Le jeûne du mois sacré de Ramadan est un moment spirituel et social important pour des millions de fidèles à travers le monde. Toutefois, pour les personnes atteintes de diabète, cette pratique peut représenter un risque médical non négligeable. Lors d’une session de formation destinée aux journalistes, organisée par les laboratoires Beker à Alger sous le thème « Diabète et Ramadan », le Pr Samir Aouiche, chef d’unité du service de diabétologie au CHU Mustapha Pacha, a mis en garde contre les dangers du jeûne pour certains diabétiques et a rappelé la nécessité de consulter un médecin avant toute décision.
Selon le Pr Aouiche, il est fortement déconseillé aux diabétiques présentant des risques de s’abstenir de manger et de boire pendant une longue période. « La décision de jeûner doit être prise par le médecin traitant en fonction de plusieurs facteurs », a-t-il expliqué. Parmi ces critères figurent le type de diabète (de type 1 ou 2), les traitements en cours, la présence de complications, les comorbidités, ainsi que la nature du travail exercé par le patient.
Les diabétiques qui persistent à jeûner, en dépit des recommandations médicales, doivent faire preuve d’une vigilance accrue. « Ceux qui présentent des risques modérés peuvent observer le jeûne sous réserve d’une surveillance médicale stricte », précise le même spécialiste. Il met notamment en garde contre l’hypoglycémie, qui survient souvent avant la rupture du jeûne, et l’hyperglycémie post-iftar, qui peut provoquer de graves complications.
Voir cette publication sur Instagram
Quels sont les profils de patients diabétiques face au jeûne ?
D’après le Pr Samir Aouiche, on distingue trois profils de patients diabétiques face au jeûne du Ramadan, chacun présentant des risques spécifiques, nécessitant un accompagnement adapté :
- Les patients qui n’observent pas le jeûne : Bien qu’ils ne jeûnent pas, leur alimentation peut être déséquilibrée, avec une diététique habituelle en journée et des repas copieux le soir, augmentant ainsi le risque d’hyperglycémie.
- Ceux qui affirment ne pas jeûner, mais qui le font en réalité : Ce profil est particulièrement à risque, car ces patients ont tendance à arrêter leur traitement, ce qui entraîne une augmentation des hyperglycémies, ou à ne pas adapter leur médication, augmentant ainsi les risques d’hypoglycémie.
- Ceux qui souhaitent explicitement jeûner : Ces patients doivent bénéficier d’un suivi médical rigoureux afin d’ajuster leur traitement et de minimiser les risques métaboliques.
Dans tous les cas, un accompagnement médical et diététique est essentiel pour garantir un jeûne en toute sécurité et limiter les complications.
Jeûne et diabète : pourquoi est-il essentiel de consulter un médecin ?
Face aux dangers potentiels du jeûne pour les diabétiques, l’avis du médecin traitant reste la meilleure garantie pour une expérience sereine et sans risque. Une consultation préalable permet d’évaluer les risques et d’ajuster, si besoin, le traitement médicamenteux.
« Une bonne évaluation médicale, associée à une surveillance glycémique et à une alimentation adaptée, peut permettre à certains diabétiques de jeûner sans trop de risques. Mais dans tous les cas, la prudence doit rester de mise », explique encore le Pr Aouiche.
Voir cette publication sur Instagram
Stratification du risque avant le Ramadan : une évaluation importante pour les diabétiques !
Avant le début du Ramadan, il est crucial d’évaluer le risque associé au jeûne pour chaque patient diabétique. Cette stratification permet d’identifier trois catégories de patients :
- La première, à « très haut risque », inclut ceux ayant présenté une hypoglycémie sévère, une acidocétose ou un coma hyperglycémique dans les trois mois précédents, ainsi que les patients atteints de diabète de type 1 mal contrôlé, d’affections aiguës, de complications macrovasculaires avancées, de néphropathie diabétique aux stades 4 et 5, ou sous dialyse. Les personnes âgées en santé fragile et les femmes enceintes sont également concernées.
- La seconde catégorie, à « haut risque », comprend les patients atteints de diabète de type 2 mal contrôlé, de diabète de type 1 bien contrôlé, ainsi que ceux sous insulinothérapie multiple ou pré-mix. Les femmes enceintes sous mesures hygiéno-diététiques ou metformine, les patients avec néphropathie diabétique de stade 3, des complications macrovasculaires stables, d’autres comorbidités ou une activité physique intense entrent aussi dans cette catégorie.
- La troisième catégorie, à « risque modéré ou faible », regroupe les diabétiques de type 2 bien contrôlés sous traitements tels que les mesures hygiéno-diététiques, la metformine, l’acarbose, les thiazolidinediones, les sulfamides de 2ᵉ génération, les incrétines, les inhibiteurs SGLT-2 ou l’insuline basale. Cette évaluation individuelle permet d’assurer un suivi adapté et sécurisé.
Ramadan et diabète : quels sont les gestes à adopter ?
Pour les diabétiques souhaitant jeûner, un suivi rigoureux est indispensable. Le Pr Aouiche recommande une autosurveillance de la glycémie tout au long de la journée, aussi bien durant le jeûne qu’après l’iftar. « En cas d’hypoglycémie, d’hyperglycémie ou de déshydratation, il est important d’interrompre le jeûne immédiatement pour éviter des complications », insiste-t-il.
🟢À LIRE AUSSI : Alimentation des Algériens durant le Ramadan et excès : qu’en pensent les experts ?
L’éducation thérapeutique joue également un rôle crucial dans la gestion du diabète durant le mois de Ramadan. Les médecins encouragent leurs patients à adopter une alimentation équilibrée, riche en fibres et pauvre en sucres et en matières grasses, afin de limiter les fluctuations glycémiques. « Les excès alimentaires à l’iftar et au s’hour peuvent être dangereux. Il est essentiel de privilégier des repas équilibrés et de bien s’hydrater », recommande le spécialiste.
L’importance de l’éducation au diabète avant le Ramadan
En effet, une préparation adéquate est essentielle pour les patients diabétiques souhaitant jeûner durant le Ramadan. L’éducation thérapeutique repose sur six éléments clés permettant d’optimiser la prise en charge et de limiter les risques :
- Quantification du risque pour évaluer l’aptitude au jeûne.
- Auto-surveillance glycémique (ASG) afin de détecter toute variation dangereuse.
- Conseils diététiques et hydratation pour éviter les déséquilibres glycémiques.
- Activité physique adaptée dans le but de prévenir l’hypoglycémie et la fatigue.
- Ajustement des traitements en fonction des besoins individuels.
- Reconnaître les signes d’alerte et savoir quand rompre le jeûne en cas de complications.
Les 10 conseils nutritionnels du Pr Aouiche pour un Ramadan équilibré
Le Pr Aouiche préconise une approche nutritionnelle adaptée pour les patients diabétiques durant le Ramadan. Voici 10 conseils essentiels pour un jeûne équilibré et sécurisé :
- Répartissez l’apport calorique entre le s’hour, l’iftar et, si nécessaire, une ou deux collations.
- Optez pour des repas équilibrés, composés de 45-50 % de glucides, 20-30 % de protéines et moins de 35 % de lipides.
- Utilisez la méthode du « plat du Ramadan » pour concevoir vos repas de manière équilibrée.
- Limitez les sucres et évitez les desserts trop riches pour mieux contrôler la glycémie.
- Privilégiez les glucides à faible index glycémique ainsi que les aliments riches en fibres pour une meilleure gestion du diabète.
- Maintenez une bonne hydratation en buvant de l’eau et des boissons non sucrées entre les repas.
- Retardez au maximum le s’hour pour mieux tenir la journée de jeûne.
- Incluez des protéines et des matières grasses au s’hour afin de prolonger la sensation de satiété.
- Commencez l’iftar par de l’eau pour la réhydratation et une ou deux dattes pour une augmentation progressive de la glycémie.
- Prévoyez des collations hypocaloriques (fruits, noix, légumes) entre les repas pour éviter les fringales.
En somme
Le jeûne du Ramadan présente des risques variables selon le profil du patient atteint de diabète. De nombreux facteurs influencent cette variabilité, notamment le type de diabète, les traitements médicamenteux, le risque individuel d’hypoglycémies, ainsi que la présence de complications.
Le contexte social, les conditions de travail et l’expérience du patient lors des précédents Ramadan jouent également un rôle déterminant. Face à ces enjeux, la sécurité du jeûne doit rester une priorité absolue. Il est donc essentiel d’évaluer le niveau de risque pour chaque patient souhaitant jeûner, afin d’adapter la prise en charge et d’assurer un suivi optimal.
Ainsi, si le Ramadan est un moment de spiritualité et de partage, il doit aussi être une période de vigilance pour les personnes souffrant de diabète. Se préparer en amont, suivre les conseils médicaux et écouter son corps sont les clés pour un jeûne sans danger.