Rejetée par rue, des appels de Karim Younès à des personnalités pour rejoindre le panel restés sans réponse, la démarche proposée par le pouvoir continue à recevoir des critiques en série de la part du peuple et de la classe politique.
En effet, après les réactions de la moudjahida Drifa Ben M’Hidi, sœur du révolutionnaire Larbi Ben M’Hidi et de l’ancien chef de gouvernement Mouloud Hamrouche et bien d’autres qui ont dit « non » à ce panel, la composante de cette commission de médiation n’arrête pas de s’attirer les foudres, surtout qu’elle ne cite pas, dans ses propos, le peuple comme partie à part entière dans le dialogue. Dans ce contexte, c’est au tour de Rachid Benyellès, général à la retraire, sollicité lui aussi par Karim Younès pour rejoindre le panel afin de donner plus de crédibilité à cette initiative , de réagir. Surtout après le dernier discours du chef d’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah, qui refuse la mise en place de mesures d’apaisement que les membres du panel ont posées comme préalables avant d’entamer le dialogue. En effet Benyellès a déclaré sans ambage : «Le dialogue devra se faire entre le pouvoir et les représentants du mouvement». De son côté la magistrate Zoubida Assoul n’a pas hésité à condamner cette démarche, dont les membres ont été «désignés par le pouvoir».
Rachid Benyellès : «Le panel est une diversion»
Le général à la retraite Rachid Benyelles estime, dans un communiqué rendu public dans la soirée d’avant-hier, que la démarche du pouvoir qui consiste à constituer un panel pour conduire le dialogue est une «diversion» et une «grossière tentative de racolage». «Depuis le 22 février 2019, des millions d’Algériens sortent massivement dans les rues de l’ensemble des grandes villes du pays pour exiger un changement radical du système et l’instauration d’un État de droit, en passant préalablement par une période de transition conduite par des hommes et des femmes n’ayant pas appartenu au régime profondément corrompu des vingt dernières années», souligne le général Benyellès en guise d’introduction.
«À cette demande légitime, ajoute-t-il, il a été répondu par des mesures de restriction du champ des manifestations, des arrestations arbitraires et des mesures de diversion destinées à casser le mouvement citoyen qui, malgré toutes les contraintes, continue à s’exprimer avec tout autant de détermination, depuis plus de cinq mois».
Ainsi, sur le projet visant un dialogue national initié par le pouvoir, Rachid Benyelles estime que la dernière démarche de Bensalah a été «élaborée précipitamment dans les officines occultes du pouvoir en place» et que cette «dernière initiative en date a été rejetée par les Algériens». Pour lui, «les grossières tentatives de racolage de certaines personnalités de qualité ne feront pas changer d’avis» aux millions de manifestants qui battent le pavé depuis le 22 février dernier pour exiger le départ de tous les symboles militaires et civils du système. Pour ce qui le concerne, conclut le général à la retraite Rachid Benyelles, «je considère que la seule solution pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouve le pays passe par un dialogue direct, franc et honnête entre les détenteurs véritables du pouvoir et des figures représentatives du mouvement citoyen», indique-t-il.
Zoubida Assoul : «Le panel n’a aucune chance de réussir sa mission»
La Présidente de l’Union pour le changement et le progrès (UCP), Zoubida Assoul, a expliqué que le départ du système revendiqué par le Mouvement depuis son début ne concerne pas juste «les personnalités qui symbolisaient le système depuis vingt ans et même avant». Selon la magistrate ; le système ce sont «les hommes, les règles de fonctionnement de l’Etat et des pratiques ». Affirmant que le changement du système se fera par le changement des règles et parmi ces règles, indique-t-elle, il faut revoir la Constitution et d’autres règles qui concernent la pratique politique : la loi électorale, la loi sur l’information et l’audiovisuel, la loi sur les partis politiques, sur les associations, sur les manifestations, etc.», a-t-elle estimé dans un entretien sur Algeriepatriotique.
Pour elle afin de rompre avec ce système, il faudra libérer « l’action politique, sociale et syndicale, mais aussi donner la liberté aux Algériens de s’exprimer, de manifester comme le stipule l’article 49 de la Constitution » souligne la magistrate. Concernant le dialogue, Assoul a affirmé que pour aller à cette démarche, il faut préparer un environnement propice à celui-ci. « Ce ne sont même pas des préalables. Cet environnement consiste à ce que le pouvoir en place prenne certaines mesures d’apaisement car toute la société est en ébullition», suggère-t-elle.
La différence entre la mise en place des mesures d’apaisement et des préalables, selon elle, c’est que la réponse aux conditions du dialogue «n’est pas une concession de la part du pouvoir». Quant au panel de médiateurs, Assoul déplore que «malheureusement, c’est le pouvoir qui fait les choses à l’envers». C’est-à-dire, explique-t-elle, pour «désigner des personnalités, au départ, le pouvoir, «à travers le président de l’État, avait dit que ce serait la classe politique, la société civile, le débat et le dialogue qui devaient désigner les personnes représentatives ».
Or, aujourd’hui, « c’est le pouvoir qui les a désignées», précise-t-elle, sans prendre en considération le peuple qui occupe la rue.
Selon la présidente d l’UCP, le panel de Karim Younès «n’a aucune chance» de réussir sa mission. Et pour cause : «il y a eu un mauvais départ». Pour Assoul la démarche qu’il faut prendre en ce moment et qui corresponde à l’attente du peuple, de l’opposition et de toutes les personnalités en Algérie qui ont demandé à ce que le dialogue lui-même désigne les personnes et, pour cela, affirme-t-elle, nous pourrons aller vers une solution.»
Sarah Oubraham