporter des réponses concrètes. Car, piégé par l’omniprésence de l’Etat et les lenteurs bureaucratiques induites par la centralisation excessive de la décision, le gouvernement est sans cesse tenté par sa volonté de contrôler tout ce qui se fait dans le pays, y compris dans les communes; alors ses plus proches conseillers ne ratent aucune occasion d’appeler à une décentralisation progressive du processus décisionnel afin de permettre une gestion efficace et efficiente des collectivités locales ainsi qu’une exploitation optimale de leurs ressources, notamment en matière d’investissement.
En 2011, dans le sillage du Printemps arabe, le Conseil national économique et social a été chargé par le gouvernement d’établir un rapport détaillé sur les gouvernances locales. Celui-ci, après une tournée dans plusieurs wilayas du pays au cours de laquelle des échanges avec les organisations de la société civile et, d’une façon plus générale, les citoyens de différentes catégories sociales, un rapport a été élaboré et remis au gouvernement. Ce rapport recommandait, entre autres, la décentralisation de la décision et l’attribution de plus de prérogatives aux collectivités locales, particulières aux assemblées élues qui ont la légitimité de régler les problèmes qui se posent au niveau des communes et des wilayas en faisant participer leurs électeurs à leurs démarches. «La mise en place de synergies et la promotion de politiques participatives restent l’ultime ferment d’une intégration socio-économique réussie. C’est précisément dans cet état d’esprit qu’il nous faudra oser nous installer, en bannissant les cloisonnements dysfonctionnels générés par une acception étroite et abusive des périmètres réputés ‘souverains ». La réussite sera assurément au bout d’un tel processus, s’agissant des problématiques liées au ‘développement local » versus ‘les attentes citoyennes, » a-t-on écrit dans ce rapport. Depuis, rien de notable n’a été fait et les constats relevés par les derniers rapports du ministère de l’Intérieur ne diffèrent quasiment en rien de ceux du Cnes en 2011.
Ils montrent un bilan négatif en matière de dynamisation de l’économie locale, les impôts étant insuffisamment recouvrés, certains biens étant exploités sans contrepartie et d’autres détournés de leur vocation. D’ailleurs, l’autre point nodal soulevé est «les ressources territoriales comme question préjudicielle».
En effet, le déficit criard des collectivités locales en ressources en raison notamment de l’absence d’investissements et de la faiblesse de la fiscalité locale se pose avec acuité et reste, dans la conjoncture actuelle, l’élément principal auquel le gouvernement et les walis sont appelés à apporter des réponses. Selon Abderahmane Mebtoul, le développement local passe nécessairement par l’amélioration de leurs ressources à travers la mise en place d’une gouvernance efficace et efficiente. «Le recouvrement des taxes locales n’étant pas une priorité, les collectivités locales n’ont pas orienté les fonds importants alloués par l’Etat vers la valorisation et la rentabilisation des richesses multiples dont elles disposent. Pour la gestion efficiente des espaces, il s’agit de dresser un état des lieux. Dans le système algérien, les collectivités locales ont pour l’essentiel constitué des entités assistées par un Etat qui, outre ses prérogatives propres, se voulait être l’unique gestionnaire de l’économie. Les responsables locaux n’étaient donc, de ce fait, que des exécutants des politiques et des décisions arrêtées au niveau central et qui se traduisaient au niveau communal par la réalisation des actions et des programmes arrêtés en séance d’arbitrage par l’organe central de la planification, au titre des plans annuels et des enveloppes budgétaires.
C’est ainsi qu’outre les orientations très directives qu’impliquaient déjà les programmes alloués, les communes et les wilayas furent sous la tutelle étroite de l’Etat central via le ministère de l’Intérieur. L’Etat prenait pratiquement en charge toute la politique sociale et intervenait très largement, par ailleurs, dans la gestion du foncier et de l’urbanisme», analyse-t-il en précisant que le fait d’avoir dépouillé les collectivités de toutes prérogatives a discrédité les administrations locales vis-à-vis des citoyens, ce qui a donné naissance à une anarchie totale dans la gestion des affaires de la cité et mis à mal les efforts de développement que font certaines APC. C’est dire que le développementt local, fondamental pour le maintien de la cohésion du pays, a toujours été le parent pauvre des politiques du gouvernement. Et en ce moment de crise, il est fort attendu que le budget des communes soit revu à la baisse. Solution conjoncturelle comme d’habitude.
M.Mebtoul préconise «une réorganisation du pouvoir local dont la base est la commune, pour une société plus participative et citoyenne», ce qui permettra l’adhésion de tous à l’effort de développement. «D’une manière plus générale, la mise en place d’une véritable décentralisation impliquant les acteurs locaux, doit avoir pour conséquence un meilleur gouvernement réel ressenti comme tel par la population, l’argument de base résidant dans la proximité géographique. Cela signifie qu’il existe une solution locale aux problèmes locaux et que celle-ci est nécessairement meilleure qu’une solution nationale», explique-t-il. Néanmoins, la décentralisation, axe principal autour duquel s’articulera cette démarche, bien que revendiquée par nombre d’experts, y compris ceux du Cnes, d’intellectuels et d’hommes politiques, ne semble pas au menu de la toute prochaine réunion gouvernement-walis. Pourtant, selon M. Mebtoul, la conjoncture s’y prête parfaitement.