C’est l’un des plus dangereux et des plus séduisants des agents secrets de l’Algérie ; Rachid Thabti, la fine lame de la nationalisation des hydrocarbures en 1971. C’est un homme qui a su mettre son charme et son charisme au service de son pays.
Grâce à sa liaison avec la secrétaire personnelle du chef des négociateurs français, Rachid Thabti, a pu infiltrer le Palais de l’Élysée et fournir à l’Algérie des informations décisives sur le dossier de la nationalisation des hydrocarbures.
Le boxeur étudiant en droit
Rachid Thabti est né le 27 mai 1930, à Constantine. Il passe son enfance dans la ville. Une fois adolescent, il part étudier en France. Il décroche le baccalauréat puis obtient une licence en droit de l’Université de Paris.
En parallèle de ses études, le futur agent secret se passionne pour la boxe dans laquelle il excelle. C’est ainsi qu’il gagne le championnat universitaire de la discipline. Sur le plan politique, Rachid Thabti milite au sein de la diaspora au profit du Front de libération national (FLN).
L’habile politicien
Après l’indépendance de l’Algérie, Thabti travaille au sein du secrétariat de l’ambassade d’Algérie en France. Mais cet homme aux qualités exceptionnelles ne va pas se contenter de ce rôle. Le natif de Constantine fut, depuis l’enfance, un personnage hors du commun. Il était doté d’un charme et d’un magnétisme qui ne laissait personne indifférent.
De plus, Rachid Thabti maitrisait cinq langues : l’arabe, le français, l’anglais, l’allemand et l’espagnol. À côté des études en droit et de la boxe, il était comédien, cascadeur, cavalier et escrimeur. Il a également assuré des seconds rôles dans des films français.
Toutes ces qualités ont ouvert à Rachid Thabti les portes des salons huppés de Paris. Là où se rencontrent les hommes et les femmes les plus influents : hommes politiques, intellectuels, artistes, sportifs…
L’agent secret et le prince de Marmara
Ayant entendu parler du personnage Rachid Thabti, les services de renseignement algériens décident de rentrer en contact avec lui. Ils veulent l’employer en tant qu’agent secret dans le but d’obtenir des informations sur le dossier de la nationalisation des hydrocarbures qui fait l’objet de négociations âpres entre l’Algérie et la France. En effet, à l’issue des accords d’Évian (signés le 7 mars 1962), la France a gardé le droit de gérer le pétrole algérien. Le manque de savoir-faire de l’Algérie indépendante en matière d’exploitation des hydrocarbures l’avait mis dans une position de faiblesse lors des négociations.
Pour convaincre la partie française qu’il était un homme extrêmement riche, Rachid Thabti s’est fait passer pour le prince de l’île turque de Marmara et a prétendu qu’il possédait des biens immobiliers dans le monde entier. Il invitait ses amantes françaises vers la maison familiale de Constantine qui, grâce à son architecture splendide, avait les allures de châteaux d’aristocrates.
Opération séduction auprès de la secrétaire
La première mission du nouvel agent secret consistait à se rapprocher de la secrétaire personnelle du chef de la délégation française. En un temps record, Rachid Thabti réussit à séduire la belle blonde à rentrer dans ses confidences. Celle-ci lui fournissait toutes les informations dont les services de renseignements algériens avaient besoin pour mener à bien les négociations.
Déroutés, les négociateurs français choisissent d’arrêter les pourparlers unilatéralement. Cela a donné l’occasion au président algérien, Houari Boumédiène, de décider la nationalisation des hydrocarbures sans l’accord de la France. L’annonce officielle a été faite le mercredi 24 février 1971, à Hassi Messaoud.
L’espion Rachid Thabiti tombe
Les succès politiques que réalise l’Algérie au détriment de la France réveillent les soupçons du gouvernement français. Ce dernier suspecte une fuite importante de renseignements et décide d’ouvrir une enquête pour démasquer l’espion. Rachid Thabti est alors arrêté.
Condamné initialement à 10 ans de prison, il n’y passera que quelques mois. Les autorités algériennes obtiennent sa libération contre celle de l’agent français, le docteur Damien. Rachid Thabti rentre alors définitivement en Algérie. Il meurt en 2009, à l’âge de 79 ans.