Henri Pouillot, témoin de la Guerre d’Algérie et militant antiraciste et anticolonialiste, a adressé une lettre au Président français, Emmanuel Macron, afin de compléter le rapport de l’historien Benjamin Stora sur « les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie ».
Dans une lettre rédigée à l’attention du Président français Emmanuel Macron, Henri Pouillot, ancien combattant et militant antiraciste et anticolonialisme est revenu sur le rapport de l’historien Benjamin Stora sur « les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie », afin de le compléter étant donné qu’il a été témoin de la Guerre d’Algérie quand il a été affecté à la cauchemardesque villa Susini à Alger entre juin 1961 et mars 1962.
Henri Pouillot a souligné, au début de sa lettre, que sa mémoire diffère de celle de l’historien Stora, notant que les deux ne peuvent se concilier, mais juste se juxtaposer. « Stora est né en Algérie, y a vécu comme enfant, jeune adolescent, avant d’arriver en France. Moi, un peu plus âgé, j’ai appris à l’école primaire, puis au lycée, que l’Algérie, c’était 3 départements français à part entière. On m’avait aussi inculqué que la colonisation avait apporté le bien être à des populations misérables, et qu’elle avait permis l’éducation, la santé, la prospérité… », a-t-il expliqué dans sa lettre.
En effet, l’ancien militaire a indiqué qu’il n’avait connu l’Algérie qu’en 1961, quand il avait été affecté à la villa Susini, comme militaire, appelé du contingent, rajoutant que c’est à ce moment qu’il avait découvert « la réalité du colonialisme ». « (…) ce hiatus entre les populations pieds-noirs et les autochtones, ces arabo-musulmans qu’on appelait alors généralement bougnoules, ratons, crouilles, bicots… », s’est-il rappelé.
En s’adressant au Président Macron, le militant est revenu sur les neuf mois qu’il a passé à la villa des terreurs notant que c’était le « seul centre de torture qui fonctionna comme tel, pendant toute la Guerre de Libération de l’Algérie (les autres centres d’Alger, nombreux, n’ont fonctionné que quelques mois ou quelques années) ». Pouillot n’a pas manqué de rappeler que c’est dans cette villa que « Jean-Marie Le PEN s’est « brillamment » illustré dans cette pratique, et qu’il revendiquait être fier d’avoir été décoré pour des « exploits » algériens ».
Poursuivant son récit, l’ancien militaire a indiqué que sa mission dans ce centre de torture « était de gérer le fichier des personnes arrêtées, de rédiger des rapports sur les « interrogatoires », et de jouer le chauffeur de l’officier responsable du centre », en révélant par la suite que « ce fichier d’archives ne pourra jamais être consulté parce qu’il avait été détruit, brûlé dans le jardin de la Villa dès le 20 mars 1962 ».
Ce rapport minimise l’ampleur des crimes commis depuis le début de la colonisation
Pour Henri Pouillot, le rapport Stora minimise l’ampleur des crimes commis depuis le début de la conquête, notamment « les enfumades, les répressions, les exécutions sommaires qui se sont poursuivies, féroces, à chaque contestation des effets de la barbarie du colonialisme ».
Le militant a également noté que c’est « pendant la Guerre de Libération de l’Algérie, que les manques sont criants » dans le rapport de l’historien. En effet, Henri Pouillot a fait remarquer que « certains crimes sont évoqués comme de simples exactions », entre autres, « les viols, les crevettes Bigeard, les exécutions sommaires, l’utilisation du gaz Vx et Sarin, les villages rasés au Napalm, les camps d’internement ».
Il ne manque pas de rajouter que Benjamin Stora n’a pas évoqué « le crime de Charonne, les saisies, censures de journaux, revues, les répressions des manifestations ». Mais aussi le rôle de l’OAS qui a été, selon lui, « sous-estimé ». Concernant les préconisations émises par Stora, Henri Pouillot a estimé qu’elles « semblent insuffisantes »
Enfin, Henri Pouillot a conclu sa lettre, avec laquelle il a joint son livre « La Villa Susini », à travers lequel il témoigne de cette période, en interrogeant le Président Macron : « vous qui avez reconnu chez votre prédécesseur son rôle important pour que la « France assume son rôle historique de conscience universelle » ne croyez-vous pas urgent de traduire dans les faits vos engagements de candidat ? ».