Rapport sur la sécurité alimentaire en Algérie : Les spécialistes tirent la sonnette d’alarme

Rapport sur la sécurité alimentaire en Algérie : Les spécialistes tirent la sonnette d’alarme

On a souvent soulevé le problème de la main-d’oeuvre dans le secteur agricole. Cette dernière est certes vieillissante, mais qu’a fait l’Etat pour créer un cadre réellement incitatif dans le domaine de l’agriculture?

A qui confier l’avenir alimentaire et agricole de l’Algérie? De quoi se nourriront les Algériens dans les 10 années à venir? Ces questions fondamentales et vitales pour l’avenir du pays sont posées de manière cruciale par des spécialistes algériens dans un rapport à paraître aujourd’hui, sur l’avenir de la sécurité alimentaire dans notre pays. Pour le professeur Chahat Fouad et ancien directeur d l’Inra, ce «n’est pas très net» sachant qu’ «à travers ses exportation des produits agricoles, l’Algérie ne couvre que 1% de la somme qu’elle débourse pour importer sa nourriture».

Faut-il crier victoire et se satisfaire des statistiques du ministère de l’Agriculture affirmant que la production agricole a connu ces dernières années une évolution significative dans l’ensemble des filières et que le marché est couvert à hauteur de 72%? Loin s’en faut car la réalité est toute autre.

L’enjeu n’est pas dans les produits maraîchers, mais dans les céréales, les viandes rouges, le lait et les aliments de bétail et de volaille. Et dans ce domaine, il y a réellement à craindre.

Le rapport précise que le nombre de calories consommées par les Algériens dans leur régime alimentaire est en constante augmentation au point d’égaler celui consommé par des pays européens comme l’Espagne et le Portugal.

«Mais il faut savoir que ces calories sont dans leur presque totalité importées», précise le même rapport.

«L’Algérie n’arrive pas encore à satisfaire son autosuffisance en viandes rouges, lait et en produits d’alimentation pour le bétail et la volaille», ajoute le professeur Chahat.

Selon les dernières statistiques rendues publiques par l’ONS, le nombre total de la population algérienne a été estimé à 42 millions de personnes à janvier 2018 dont la consommation en protéines «est importée à 85%». «Qu’en serait-il alors d’ici 2050 quand nous serons 60 millions d’Algériens selon les prévisions de l’ONS? Qui nourrira les Algériens si nous laissons le secteur agricole en l’état actuel des choses?», s’est encore interrogé le professeur Chahat.

Pour les experts algériens, l’aspect de la recherche, par ailleurs capital, se trouve totalement marginalisé. Des statistiques rapportées par Omar Bessaoud, chercheur et professeur en France, citant l’institut Ifri sont affligeantes. La part des dépenses publiques rapportées au PIB n’est que de 0,21%, (91 millions de dollars en 2011), soit 10 fois inférieure à la norme de 2% recommandée (rapport de l’IFPI, 2016). L’Algérie, ajoute-t-il, ne dispose que de 593,4 chercheurs (équivalents plein temps) et ne compte que 17,6 chercheurs (équivalents plein temps) pour 100.000 personnes engagées dans l’agriculture (Agricultural science and technology indicators, 2016). N’y a-t-il donc pas urgence de réhabiliter la recherche agricole?

On a souvent soulevé le problème de la main-d’oeuvre dans le secteur agricole. Cette dernière est certes vieillissante, mais qu’a fait l’Etat pour créer un cadre réellement incitatif dans le domaine de l’agriculture?

Le débat sur le secteur est loin d’être clos, il ne fait que commencer. On a vu la réaction des partis de la société civile rien qu’à l’évocation de l’octroi de concessions agricoles aux étrangers, contenu dans l’avant-projet de la LFC 2018, article depuis supprimé sur injonction du président Bouteflika.

Quelle forme de propriété ou d’exploitation promouvoir alors? Faut-il inventer un droit foncier? Comment intégrer la diversité des exploitations agricoles dans les objectifs de politique agricole et de sécurité alimentaire? Le chantier est très vaste, mais il est toujours en friche.

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