Beaucoup d’experts en relations franco-algériennes s’inquiètent du rapprochement observé dans les relations entre Paris et Rabat, et de son impact sur les relations avec l’Algérie. Parmi eux, l’ancien ambassadeur français en Algérie à deux reprises, Xavier Driencourt, qui parle de la volonté de Paris d’atteindre un équilibre pour éviter l’effondrement des relations avec l’un des pays rivaux.
Pour le diplomate français à la retraite, malgré l’importance des intérêts économiques français au Maroc et les multiples visites de responsables français dans ce pays ces derniers mois, cela ne signifie pas que Paris va tout mettre dans le panier marocain, car cela pourrait compromettre les relations avec l’Algérie.
Dans un entretien diffusé mercredi 24 avril 2024 sur le site du journal « Le Figaro », Driencourt déclare que « les relations de notre pays avec ces deux pays dépassent le volet économique. Bien que la France ait d’importants investissements au Maroc, il y a aussi la question de la sécurité en Méditerranée et même la sécurité intérieure française, ainsi que la question de l’immigration et du dossier de la mémoire pour l’Algérie. Il y a aussi la question du Sahel, et bien sûr il y a des questions économiques mais ce n’est pas tout ».
Driencourt revient sur les relations entre la France et l’Algérie à l’époque Chirac
L’ancien président français, Jacques Chirac, est considéré comme « le premier président à avoir réussi à instaurer un équilibre dans ses relations avec l’Algérie et avec le Maroc, il était proche de Rabat mais était accepté en Algérie. Maintenant, nous nous sommes brouillés avec les deux pays. Maintenant, si nous nous rapprochons davantage du Maroc, quelle sera la situation avec l’Algérie ? La relation avec l’Algérie pourrait être fortement affectée, surtout si la France reconnaît la marocanité du Sahara, alors que la deuxième possibilité est de continuer à se rapprocher du régime marocain, en échange de concessions supplémentaires pour l’Algérie. C’est un équilibre très difficile », selon Driencourt.
Quant à la possibilité de répéter l’expérience réussie de Chirac pour établir un équilibre dans les relations de Paris avec ses anciennes colonies dans la région du Maghreb, le diplomate à la retraite pense que « répéter l’expérience de Jacques Chirac pour instaurer un équilibre dans les relations avec les deux pays maghrébins est devenue difficile, car les obstacles et les défis se sont multipliés, tels que la question de l’immigration, ainsi que la région du Sahel qui a connu des conditions difficiles ces derniers temps ».
Driencourt revient sur la question de la mémoire
Ce qui est remarquable dans les propos de Driencourt, c’est que malgré la proximité de l’Algérie avec la Russie et la Chine, et les importantes relations économiques avec la Turquie et l’Allemagne au détriment de la France, cela n’affectera pas le rapprochement avec la France, car ce facteur est ancien et il n’y a pas eu de crise dans les relations entre l’Algérie et Paris. Les visites se poursuivent, avec un rendez-vous en septembre ou octobre pour la visite du président algérien en France, et le président français a également visité l’Algérie en août 2022.
Le problème qui continue de peser sur les relations entre l’Algérie et Paris reste la question de la mémoire, et selon lui, le président français a fait beaucoup de concessions à cet égard depuis 2017, mais cela n’a pas été rencontré par ce qui pourrait être attendu de l’autre côté, de l’Algérie. Cela peut être quelque peu irritant pour la partie française, mais le diplomate français ne pense pas que cela aboutira à une crise entre les deux pays en raison de la question de la mémoire, tant que Paris prend occasionnellement des initiatives, comme récemment concernant le massacre du 17 octobre 1961, au niveau de l’Assemblée nationale française.