À la veille du palmarès, nous avons rencontré Rachid Bouchareb, aux côtés de Djamel Debbouze, pour discuter de Hors-la-loi.
Un réalisateur très serein qui a compris que pour faire un film, il faut imposer ses idées et son projet. Le réalisateur de Hors-la-loi nous parle de son cinéma, de ses comédiens mais aussi de son avenir dans le cinéma algérien.
M. Bouchareb, comment appréhendez-vous le palmarès du festival ?
Je n’appréhende rien, je ne serai pas présent à la cérémonie de clôture puisque je vais retrouver mon fils. L’essentiel pour moi est que le film a été présenté en sélection officielle à Cannes. Je n’attends rien du palmarès et du jury. J’ai déjà fait partie d’un jury et je sais comment ça se passe. Ce qui importe, c’est que, malgré toute la polémique, le film existe et il va faire son grand chemin à travers les festivals.
Certains critiques vous reprochent de faire trop référence au cinéma américain mais pas assez au cinéma français, qui vous a formé…
Un réalisateur est libre de faire un film à sa manière. J’aime faire référence au cinéma américain parce que c’est un cinéma qui m’inspire.
De plus, les comédiens, avec qui je travaille beaucoup, sont imprégnés et s’inspirent beaucoup du cinéma américain. Ils sont toujours inspirés des personnages de ses cinéastes, comme Ridley Scott, Tim Burton, Coppola… Notre passion, c’est faire des films, et quand Djamel Debbouze ou Sami Bouajila lisent le scénario, ils me proposent toujours des retouches sur certaines scènes, qu’ils ont vues dans des films américains. C’est vrai qu’on ne fait pas de référence au cinéma français, parce qu’il est plus inspiré par des comédiens comme Robert de Niro, Denzel Washington, Mel Gibson que par d’autres comédiens. Mais à un moment, on va se libérer du cinéma américain et inventer notre cinéma.
Qu’est-ce qui vous inspire justement le cinéma de Mohamed Lakhdar-Hamina qui, rappelle-t-on, est le seul Algérien, Arabe et Africain qui a décroché une Palme d’Or ?
Lakhdar Hamina est un grand cinéaste. J’ai revu récemment Chroniques des années de braises, c’est Lawrence d’Arabie ! C’est du grand cinéma. Je le dis sincèrement, Lakhdar a fait de grands films…
Il y a des scènes énormes. Il sait filmé cette atmosphère…, c’est du grand cinéma mais du cinéma de Lakhdar Hamina. Moi, avec ma sensibilité, je ne peux pas dire que je peux m’exprimer comme un cinéaste algérien qui est né en Algérie, je m’exprime comme un cinéaste d’origine algérienne qui a grandi en France. C’est son parcours dans la vie qui détermine la sensibilité qu’on va avoir dans ce film.
C’est quoi, en fait, le cinéma de Rachid Bouchareb ?
C’est un cinéma de polémique. Je suis tout le temps protégé par trois gardes du corps des RG. Sauf que je ne suis pas une star américaine. On ne se pose pas la question. On a un projet avec Djamel qui va être quelque chose dans ce même esprit.
Pourquoi faire toujours appel aux mêmes comédiens, Debbouze, Bouijila et Zem ?
Et Hors-la-loi film, c’est Djamel, d’origine marocaine, le Français Sami, d’origine tunisienne, le Français Rachid, d’origine algérienne. C’est le Maghreb qui est à l’image, et on raconte l’Algérie, mais c’est l’histoire du Maghreb et des colonies qui est racontée. Demain, on peut faire des histoires sur le Maroc avec des acteurs algériens ou tunisiens qui vont interpréter des Marocains. En ce moment, je produis l’histoire de Omar Ghadad, il est réalisé par Rochdy et le rôle qui est censé être joué par un Marocain l’est par un Tunisien.
C’est Maghreb United, si le Maghreb se réunit, on peut faire un Hollywood en France, il y a les talents, les techniciens et il y a les gens. On a eu du grand cinéma, qui peut rivaliser avec des grandes nations de cinéma.
M. Bouchareb, malgré vos références cinématographiques, vous refusez toujours de travailler à Hollywood. Est-ce que vous maintenez votre décision ?
Je ne veux pas travailler avec le système hollywoodien. Par contre, j’ai des projets aux États-Unis financés par l’Europe, en toute indépendance, dont un, voire deux avec Djamel, mais pas américains de financement. L’histoire se situe aux États-Unis, mais le financement est européen.
L’Algérie cherche un réalisateur de talent qui peut assumer un projet énorme : “La vie de l’Émir Abdelkader”, est-ce que vous êtes partant pour assumer cette superproduction ?
On m’a déjà fait la proposition, c’est un film grandiose que j’aimerais faire et dans lequel j’aimerais impliquer mes comédiens. Parce qu’ils sont, pour moi, une sécurité. Quand on a Djamel, Roshdy et Sami à ses côtés, je sais qu’on va atteindre les sommets. Mais, pour l’instant, on va voir, c’est un énorme projet que j’aimerais faire, comme Lawrence d’Arabie ou en mieux.
Donc, si c’est pour le faire en très très grand, je suis partant.
TAREK BEY